ces restes de brouillard, qui disparurent en un instant, comme les tra?nards de l'arri��re-garde d'une arm��e vaincue, sous la derni��re vol��e de mitraille des vainqueurs.
Le trois-mats apparut alors en entier, sa voilure coquettement inclin��e �� babord, tandis qu'un bouillonnement de blanche ��cume dansait ga?ment au-devant de la proue du vaisseau; car la brise fra?chissait du large.
Or, en ce moment, ma?tre Jacques Boisdon, l'unique h?telier de Qu��bec, ouvrait les contrevents de son h?tellerie, sise sur la rue Notre-Dame et pr��s de la grande place, �� la haute-ville. [2] Le bonnet de laine rouge de l'h?telier ��tait gaillardement rabattu sur sa bonne grosse figure enlumin��e, les aiguillettes de son haut-de-chausses lui retombaient jusqu'au genou en d��crivant un quart de cercle sur la respectable rotondit�� de son ventre, tandis que le vent du matin se jouait dans le collet d��boutonn�� de sa chemise de toile commune de Bretagne, et caressait de sa fra?che haleine les chairs grasses du cou trapu de l'aubergiste.
[Note 2: La rue Notre-Dame prit plus tard le nom de M. de Buade, comte de Frontenac, lorsque ce gentilhomme devint gouverneur du Canada.]
Ceux qui ont lu Fran?ois de Bienville, se rappelleront sans doute que l'illustre Jean Boisdon ��tait le fils du premier h?telier de Qu��bec, Jacques Boisdon que nous mettons en sc��ne aujourd'hui.[3]
[Note 3: Parmi les actes officiels qui nous restent du Conseil ��tabli �� Qu��bec par M. d'Ailleboust et d'apr��s un r��glement royal donn�� le cinq mars 1648, on en trouve un en date du 19 septembre de la m��me ann��e par lequel Jacques Boisdon est ��tabli h?telier �� l'exclusion de tout autre. ?Il se logera,? y est-il dit, ?sur la grande place, pr��s de l'��glise, afin que tous puissent aller se chauffer chez lui... Il ne gardera personne pendant la grand'messe, le sermon, le cat��chisme et les v��pres.? Cet acte est sign�� par M. d'Ailleboust, gouverneur, le P��re J. Lalemant, et les sieurs de Chavigny, Godefroy et Giffard.]
Bien qu'ambitieux, Jacques, premier du nom en Canada, n'avait pas cette soif de gain qui fut si fatale son sacripant de fils. C'��tait un brave homme que le gros p��re Boisdon, aimant �� rire �� ses heures et �� lever le coude en tout temps. Sous ce dernier rapport, ma?tre Jean, son fils, lui devait ressembler.
Boisdon p��re aimait bien un peu l'argent, non par vile estime du m��tal, mais bien plut?t pour les jouissances mat��rielles qu'il procure. S'il faisait un peu la cour �� sa client��le, c'est qu'il songeait, en lui versant bonne et fr��quente mesure, que le menu de ses trois abondants repas quotidiens s'en augmentait d'autant, et que la bonne ch��re adoucissait singuli��rement aussi l'humeur tant soit peu rev��che de Perp��tue, sa digne ��pouse.
Comme il achevait d'ouvrir son dernier volet, il entendit le bruit r��jouissant des casseroles que sa vaillante moiti�� agitait �� l'int��rieur. La seule id��e de la belle omelette au jambon de Bayonne, qui l'attendrait bient?t, toute fumante et dor��e, sur la table du d��jeuner, le fit sourire, et se sentant les jambes engourdies par le sommeil, il enfon?a ses deux mains dans les poches profondes de son haut-de-chausses, et fit quelques pas dans la rue pour se d��gourdir et se remettre en app��tit.
Il allait ainsi, longeant la grande ��glise et se dandinant avec b��atitude, vers la demeure de Mgr. de Laval, [4] lorsqu'un cri de joyeuse surprise lui ��chappa.
[Note 4: En 1664, Mgr. de Laval demeurait dans une maison batie �� l'endroit o�� s'��l��ve aujourd'hui celle de la Fabrique de la cath��drale, �� c?t�� du presbyt��re de la haute-ville. On voit cependant, sur un plan de Qu��bec, fait en 1660 et intitul�� ?Vray plan du haut et bas de Qu��bec. Comme il est en l'an 1660,? on voit, dis-je, que Mgr. de Laval avait d'abord occup�� la maison de Mme de la Pelleterie, pr��s du couvent des Ursulines.]
Ses regards venaient de tomber sur la rade, qui alors ��tait parfaitement visible de la haute ville; car cet amas de maisons qui s'��l��vent maintenant en face du nouveau bureau de poste, ne masquait pas la vue en ces temps recul��s, tandis qu'�� l'endroit quelque vingt-cinq ans plus tard, devait s'��lever le premier ��v��ch��, il n'y avait qu'une seule maison appartenant au procureur-g��n��ral, M. Ruette d'Auteuil. [5]
[Note 5: C'est sur ce terrain que sont aujourd'hui construits les batiments de notre Parlement provincial.]
Apr��s un instant de contemplation, il tourna brusquement sur lui-m��me et se prit �� courir ou plut?t �� rouler vers son logis. Il arrive chez lui tout essouffl��, et cria en ouvrant la porte de l'h?tellerie.
--Perp��tue! Perp��tue!
--Allons qu'est-ce qu'il y a? fit dame Boisdon, qui cassait en ce moment un oeuf frais, dont le jaune en se r��pandant dans la po��le, autour de tranches roses de jambon saupoudr��es de brindilles de persil, semblait un petit lac dont les flots d'or baigneraient des flots de corail et d'��meraude.
Boisdon sentit que
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.