Choix de Poesies | Page 6

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ni de l'ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses;?Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples matins?Au dire de chacun, ��taient de petits saints.?L'ane vint �� son tour, et dit: "J'ai souvenance
Qu'en un pr�� de moines passant,?La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi, me poussant,?Je tondis de ce pr�� la largeur de ma langue;?Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net."?A ces mots, on cria haro sur le baudet.?Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue?Qu'il fallait d��vouer ce maudit animal,?Ce pel��, ce galeux, d'o�� venait tout le mal.?Sa peccadille fut jug��e un cas pendable.?Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable!
Rien que la mort n'��tait capable?D'expier son forfait. On le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou mis��rable,?Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
(Livre VII. Fable I.).
LES DEUX PIGEONS.
Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre:?L'un d'eux, s'ennuyant au logis,?Fut assez fou pour entreprendre?Un voyage en lointain pays.?L'autre lui dit: "Qu'allez-vous faire??Voulez-vous quitter votre fr��re??L'absence est le plus grand des maux:?Non pas pour vous, cruel! Au moins que les travaux,
Les dangers, les soins du voyage,?Changent un peu votre courage.?Encor, si la saison s'avan?ait davantage.?Attendez les z��phirs: qui vous presse? un corbeau?Tout �� l'heure annon?ait malheur �� quelque oiseau.?Je ne songerai plus que rencontre funeste,?Que faucons, que r��seaux. H��las, dirai-je, il pleut:
Mon fr��re a-t-il tout ce qu'il veut,?Bon souper, bon g?te et le reste??Ce discours ��branla le coeur?De notre imprudent voyageur:?Mais le d��sir de voir et l'humeur inqui��te?L'emport��rent enfin. Il dit: "Ne pleurez point;?Trois jours au plus rendront mon ame satisfaite:?Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes aventures �� mon fr��re;?Je le d��sennu?rai. Quiconque ne voit gu��re,?N'a gu��re �� dire aussi. Mon voyage d��peint
Vous sera d'un plaisir extr��me.?Je dirai: J'��tais l��; telle chose m'advint:
Vous y croirez ��tre vous-m��me."?A ces mots, en pleurant ils se dirent adieu.?Le voyageur s'��loigne: et voil�� qu'un nuage?L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.?Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage,?Maltraita le pigeon en d��pit du feuillage.?L'air devenu serein, il part tout morfondu,?S��che du mieux qu'il peut son corps charg�� de pluie;?Dans un champ �� l'��cart voit du bl�� r��pandu,?Voit un pigeon aupr��s: cela lui donne envie;?I y vole, il est pris: ce bl�� couvrait d'un lacs
Les menteurs et tra?tres appats.?Le lacs ��tait us��; si bien que, de son aile,?De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin:?Quelque plume y p��rit; et le pis du destin?Fut qu'un certain vautour, �� la serre cruelle,?Vit notre malheureux, qui tra?nant la ficelle?Et les morceaux du lacs qui l'avait attrap��,
Semblait un for?at ��chapp��.?Le vautour s'en allait le lier, quand des nues?Fond �� son tour un aigle aux ailes ��tendues.?Le pigeon profita du conflit des voleurs,?S'envola, s'abattit aupr��s d'une masure,
Crut pour ce coup que ses malheurs?Finiraient par cette aventure;?Mais un fripon d'enfant (cet age est sans piti��)?Prit sa fronde, et du coup tua plus d'�� moiti��
La volatile malheureuse,?Qui, maudissant sa curiosit��,?Tra?nant l'aile, et tirant le pied,?Demi-morte, et demi-bo?teuse,?Droit au logis s'en retourna:?Que bien, que mal, elle arriva?Sans autre aventure facheuse.?Voil�� nos gens rejoints; et je laisse �� juger?De combien de plaisirs ils pay��rent leurs peines.
(Livre IX. Fable II.)
FLORIAN.
(1755-1794)
Florian publia en 1792 un recueil de _Fables_ qui sont inf��rieures �� celles de son devancier, La Fontaine, mais ?ui sont empreintes de d��licatesse et de fra?cheur. Il fut d'abord connu par une traduction de _Don Quichotte_ et des pastorales en prose dans le go?t du temps, _Galat��e, Estelle,_ etc.
Florian fut jet�� en prison pendant la R��volution fran?aise; il en sortit �� la mort de Robespierre, mais mourut bient?t apr��s du contrecoup de ces terribles ��motions.
LE GRILLON.
Un pauvre petit grillon,?Cach�� dans l'herbe fleurie,?Regardait un papillon?Voltigeant dans la prairie.?L'insecte ail�� brillait des plus vives couleurs:?L'azur, le pourpre et l'or ��clataient sur ses ailes:?Jeune, beau, petit-ma?tre, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles.?Ah! disait le grillon, que son sort et le mien.
Sont diff��rents! Dame nature,?Pour lui fit tout, et pour moi rien.?Je n'ai ploint de talent, encor moins de figure;?Nul ne prend garde �� moi, l'on m'ignore ici-bas;
Autant vaudrait n'exister pas.?Comme il parlait, dans la prairie?Arrive une troupe d'enfants.?Aussit?t les voil�� courants?Apr��s ce papillon dont ils ont tous envie.?Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent �� l'attraper.?L'insecte vainement cherche �� leur ��chapper,
Il devient bient?t leur conqu��te.?L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps:?Un troisi��me survient et le prend par la t��te.
Il ne fallait pas tant d'efforts?Pour d��chirer la pauvre b��te.?Oh! Oh! dit le grillon, je ne suis plus fach��:?Il en co?te trop cher pour briller dans le monde.?Combien je vais aimer ma retraite profonde!
Pour vivre heureux vivons cach��.
ALFRED DE VIGNY.
(1799-1863)
Alfred de Vigny, qui appartenait �� une famille de bonne noblesse, fut officier jusqu'en 1830; mais, fait plut?t pour la vie contemplative que pour la vie active, il donna sa d��mission et se consacra aux lettres en philosophe et en penseur.
Dans "_Grandeur et Servitude Militaires_" (1835) il montre
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