Chateaubriand et Madame de Custine | Page 2

Francois-René de Chateaubriand
de leur talent, pour mettre en relief les qualit��s ma?tresses de leur g��nie, et les classer dans l'une ou l'autre des sph��res de l'intelligence, suivant que l'imagination ou le raisonnement pr��domine en eux, et en fait des po��tes ou des philosophes, des hommes d'��tat, des orateurs ou des historiens. On conna?t d'eux, par leurs livres, l'homme public, au plus haut degr�� de puissance o�� ses qualit��s sp��ciales ont pu l'��lever, mais son caract��re, les tendances particuli��res de son esprit, sa nature intime, l'homme priv��, en un mot, ne nous sont enti��rement r��v��l��s que par les plus secrets d��tails de sa biographie, par sa correspondance, surtout par celle qu'il n'a point ��crite pour le public.
Et cette ��tude de l'homme int��rieur n'est pas un travail de pure curiosit��: combien d'erreurs ce genre de recherches ne rectifient-elles pas? Ne sont-elles pas indispensables pour bien comprendre un ��crivain dans ses oeuvres, m��me les plus ��lev��es? Comment fera-t-on dispara?tre, par exemple, si ce n'est par ces documents intimes, ce qu'il y a de contradictoire et d'inconciliable entre le portrait g��n��ralement adopt�� et qui devient l��gendaire d'un Chateaubriand dur, morose, fantasque, ��go?ste, et ses oeuvres empreintes d'une sensibilit�� si vive et de sentiments si ��lev��s? Ceux de ses amis qui l'ont le mieux connu nous le peignent, au contraire, dou�� des qualit��s les plus charmantes, la cordialit�� et l'enjouement, d'une constance inalt��rable dans ses engagements, d'une g��n��rosit�� habituellement prodigue jusqu'�� l'exc��s, et personne plus que lui n'aurait eu le droit d'��crire, comme il l'a fait: ?Mes amis d'autrefois sont mes amis d'aujourd'hui et ceux de demain.?
Autour de la m��moire de Chateaubriand se sont form��s deux camps oppos��s; dans l'un, admiration sans bornes, dans l'autre, d��nigrement et implacable condamnation de l'homme et de ses oeuvres. En quoi il n'est pas probable que, d'un c?t�� ou de l'autre, tous se trompent absolument, mais chacun examine le m��me sujet par un c?t�� diff��rent. Chateaubriand ��tait un po��te, non un penseur et un politique; aussi en litt��rature a-t-il donn�� des tableaux et des descriptions dans le style propre �� la po��sie, qui est le langage de l'��motion. Qu'y a-t-il d'��tonnant, si l'on exige de lui la profondeur d'une savante analyse, qu'on s'aper?oive aussit?t qu'il remplace en g��n��ral le raisonnement par des images? C'est en vain, par exemple, qu'on chercherait dans le G��nie du christianisme une savante apologie, une d��monstration th��ologique qui ne s'y trouve pas, et que l'auteur n'avait pas entreprise. Renferm�� dans sa sph��re, il est rest�� po��te, et, dans ces limites, il a cr���� un chef-d'oeuvre.
En politique, il en est de m��me. La po��sie et la politique diff��rent essentiellement par leur objet et par la langue m��me qu'elles emploient. La po��sie, peu importe qu'elle s'exprime en vers ou en prose, vit dans la sph��re des id��es les plus g��n��rales. La politique, au contraire, n'a pour objet que des id��es particuli��res, et en cela, elle est inf��rieure �� la po��sie; elle ne s'exerce que sur des faits accidentels et contingents. Aussi, le po��te, sortant de son domaine pour entrer dans celui de la politique, pourra bien y apporter les id��es g��n��rales et les plus hautes aspirations, mais il se sentira toujours mal �� l'aise dans la succession des faits variables qui forment le champ ind��fini de l'exp��rience.
Cette pr��occupation des images et de la forme po��tique poursuivait Chateaubriand jusque dans ses ��tudes. Il n'avait pas l'��rudition d'un savant, mais il poss��dait des connaissances vari��es tr��s ��tendues. Il avait beaucoup ��tudi�� les litt��ratures antiques; il citait les po��tes grecs avec une ��vidente pr��dilection, beaucoup moins souvent les po��tes latins et plus rarement encore les prosateurs, les historiens ou les philosophes. C'est avec les po��tes de la Gr��ce qu'il ��tait en communion d'id��es; c'est, aupr��s d'eux qu'il cherchait avec d��lices la beaut�� des formes, la vari��t�� et la magnificence des images et les secrets d'une harmonie qui n'a ��t�� surpass��e dans aucune autre langue. Il puisait surtout avec amour �� cette source charmante d'inspirations po��tiques qui s'appelle l'Anthologie grecque. Assur��ment, il aurait applaudi �� l'opinion exprim��e par un savant de nos jours: ?L'antiquit�� gr��co-latine, disait Littr��, avait amass�� des tr��sors de style sans lesquels rien d'achev�� ne devait plus se produire dans le domaine de la beaut�� id��ale. L'art antique est �� la fois un mod��le et un ��chelon pour l'art moderne[1].
La politique, la religion, la po��sie ont contribu�� dans des proportions diverses �� soulever contre Chateaubriand l'hostilit�� pers��v��rante dont nous avons parl��. En politique, le parti lib��ral, tout en cherchant et en parvenant �� l'attirer dans son sein et �� l'y retenir, n'a point oubli�� ses d��buts autoritaires et absolutistes, ni son retour, apr��s 1830, aux id��es l��gitimistes, dont il est encore aujourd'hui consid��r�� comme le repr��sentant. Le parti royaliste, de son c?t��, lui garde rancune de son ��volution vers le lib��ralisme, de ses intimit��s avec le parti r��publicain, et fait
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