dans une f��te que nous nous sommes rencontr��s, et volontiers comme Juliette je dirais: ?Va demander son nom; si elle est mari��e, mon cercueil sera mon lit nuptial.?
Ce nom, il me fallut l'attendre jusqu'au surlendemain, car Marius B��darrides ne se trouva point au rendez-vous arr��t�� entre nous. Ce fut le soir du deuxi��me jour seulement que je le vis arriver chez moi. J'avais pass�� toute la matin��e �� le chercher, mais inutilement.
Il voulut s'excuser de son retard; mais c'��tait bien de ses excuses que mon impatience exasp��r��e avait affaire.
--H�� bien?
--Pardonnez-moi.
--Son nom, son nom.
--Je suis d��sol��.
--Son nom; ne l'avez-vous pas appris?
--Si, mais je ne vous le dirai, que si vous me pardonnez de vous avoir manqu�� de parole hier.
--Je vous pardonne dix fois, cent fois, autant que vous voudrez.
--H�� bien, cher ami, je ne veux pas vous faire languir: connaissez-vous le g��n��ral Martory?
--Non.
--Vous n'avez jamais entendu parler de Martory, qui a command�� en Alg��rie pendant les premi��res ann��es de l'occupation fran?aise?
--Je connais le nom, mais je ne connais pas la personne.
--Votre princesse est la fille du g��n��ral; de son petit nom elle s'appelle Clotilde; elle demeure avec son p��re �� Cassis, un petit port �� cinq lieues d'ici, avant d'arriver �� la Ciotat. Elle est en ce moment �� Marseille, chez un parent, M. Lieutaud, employ�� �� la mairie; M. Lieutaud avait ��t�� invit�� comme fonctionnaire, et mademoiselle Clotilde Martory a accompagn�� sa cousine. J'esp��re que voil�� des renseignements pr��cis; maintenant, cher ami, si vous en voulez d'autres, interrogez, je suis �� votre disposition; je connais le g��n��ral, je puis vous dire sur son compte tout ce que je sais. Et comme c'est un personnage assez original, cela vous amusera peut-��tre.
Marius B��darrides, qui est un excellent gar?on, serviable et d��vou��, a un d��faut ordinairement assez fatigant pour ses amis; il est bavard et il passe son temps �� faire des cancans; il faut qu'il sache ce que font les gens les plus insignifiants, et aussit?t qu'il l'a appris, il va partout le racontant; mais dans les circonstances o�� je me trouvais, ce d��faut devenait pour moi une qualit�� et une bonne fortune. Je n'eus qu'�� lui lacher la bride, il partit au galop.
--Le g��n��ral Martory est un soldat de fortune, un fils de paysans qui s'est engag�� �� dix-sept ou dix-huit ans; il a fait toutes les guerres de la premi��re R��publique.
--Comment cela? Mademoiselle Clotilde n'est donc que sa petite-fille?
--C'est sa fille, sa propre fille; et en y r��fl��chissant, vous verrez tout de suite qu'il n'y a rien d'impossible �� cela. N�� vers 1775 ou 76, le g��n��ral a aujourd'hui soixante-quinze ou soixante-seize ans; il s'est mari�� tard, pendant les premi��res ann��es du r��gne de Louis-Philippe, avec une jeune femme de Cassis pr��cis��ment, une demoiselle Lieutaud, et de ce mariage est n��e mademoiselle Clotilde Martory, qui doit avoir aujourd'hui �� peu pr��s dix-huit ans. Quand elle est venue au monde, son p��re avait donc cinquante-huit ou cinquante-neuf ans; ce n'est pas un age o�� il est interdit d'avoir des enfants, il me semble.
--Assur��ment non.
--Donc je reprends: L'empire trouva Martory simple lieutenant et en fit successivement un capitaine, un chef de bataillon et un colonel. Sa fermet�� et sa r��sistance dans la retraite de Russie ont ��t��, dit-on, admirables; �� Waterloo il eut trois chevaux tu��s sous lui et il fut gri��vement bless��. Cela n'emp��cha pas la Restauration de le licencier, et je ne sais trop comment il v��cut de 1815 �� 1830, car il n'avait pas un sou de fortune. Louis-Philippe le remit en service actif et il devint g��n��ral en Alg��rie. Ce fut alors qu'il se maria. Bient?t mis �� la retraite, il vint se fixer �� Cassis, o�� il est toujours rest��. Il y passe son temps �� ��lever dans son jardin des monuments �� Napol��on, qui est son dieu. Ce jardin a la forme de la croix de la L��gion d'honneur; et au centre se dresse un buste de l'empereur, ombrag�� par un saule pleureur dont la bouture a ��t�� rapport��e de Sainte-H��l��ne: un saule pleureur �� Cassis dans un terrain sec comme la cendre, il faut voir ?a. Du mois de mai au mois d'octobre, le g��n��ral consacre deux heures par jour �� l'arroser, et quand la s��cheresse est persistante, il ach��te de porte en porte de l'eau �� tous ses voisins. Quand le saule jaunit, le g��n��ral est menac�� de la jaunisse.
--Mais c'est touchant ce que vous racontez l��.
--Vous pourrez voir ?a; le g��n��ral montre volontiers son monument; et comme vous ��tes militaire, il vous invitera peut-��tre �� dijuner, ce qui vous donnera l'occasion de l'entendre rappeler sa cuisini��re �� l'ordre, si par malheur elle a laiss�� br?ler la sauce dans la casterole. C'est l��, en effet, sa fa?on de s'exprimer; car, pour devenir g��n��ral, il a d��pens�� plus de sang sur les champs de bataille
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