Choix de Poesies | Page 9

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"Printemps, tu peux venir!"
VICTOR HUGO.
(1802-1885)
Victor Hugo, le plus grand poète français du XIXe siècle, naquit à
Besançon; son père était un officier supérieur qui fit les campagnes du
premier empire et désirait lui voir embrasser la carrière militaire. Victor
Hugo se prépara à Paris pour l'Ecole Polytechnique, mais les lettres
l'attiraient plus que les sciences; les succès qu'il remporta à quinze ans

dans un concours de poésie lui firent abandonner ses premiers projets.
Il commença des études de droit, fit du journalisme et publia à vingt
ans les _Odes et Ballades_ qui lui valurent une pension du roi Louis
XVIII. Bientôt, il fut reconnu comme chef du mouvement romantique
dont il écrivit le manifeste dans la _préface_ de son drame:
_Cromwell_. Il voulait remplacer la tragédie classique avec ses
conventions démodées par le drame tel que Shakespeare l'avait conçu;
c'est d'après cet illustre exemple qu'il écrivit en vers: _Hernani_ (1830),
_Le Roi s'amuse_ (1832), _Marion Delorme, Ruy Blas_ (1838), _Les
Burgraves_; et en prose: _Lucrèce Borgia, Marie Tudor, Angelo_. Ces
drames où V. Hugo n'a pas su égaler son modèle sont surtout
remarquables par la beauté des vers.
Les recueils de vers publiés après les Odes et Ballades sont: _les
Orientales_ (1828), les _Feuilles d'Automne_ (1831), les _Chants du
Crépuscule_ (1835), les _Voies Intérieures_ (1837), les _Rayons et les
Ombres_ (1840), _Les Châtiments_ (1853), _les Contemplations_
(1856), _La Légende des siècles_ (1859), _les Chansons des rues et des
bois_ (1865), _l'Année terrible_ (1872).
Dans sa prodigieuse activité, V. Hugo écrivit aussi des romans de
longue haleine qui sont de véritables études historiques et sociales:
(_Notre Dame de Paris, les Misérables, les Travailleurs de la Mer_).
V. Hugo, qui avait pris part au mouvement révolutionnaire de 1848, dut
s'exiler quand le prince Louis Napoléon se fit proclamer empereur sous
le nom de Napoléon III. Le poète resta à l'étranger, en Belgique, puis à
l'île Jersey, jusqu'à la chute du second empire, en 1870.
Après avoir rempli le siècle de son activité littéraire, politique et sociale,
V. Hugo mourut en 1885, pleuré de la France entière. On lui a fait des
funérailles nationales. Il repose au Panthéon.
OCEANO NOX.
Oh! combien de marins, cfombien de capitaines,
Qui sont partis
joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont

évanouis!
Combien ont disparu, dure et triste fortune!
Dans une
mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle Océan à jamais
enfouis!
Combien de patrons morts avec leurs équipages!
L'ouragan de leur
vie a pris toutes les pages,
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les
flots!
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en
passant d'un butin s'est chargée;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les
matelots.
Nul ne sait votre sort, pauvre têtes perdues!
Vous roulez à travers les
sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.

Oh! que de vieux parents qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts
en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus!
On demande: "Où, sont-ils? sont-ils rois dans quelque île? Nous ont-ils
délaissés pour un bord plus fertile?"
Puis votre souvenir même est
enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, la nom dans la mémoire.
Le
temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire
Sur le sombre
Océan jette le sombre oubli.
Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa
barque et l'autre sa charrue?
Seules, durant ces nuits où l'orage est
vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre

Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur
coeur!
Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos
noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho
nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas
même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à
l'angle d'un vieux pont!
Où sont-ils les marins sombres dans les nuits noires?
O flots, que
vous savez de lugubres histoires!
Flots profonds, redoutés des mères

à genoux!
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce
qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous
venez vers nous.
(Les Rayons et les Ombres)
APRES LA BATAILLE.
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un grand housard qu'il
aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,

Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts
sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible
bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute
Qui se traînait
sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à
moitié,
Et qui disait: "A boire, à boire par pitié!"
Mon père, ému,
tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,

Et dit: "Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé."
Tout à coup, au
moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une
espèce de Maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait
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