Cesarine Dietrich

George Sand
Cesarine Dietrich, by George
Sand

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Title: Cesarine Dietrich
Author: George Sand
Release Date: January 2, 2005 [EBook #14564]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DIETRICH ***

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OEUVRES DE GEORGE SAND

CÉSARINE DIETRICH
PAR
GEORGE SAND
(L.-A. AURORE DUPIN)
VEUVE DE M. LE BARON DUDEVANT

PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES 3, RUE AUBER, 3
1897

CÉSARINE
DIETRICH
I
J'avais trente-cinq ans, Césarine Dietrich en avait quinze et venait de
perdre sa mère, quand je me résignai à devenir son institutrice et sa
gouvernante.
Comme ce n'est pas mon histoire que je compte raconter ici, je ne
m'arrêterai pas sur les répugnances que j'eus à vaincre pour entrer, moi
fille noble et destinée à une existence aisée, chez une famille de
bourgeois enrichis dans les affaires. Quelques mots suffiront pour dire
ma situation et le motif qui me détermina bientôt à sacrifier ma liberté.
Fille du comte de Nermont et restée orpheline avec ma jeune soeur, je

fus dépouillée par un prétendu ami de mon père qui s'était chargé de
placer avantageusement notre capital, et qui le fit frauduleusement
disparaître. Nous étions ruinées; il nous restait à peine le nécessaire, je
m'en contentai. J'étais laide, et personne ne m'avait aimée. Je ne devais
pas songer au mariage; mais ma soeur était jolie; elle fut recherchée et
épousée par le docteur Gilbert, médecin estimé, dont elle eut un fils,
mon filleul bien-aimé, qui fut nommé Paul; je m'appelle Pauline.
Mon beau-frère et ma pauvre soeur moururent jeunes à quelques années
d'intervalle, laissant bien peu de ressources au cher enfant, alors au
collège. Je vis que tout serait absorbé par les frais de son éducation, et
que ses premiers pas dans la vie sociale seraient entravés par la misère;
c'est alors que je pris le parti d'augmenter mes faibles ressources par le
travail rétribué. Dans une vie de célibat et de recueillement, j'avais
acquis quelques talents et une assez solide instruction. Des amis de ma
famille, qui m'étaient restés dévoués, s'employèrent pour moi. Ils
négocièrent avec la famille Dietrich, où j'entrai avec des appointements
très-honorables.
Je me hâte de dire que je n'eus point à regretter ma résolution; je
trouvai chez ces Allemands fixés à Paris une hospitalité cordiale, des
égards, un grand savoir-vivre, une véritable affection. Ils étaient deux
frères associés, Hermann et Karl. Leur fortune se comptait déjà par
millions, sans que leur honorabilité eût jamais pu être mise en doute.
Une soeur aînée s'était retirée chez eux et gouvernait la maison avec
beaucoup d'ordre, d'entrain et de douceur; elle était à tous autres égards
assez nulle, mais elle recevait avec politesse et discrétion, ne parlant
guère et agissant beaucoup, toujours en vue du bien-être de ses hôtes.
M. Dietrich aîné, le père de Césarine, était un homme actif, énergique,
habile et obstiné. Son irréprochable probité et son succès soutenu lui
donnaient un peu d'orgueil et une certaine dureté apparente avec les
autres hommes. Il se souciait plus d'être estimé et respecté que d'être
aimé; mais avec sa fille, sa soeur et avec moi il fut toujours d'une bonté
parfaite et même délicate et courtoise.
Je me trouvai donc aussi heureuse que possible dans ma nouvelle
condition, j'y fus appréciée, et je pus envisager avec une certaine

sécurité l'avenir de mon filleul.
L'hôtel Dietrich était une des plus belles villas du nouveau Paris, dans
le voisinage du bois de Boulogne et dans un retrait de jardins assez bien
choisi pour qu'on n'y fût pas incommodé par la poussière et le bruit des
chevaux et des voitures. Au milieu d'une population affolée de luxe et
de mouvement, on trouvait l'ombre, la solitude et un silence relatif
derrière les grilles et les massifs de verdure de notre petit parc. Ce
n'était certes pas la campagne, et il était difficile d'oublier qu'on n'y
était pas; mais c'était comme un boudoir mystérieux, séparé du tumulte
par un rideau de feuilles et de fleurs.
La défunte madame Dietrich avait aimé le monde, elle avait beaucoup
reçu, donné de beaux dîners, et des bals dont parlaient encore les gens
de la maison quand je m'y installai. À présent l'on était en deuil, et il
n'était pas à présumer que M. Dietrich reprit jamais le brillant train de
vie que sa femme
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