Choix de Poesies | Page 5

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civile,?A des reliefs d'ortolans.
Sur un tapis de Turquie?Le couvert se trouva mis.?Je laisse à penser la vie?Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête;?Bien ne manquait au festin:?Mais quelqu'un troubla la fête?Pendant qu'ils étaient en train.
A la porte de la salle?Ils entendirent du bruit.?Le rat de ville détale;?Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire:?Rats en campagne aussit?t;?Et le citadin de dire:?Achevons tout notre r?t.
C'est assez, dit le rustique;?Demain vous viendrez chez moi,?Ce n'est pas que je me pique?De tous vos festins de roi:
Mais rien ne vient m'interrompre;?Je mange tout à loisir.?Adieu donc. Fi du plaisir?Que la crainte peut corrompre!
(Livre I. Fable IX.).
LE MEUNIER, SON FILS ET L'ANE.
J'ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fils,?L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,?Mais gar?on de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,?Allaient vendre leur ane un certain jour de foire.?Afin qu'il f?t plus frais et de meilleur débit,?On lui lia les pieds, on vous le suspendit;?Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.?Pauvres gens! idiots! couple ignorant et rustre!?Le premier qui les vit de rire s'éclata:?"Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là??Le plus ane des trois n'est pas celui qu'on pense."?Le meunier, à ces mots, conna?t son ignorance;?Il met sur pied sa bête et la fait détaler.?L'ane, qui go?tait fort l'autre fa?on d'aller,?Se plaint en son patois. Le meunier n'en a cure;?Il fait monter son fils, il suit, et d'aventure,?Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut?Le plus vieux au gar?on s'écria tant qu'il put:?"Oh là! descendez, que l'on ne vous le dise,?Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise.?C'était à vous de suivre, au vieillard de monter."?--"Messieurs, dit le meunier, il faut vous contenter."?L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte,?Quand trois filles passant, l'une dit: "C'est grand'honte Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils,?Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis,?Fait le veau sur son ane, et pense être bien sage."?--"Il n'est, dit le meunier, plus de veaux à mon age:?Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez.?Après maints quolibets coup sur coup renvoyés,?L'homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe.?Au bout de trente pas, une troisième troupe?Trouve encore à gloser. L'un dit: "Ces gens sont fous!?Le baudet n'en peut plus; il mourra sous leurs coups.?Eh quoi! charger ainsi cette pauvre bourrique??N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique??Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau."?"Pardieu! dit le meunier, est bien fou du cerveau?Qui prétend contenter tout le monde et son père.?Essayons toutefois si par quelque manière?Nous en viendrons à bout. "Ils descendent tous deux;?L'ane se prélassant marche seul devant eux.?Un quidam les rencontre, et dit: "Est-ce la mode?Que baudet aille à l'aise, et meunier s'incommode??Qui, de l'ane ou du ma?tre est fait pour se lasser??Je conseille à ces gens de le faire enchasser.?Us usent leurs souliers et conservent leur ane.?Nicolas au rebours, car, quand il va voir Jeanne,?Il monte sur sa bête, et la chanson le dit.?Beau trio de baudets." Le meunier repartit:?"Je suis ane, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue;?Mais que dorénavant on me blame, on me loue,?Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,?J'en veux faire à ma tête." Il le fit, et fit bien.
Quand à vous, suivez Mars, ou l'Amour, ou le Prince,?Allez, venez, courez; demeurez en province;?Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement;?Les gens en parleront, n'en doutez nullement.
(Livre III. Fable I).
LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE.
Un mal qui répand la terreur,?Mal que le ciel en sa fureur?Inventa pour punir les crimes de la terre,?La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)?Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre;?Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés:
On n'en voyait point d'occupés?A chercher le soutien, d'une mourante vie;
Nul mets n'excitait leur envie;?Ni loups ni renards n'épiaient?La douce et l'innocente proie;?Les tourterelles se fuyaient:?Plus d'amour, partant plus de joie.?Le lion tint conseil, et dit: "Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis?Pour nos péchés cette infortune.?Que le plus coupable de nous?Se sacrifie aux traits du céleste courroux :?Peut-être il obtiendra la guérison commune,?L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On vit de pareils dévo?ments.?Ne nous flattons donc point; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience?Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons.?Que m'avaient-ils fait? nulle offense;?Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.?Je me dévo?rai donc, s'il le faut; mais je pense?Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi;?Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse."?--"Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi.?Vos scrupules font voir trop de délicatesse.?Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce,?Est-ce un péché? Non, non. Vous leur f?tes, seigneur,
En les croquant beaucoup d'honneur;?Et quant au berger, l'on peut dire?Qu'il était digne de tous maux,?Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire."?Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir.
On
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