noire
et une mulâtre. Dès lors les différentes couleurs, faisant partie d'une
même famille, seront confondues dans l'opinion de chacun. Sans cela
on n'obtiendra jamais de résultat satisfaisant. _Les noirs seront ou plus
nombreux ou plus habiles, et alors ils tiendront les blancs dans
l'abaissement_, et vice versa[6].»
[Note 6: Mémoires de Napoléon, t. V, p. 195.]
Graves paroles que celles-là! car, en raison même des conditions
auxquelles l'émancipation des noirs serait possible, elles en portent
condamnation sans appel et proscription écrasante an nom de la morale
qui ne saurait accepter la polygamie; an nom de l'économie sociale,
menacée dans les colonies par l'envahissement de l'élément noir.
Les conséquences que nous déduisons de l'opinion émise par
l'empereur philosophe sont donc diamétralement opposées à celles
qu'en ont déduites MM. d'Eichthal et Urbain. Que si d'ailleurs en
partant de cette juste observation: «que le noir a beaucoup des qualités
de la femme,» ils en sont arrivés à cette formule un peu mystique:
«donc le noir est la _race femme_ de la famille humaine,» ne serait-ce
point pour n'avoir pas assez remarqué qu'il a bien plus encore les
défauts de l'enfant?--Race enfant donc que la sienne, et nous lui devons,
à ce titre, la tutelle et l'éducation; d'où il sait que nos moyens, à nous,
d'associer les blancs et les noirs sont ceux-ci: domesticité, moralisation,
émancipation, rapatriement.
Nous avons donc mal compris jusqu'à présent la mission évangélique et
moralisatrice dont les peuples blancs sont, à l'égard des peuples nègres,
les apôtres.
Deux hommes éminents, M. de Tocqueville et M. le baron Baude, ont
eu de ces prémisses une apparente révélation; mais ni l'un ni l'autre n'en
ont tiré un suffisant enseignement.
M. le baron Baude a dit:
«Les sociétés blanches ont en elles-mêmes le principe de la
perfectibilité; tandis que les sociétés noires obéissent à l'impulsion du
dehors et ne font aucun progrès qui leur soit propre. _L'immersion dans
les sociétés blanche semble donc être la condition à laquelle les nègres
deviendront capables de liberté_.
«L'abolition de l'esclavage des noirs parmi les blancs ne serait au fond
que le maintien de l'esclavage des noirs parmi les noirs. L'un est un pas
vers la liberté, l'autre est à perpétuité la consécration de la
servitude[7].»
[Note 7: L'Algérie, t. II.]
Il est à regretter que cette lumineuse intuition n'ait conduit M. Baude
qu'à mi-chemin de la solution du problème; soit au rétablissement de la
traite par caravanes du Soudan en Algérie. L'Algérie y gagnerait des
travailleurs sans contredit, et ces travailleurs y gagneraient sans doute
eux-mêmes d'être moralisés; mais qu'y gagneraient la question de
l'esclavage en général et les colonies de l'Océan et les cinquante
millions de nègres qui peuplent l'Afrique intérieure?
M. de Tocqueville, après avoir exposé la situation, prospère au delà de
toute prévision, de cette colonie fondée sur les côtes de Guinée par les
États-Unis, avec des nègres émancipés, sous le nom de Libéria, ajoute:
«Des barbares ont été puiser les lumières au sein de la civilisation, et
apprendre dans l'esclavage l'art d'être libres.--Jusqu'à nos jours
l'Afrique était fermée aux arts, aux sciences des blancs. Les lumières de
l'Europe, importées par les Africains, y pénétreront peut-être[8].»
[Note 8: De la démocratie en Amérique.]
Pourquoi peut-être, quand une première expérimentation concluante
affirme?
Deux cents pauvres nègres, exportés des États-Unis et conduits par
quelques membres dévoués de la Société américaine de colonisation,
confiants dans cet adieu de leur président: _Je sais que ce dessein est de
Dieu_, débarquent en 1822 sur les plages, désertes du Mesurado. Deux
ans après, ils ont bâti une ville en pierres, Monrovia, armé un fort,
élevé des chapelles, des écoles, un hôpital. Un peu plus tard, de
nouveaux immigrants fondent Caldwell; des villages se créent et des
fermes se groupent dans la banlieue des deux cités. A cette société
naissante, qui n'a point oublié ses traditions originelles, il faut déjà la
libre expansion de sa pensée: une imprimerie s'établit à Mourovia, et
les États-Unis étonnés reçoivent le premier numéro du Liberia-Herald.
Deux établissements nouveaux se forment: l'un au cap Monte, avec un
comptoir fortifié; l'autre dans le Bassa, où s'improvise la ville d'Edina;
en même temps que diverses sociétés de colonisation en créent d'autres
avec leurs propres ressources à Bassa, à Cove et sur différents points.
Si pourtant la plupart des rois nègres de la côte se prêtent volontiers à
ces envahissements de leur territoire, légitimés d'ailleurs par achat, et
s'engagent même, comme condition du marché, à renoncer à la traite,
ceux de l'intérieur, lésés par contrecoup dans leurs intérêts de
marchands d'esclaves, en appellent malaisément aux armes. Ce fut pour
les Libériens, organisés en milice, bien armés et appuyés par leurs alliés,
l'affaire de quelques combats, pour s'en faire des voisins plus prudents
d'abord, des amis ensuite.
De 1839 à 1847 enfin, tous ces éléments épars de colonisation,
jusque-là sans unité
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