... qu'est-ce que c'est donc...."
Il s'abattit sur la belle ��paule large, poussant du front, du nez, creusant sa place famili��re, fermant d��j�� les yeux et cherchant son somme prot��g�� des longs matins, mais L��a le repoussa :
"Pas de ?a, Ch��ri! Tu d��jeunes chez notre Harpie nationale et il est midi moins vingt.
--Non? je d��jeune chez la patronne? Toi aussi?
L��a glissa paresseusement au fond du lit.
"Pas moi, j'ai vacances. J'irai prendre le caf�� �� deux heures et demie-- ou le th�� �� six heures--ou une cigarette �� huit heures moins le quart.... Ne t'inqui��te pas, elle me verra toujours assez.... Et puis, elle ne m'a pas invit��e."
Ch��ri, qui boudait debout, s'illumina de malice :
"Je sais, je sais pourquoi! Nous avons du monde bien! Nous avons la belle Marie-Laure et sa poison d'enfant!"
Les grands yeux bleus de L��a, qui erraient, se fix��rent :
"Ah! oui! Charmante, la petite. Moins que sa m��re, mais charmante.... ?te donc ce collier, �� la fin.
--Dommage, soupira Ch��ri en le d��grafant. Il ferait bien dans la corbeille."
L��a se souleva sur un coude :
"Quelle corbeille?
--La mienne, dit Ch��ri avec une importance bouffonne. MA corbeille de MES bijoux de MON mariage...."
Il bondit, retomba sur ses pieds apr��s un correct entrechat-six, enfon?a la porti��re d'un coup de t��te et disparut en criant :
"Mon bain, Rose! Tant que ?a peut! Je d��jeune chez la patronne!
--C'est ?a, songea L��a. Un lac dans la salle de bain, huit serviettes �� la nage, et des raclures de rasoir dans la cuvette. Si j'avais deux salles de bains...."
Mais elle s'avisa, comme les autres fois, qu'il e?t fallu supprimer une penderie, rogner sur le boudoir �� coiffer, et conclut comme les autres fois :
"Je patienterai bien jusqu'au mariage de Ch��ri."
Elle se recoucha sur le dos et constata que Ch��ri avait jet��, la veille, ses chaussettes sur la chemin��e, son petit cale?on sur le bonheur-du- jour, sa cravate au cou d'un buste de L��a. Elle sourit malgr�� elle �� ce chaud d��sordre masculin et referma �� demi ses grands yeux tranquilles d'un bleu jeune et qui avaient gard�� tous leurs cils chatains. A quarante-neuf ans, L��onie Vallon, dite L��a de Lonval, finissait une carri��re heureuse de courtisane bien rent��e, et de bonne fille �� qui la vie a ��pargn�� les catastrophes flatteuses et les nobles chagrins. Elle cachait la date de sa naissance; mais elle avouait volontiers, en laissant tomber sur Ch��ri un regard de condescendance voluptueuse, qu'elle atteignait l'age de s'accorder quelques petites douceurs. Elle aimait l'ordre, le beau linge, les vins m?ris, la cuisine r��fl��chie. Sa jeunesse de blonde adul��e, puis sa maturit�� de demi-mondaine riche n'avaient accept�� ni l'��clat facheux, ni l'��quivoque, et ses amis se souvenaient d'une journ��e de Drags, vers 1895, o�� L��a r��pondit au secr��taire du Gil Blas qui la traitait de "ch��re artiste" :
"Artiste? Oh! vraiment, cher ami, mes amants sont bien bavards...."
Ses contemporaines jalousaient sa sant�� imperturbable, les jeunes femmes, que la mode de 1912 bombait d��j�� du dos et du ventre, raillaient le poitrail avantageux de L��a,--celles-ci et celles-l�� lui enviaient ��galement Ch��ri.
"Eh, mon Dieu! disait L��a, il n'y a pas de quoi. Qu'elles le prennent. Je ne l'attache pas, et il sort tout seul."
En quoi elle mentait �� demi, orgueilleuse d'une liaison,--elle disait quelquefois : adoption, par penchant �� la sinc��rit��--qui durait depuis six ans.
"La corbeille... redit L��a. Marier Ch��ri.... Ce n'est pas possible,--ce n'est pas... humain.... Donner une jeune fille �� Ch��ri,--pourquoi pas jeter une biche aux chiens? Les gens ne savent pas ce que c'est que Ch��ri."
Elle roulait entre ses doigts, comme un rosaire, son collier jet�� sur le lit. Elle le quittait la nuit, �� pr��sent, car Ch��ri, amoureux des belles perles et qui les caressait le matin, e?t remarqu�� trop souvent que le cou de L��a, ��paissi, perdait sa blancheur et montrait, sous la peau, des muscles d��tendus. Elle l'agrafa sur sa nuque sans se lever et prit un miroir sur la console de chevet.
"J'ai l'air d'une jardini��re, jugea-t-elle sans m��nagement. Une mara?ch��re. Une mara?ch��re normande qui s'en irait aux champs de patates avec un collier. Cela me va comme une plume d'autruche dans le nez,--et je suis polie."
Elle haussa les ��paules, s��v��re �� tout ce qu'elle n'aimait plus en elle : un teint vif, sain, un peu rouge, un teint de plein air, propre �� enrichir la franche couleur des prunelles bleues cercl��es de bleu plus sombre. Le nez fier trouvait grace encore devant L��a; "le nez de Marie- Antoinette!" affirmait la m��re de Ch��ri, qui n'oubliait jamais d'ajouter : "...et dans deux ans, cette bonne L��a aura le menton de Louis XVI". La bouche aux dents serr��es, qui n'��clatait presque jamais de rire, souriait souvent, d'accord avec les grands yeux aux clins lents et rares, sourire cent fois lou��, chant��, photographi��, sourire profond et confiant qui ne pouvait lasser.
Pour le corps, "on
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