victoire?; il laisse son fr��re �� Bruxelles, traverse Li��ge, Aix-la-Chapelle, Cologne, Coblentz, Tr��ves, o�� il rejoint l'arm��e des princes. L'ordre est de marcher sur Thionville (o�� commande Wimpfen). L'arm��e royaliste y arrive le 1er septembre.
?Aupr��s de notre camp indigent et obscur en existait un autre brillant et riche. �� l'��tat-major on ne voyait que fourgons remplis de comestibles; on n'apercevait que cuisiniers, valets, aides de camp.? Le ?camp indigent et obscur? se composait de gentilshommes pauvres class��s par provinces et servant en qualit�� de simples soldats, qui d��testent l'autre camp, celui des ��l��gants et des gentilshommes de cour. Ainsi, la partie rurale et pauvre de l'arm��e des ��migr��s avait pour l'autre partie quelques-uns des sentiments des r��volutionnaires eux-m��mes. En somme, cette arm��e ne semble pas avoir eu la foi.
Chateaubriand raconte tout cela fort gaiement. ?Nous surg?mes invaincus �� Thionville, car chemin faisant nous ne rencontrames personne.? Monsieur et le comte d'Artois se montrent, font la reconnaissance de la place, somment en vain Wimpfen, et disparaissent. Tout cela ne para?t pas tr��s s��rieux. On commence le si��ge, on fait quelques travaux et quelques d��monstrations, on re?oit quelques bombes. On fait la cuisine, on lave son linge, on couche sous la tente. La vie est un peu dure, mais fort convenable �� des hobereaux chasseurs. Derri��re le camp s'est form��e une esp��ce de march�� ou de foire. Les paysans am��nent des quartauts de vin; on fait frire des saucisses et sauter des cr��pes. Des paysannes vendent du lait. On boit et on mange ferme en racontant des histoires. ?Cette vie de soldat, dit Chateaubriand, est tr��s amusante; je me croyais encore parmi les Indiens.?
Je ne pense pas que personne ait jamais plus clairement senti l'ironie et la folie des choses, l'envers des grands sentiments et des grands desseins, la mis��re des coulisses de l'histoire; ait tour �� tour mieux connu la joyeuse absurdit�� de tout, plus joui d'��tre vid�� de toute croyance et raill�� plus sinistrement que le chevalier de Chateaubriand devant Thionville. ?Je me souviens d'avoir dit �� mon camarade Ferron que le roi p��rirait sur l'��chafaud et que, vraisemblablement, notre exp��dition devant Thionville serait un des principaux chefs d'accusation contre Louis XVI.? Il avait donc, s'il faut l'en croire, le sentiment de tuer all��grement son roi en mangeant des saucisses �� la foire, aupr��s du camp.
Mais, un jour que, recru de fatigue, il dormait presque sous les roues des aff?ts o�� il ��tait de garde, un obus lui envoya un ��clat �� la cuisse droite. ?R��veill�� du coup, mais ne sentant point la douleur, je ne m'aper?us de ma blessure qu'�� mon sang. J'entourai ma cuisse de mon mouchoir... Pendant ce temps-l��, le sang coulait �� torrents dans les prisons de Paris: ma femme et mes soeurs ��taient plus en danger que moi.? Et voil�� des ��motions.
Quelques heures apr��s, on l��ve le si��ge et l'on part pour Verdun. Sa blessure ne lui permettant de marcher qu'avec douleur, Chateaubriand se tra?ne comme il peut �� la suite de sa compagnie, qui bient?t se d��bande. Le plan du chevalier est de parvenir �� Ostende et de s'embarquer pour Jersey, o�� il trouvera son oncle B��d��e. Tout cela avec dix-huit livres tournois dans sa poche. Min�� de fi��vre, puis atteint d'une ?petite v��role confluente?, boitillant sur sa b��quille, ses cheveux pendant sur son visage que masquent sa barbe et ses moustaches, la cuisse entour��e d'un torchis de foin, une couverture de laine par-dessus son uniforme en loques; guettant sur les routes les charrettes des paysans; couchant o�� il peut; de foss�� en foss��, de grange en grange et de charrette en charrette, il arrive �� Namur, puis �� Bruxelles o�� il retrouve son fr��re et re?oit quelques soins; puis �� Ostende par les canaux; nolise avec quelques Bretons une barque pont��e, couche dans la cale sur des galets, fait relache �� Guernesey, o�� un pr��tre ��migr�� lui lit les pri��res des agonisants et o�� le capitaine le fait d��barquer sur le quai pour qu'il ne meure pas �� bord. (Tout cela, �� ce qu'il raconte.) Mais il rembarque le lendemain (car il a un temp��rament de fer) et tombe enfin, �� Saint-H��lier, chez son oncle B��d��e. Il y demeure quatre mois entre la vie et la mort, et il apprend, dans son lit de malade, la mort de Louis XVI. Quand il peut marcher, il arr��te sa place dans un paquebot et d��barque �� Southampton le 17 mai 1793.
Il n'a pas vingt-cinq ans; et l'on peut dire que, pour ce qui est de voir, de sentir et d'��tre ��mu, il n'a pas perdu son temps.
Sans doute une vie ordinaire et tout unie peut contenir des sentiments violents, et des drames de l'esprit ou du coeur; et sans doute, d'autre part, il y avait eu dans notre litt��rature (au dix-septi��me si��cle m��me) de beaux
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