Cantique de Noël | Page 3

Charles Dickens
balance
de vos livres établie, vous reconnaissez, après douze mois écoulés, que
chacun des articles qui s'y trouvent mentionnés vous a laissé sans le
moindre profit? Si je pouvais en faire à ma tête, continua Scrooge d'un
ton indigné, tout imbécile qui court les rues avec un gai Noël sur les
lèvres serait mis à bouillir dans la marmite avec son propre pouding et
enterré avec une branche de houx au travers du coeur. C'est comme ça.
-- Mon oncle! dit le neveu, voulant se faire l'avocat de Noël.
-- Mon neveu! reprit l'oncle sévèrement, fêtez Noël à votre façon, et
laissez-moi le fêter à la mienne.
-- Fêter Noël! répéta le neveu de Scrooge; mais vous ne le fêtez pas,
mon oncle.
-- Alors laissez-moi ne pas le fêter. Grand bien puisse-t-il vous faire!
Avec cela qu'il vous a toujours fait grand bien!
-- Il y a quantité de choses, je l'avoue, dont j'aurais pu retirer quelque
bien, sans en avoir profité néanmoins, répondit le neveu; Noël entre
autres. Mais au moins ai-je toujours regardé le jour de Noël quand il est
revenu (mettant de côté le respect dû à son nom sacré et à sa divine

origine, si on peut les mettre de côté en songeant à Noël), comme un
beau jour, un jour de bienveillance, de pardon, de charité, de plaisir, le
seul, dans le long calendrier de l'année, où je sache que tous, hommes
et femmes, semblent, par un consentement unanime, ouvrir librement
les secrets de leurs coeurs et voir dans les gens au-dessous d'eux de
vrais compagnons de voyage sur le chemin du tombeau, et non pas une
autre race de créatures marchant vers un autre but. C'est pourquoi, mon
oncle, quoiqu'il n'ait jamais mis dans ma poche la moindre pièce d'or ou
d'argent, je crois que Noël m'a fait vraiment du bien et qu'il m'en fera
encore; aussi je répète: Vive Noël!»
Le commis dans sa citerne applaudit involontairement; mais,
s'apercevant à l'instant même qu'il venait de commettre une
inconvenance, il voulut attiser le feu et ne fit qu'en éteindre pour
toujours la dernière apparence d'étincelle.
«Que j'entende encore le moindre bruit de votre côté, dit Scrooge, et
vous fêterez votre Noël en perdant votre place. Quant à vous, monsieur,
ajouta-t-il en se tournant vers son neveu, vous êtes en vérité un orateur
distingué. Je m'étonne que vous n'entriez pas au parlement.
-- Ne vous fâchez pas, mon oncle. Allons, venez dîner demain chez
nous.»
Scrooge dit qu'il voudrait le voir au... oui, en vérité, il le dit. Il
prononça le mot tout entier, et dit qu'il aimerait mieux le voir au d... (Le
lecteur finira le mot si cela lui plaît.)
«Mais pourquoi? s'écria son neveu... Pourquoi?
-- Pourquoi vous êtes-vous marié? demanda Scrooge.
-- Parce que j'étais amoureux.
-- Parce que vous étiez amoureux! grommela Scrooge, comme si c'était
la plus grosse sottise du monde après le gai Noël. Bonsoir!
-- Mais, mon oncle, vous ne veniez jamais me voir avant mon mariage.
Pourquoi vous en faire un prétexte pour ne pas venir maintenant?
-- Bonsoir, dit Scrooge.
-- Je ne désire rien de vous; je ne vous demande rien. Pourquoi ne
serions-nous pas amis?
-- Bonsoir, dit Scrooge.
-- Je suis peiné, bien sincèrement peiné de vous voir si résolu. Nous
n'avons jamais eu rien l'un contre l'autre, au moins de mon côté. Mais
j'ai fait cette tentative pour honorer Noël, et je garderai ma bonne

humeur de Noël jusqu'au bout. Ainsi, un gai Noël, mon oncle!
-- Bonsoir, dit Scrooge.
-- Et je vous souhaite aussi la bonne année!
-- Bonsoir,» répéta Scrooge.
Son neveu quitta la chambre sans dire seulement un mot de
mécontentement. Il s'arrêta à la porte d'entrée pour faire ses souhaits de
bonne année au commis, qui, bien que gelé, était néanmoins plus chaud
que Scrooge, car il les lui rendit cordialement.
«Voilà un autre fou, murmura Scrooge, qui l'entendit de sa place: mon
commis, avec quinze schellings par semaine, une femme et des enfants,
parlant d'un gai Noël. Il y a de quoi se retirer aux petites maisons.»
Ce fou fieffé donc, en allant reconduire le neveu le Scrooge, avait
introduit deux autres personnes. C'étaient deux messieurs de bonne
mine, d'une figure avenante, qui se tenaient en ce moment, chapeau bas,
dans le bureau de Scrooge. Ils avaient à la main des registres et des
papiers, et le saluèrent.
«Scrooge et Marley, je crois? dit l'un d'eux en consultant sa liste. Est-ce
à M. Scrooge ou à M. Marley que j'ai le plaisir de parler?
-- M. Marley est mort depuis sept ans, répondit Scrooge. Il y a juste
sept ans qu'il est mort, cette nuit même.
-- Nous ne doutons pas que sa générosité ne soit bien représentée par
son associé survivant,» dit l'étranger en présentant
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