regard long et triste ces malheureux petits ��tres �� l'avenir tant compromis par un tel p��re, poussait de profonds soupirs et pleurait bien une bonne heure. Malheur au colonel s'il ne savait comprendre ces larmes! Et le pauvre homme, qui ne le savait presque jamais, venait comme �� plaisir se jeter dans la gueule du loup et devait essuyer de rudes assauts. Mais son respect n'en ��tait pas alt��r��; il en arrivait m��me au paroxysme. La g��n��rale et Foma sentirent tous deux que la terreur suspendue sur leurs t��tes pendant de si longues ann��es ��tait chass��e �� jamais.
De temps �� autre, la g��n��rale tombait en syncope, et, dans le remue-m��nage qui s'ensuivait, le colonel s'effarait, tremblant comme la feuille.
-- Fils cruel! criait-elle en retrouvant ses sens, tu me d��chires les entrailles!... mes entrailles! mes entrailles!
-- Mais, ma m��re, qu'ai-je fait? demandait timidement le colonel.
-- Tu me d��chires les entrailles! il tente de se justifier! Quelle audace! Quelle insolence! Ah! fils cruel!... Je me meurs!
Le colonel restait an��anti. Cependant, la g��n��rale finissait toujours par se reprendre �� la vie et une demi-heure plus tard, le colonel, attrapant le premier venu par le bouton de sa jaquette, lui disait:
-- Vois-tu, mon cher, c'est une grande dame, une g��n��rale! La meilleure vieille du monde, seulement, tu sais, elle est accoutum��e �� fr��quenter des gens distingu��s et moi, je suis un rustre. Si elle est fach��e, c'est que je suis fautif. Je ne saurais te dire en quoi, mais je suis dans mon tort.
Dans des cas pareils, la demoiselle P��r��p��litzina, cr��ature plus que m?re, parsem��e de postiches, aux petits yeux voraces, aux l��vres plus minces qu'un fil et qui ha?ssait tout le monde, croyait se devoir de sermonner le colonel.
-- Tout cela n'arriverait pas si vous ��tiez plus respectueux, moins ��go?ste, si vous n'offensiez pas votre m��re. Elle n'est pas accoutum��e �� de pareilles mani��res. Elle est g��n��rale, tandis que vous n'��tes qu'un simple colonel.
-- C'est Mademoiselle P��r��p��litzina, expliquait le colonel �� son auditeur, une bien brave demoiselle qui prend toujours la d��fense de ma m��re... une personne exceptionnelle et la fille d'un lieutenant-colonel. Rien que cela!
Mais, bien entendu, cela n'��tait qu'un pr��lude. Cette m��me g��n��rale, si terrible avec le colonel, tremblait �� son tour devant Foma Fomitch qui l'avait compl��tement ensorcel��e. Elle en ��tait folle, n'entendait que par ses oreilles, ne voyait que par ses yeux. Un de mes petits cousins, hussard en retraite, jeune encore mais cribl�� de dettes, ayant pass�� quelque temps chez mon oncle, me d��clara tout net sa profonde conviction que des rapports intimes existaient entre la g��n��rale et Foma. Je n'h��sitai pas �� repousser une pareille hypoth��se comme grotesque et par trop na?ve. Non, il y avait autre chose que je ne pourrai faire saisir au lecteur qu'en lui expliquant le caract��re de Foma Fomitch, tel que je le compris plus tard moi-m��me.
Imaginez-vous un ��tre parfaitement insignifiant, nul, niais, un avorton de la soci��t��, sans utilisation possible, mais rempli d'un immense et maladif amour-propre que ne justifiait aucune qualit��. Je tiens �� pr��venir mes lecteurs: Foma Fomitch est la personnification m��me de cette vanit�� illimit��e qu'on rencontre surtout chez certains z��ros, envenim��s par les humiliations et les outrages, suant la jalousie par tous les pores au moindre succ��s d'autrui. Il n'est pas besoin d'ajouter que tout cela s'assaisonne de la plus extravagante susceptibilit��.
On va se demander d'o�� peut provenir une pareille infatuation. Comment peut-elle germer chez d'aussi pitoyables ��tres de n��ant que leur condition m��me devrait renseigner sur la place qu'ils m��ritent? Que r��pondre �� cela? Qui sait? Il est peut-��tre parmi eux des exceptions au nombre desquelles figurerait mon h��ros. Et Foma est, en effet, une exception, comme le lecteur le verra par la suite. En tout cas, permettez-moi de vous le demander; ��tes- vous bien s?r que tous ces r��sign��s, qui consid��rent comme un bonheur de vous servir de paillasses, que vos pique-assiettes aient dit adieu �� tout amour-propre? Et ces jalousies, ces comm��rages, ces d��nonciations, ces m��chants propos qui se tiennent dans les coins de votre maison m��me, �� c?t�� de vous, �� votre table? Qui sait si, chez certains chevaliers errants de la fourchette, sous l'influence des incessantes humiliations qu'ils doivent subir, l'amour-propre, au lieu de s'atrophier, ne s'hypertrophie pas, devenant ainsi la monstrueuse caricature d'une dignit�� peut-��tre entam��e primitivement, au temps de l'enfance, par la mis��re et le manque de soins.
Mais je viens de dire que Foma Fomitch ��tait une exception �� la r��gle g��n��rale. Homme de lettres, jadis, il avait souffert d'��tre m��connu et la litt��rature en a perdu d'autres que lui; je dis: la litt��rature m��connue. J'incline �� penser qu'il avait connu les d��boires, m��me avant ses tentatives litt��raires et qu'en divers m��tiers, il avait re?u plus de chiquenaudes que d'appointements. Cela, je le suppose, mais, ce que je sais positivement,
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