CEtait ainsi... | Page 5

Cyriel Buysse
spirituel de l'��quipe grace �� ces blagues qu'il cueillait dans son petit canard. Leo ��tait l'homme dont on avait toujours besoin quand il s'agissait d'une besogne exigeant une grande c��l��rit�� et une force physique peu ordinaire. Dans ces cas-l��, d'ordinaire, on lui demandait son aide comme une faveur, et rarement en vain, car il ��tait fier de sa force et de son adresse. Si le hasard voulait qu'il f?t dans une de ses heures renfrogn��es, il acquies?ait d'un simple signe de t��te sans prononcer un mot; mais s'il ��tait dans une de ses heures folles, il r��pondait par une sorte de cri effroyable, un ?oui? qui se d��composait en ?Oooo ... uuuuu ... iiiii ...?, un long rugissement rauque et tellement sonore qu'il dominait enti��rement le vacarme effr��n�� des pilons et, �� travers le jardin, allait retentir jusque dans la maison: M. de Beule en sursautait ses registres et parfois accourait avec effarement demander �� la fabrique quel malheur ��tait arriv��. Les hurlements sauvages et sans motif mettaient le patron hors de lui; mais au moment o�� il arrivait en trombe, c'��tait g��n��ralement fini; et il devait se contenter de vagues menaces contre ceux qui se conduisaient comme des b��tes fauves et m��riteraient d'��tre enferm��s dans une cage, ou une maison d'ali��n��s. M. de Beule et son fils,--surtout son fils,--n'aimaient pas du tout Leo, qu'ils consid��raient comme une brute dangereuse. Mais ils se seraient bien gard��s de le renvoyer: il faisait l'ouvrage de deux!
Apr��s Leo, Poeteken. Il ��tait bon que le d��licat Poeteken e?t sa place �� c?t�� du vigoureux Leo, car l'aide du fort suppl��ait bien des fois �� l'insuffisance du faible.
Poeteken ��tait tr��s petit, tr��s noir, tr��s maigre. On e?t dit un gnome, et chaque fois il lui fallait se dresser sur la pointe des pieds pour atteindre le cable de son pilon. Tout de m��me, il ��tait plus r��sistant qu'on aurait pens�� �� premi��re vue. Il ��tait bien proportionn��, sous un tout petit format, mais sans tares apparentes et il faisait son travail comme les autres. C'��tait un petit homme silencieux, tr��s renferm��, avec de grands yeux pensifs. La plupart du temps il ne disait rien, mais parfois il ��tait bien oblig�� de sourire malgr�� lui aux farces de Leo et des copains; et alors son petit visage s'animait soudain d'une vie intense, et ses yeux brillaient d'une passion ardente. Cette passion ��tait r��ellement en lui, profonde et cach��e. Poeteken, le nabot, le gosse, le petit bout d'homme ��tait s��rieusement ��pris d'une des ouvri��res de la fabrique: Zulma, surnomm��e ?La Blanche?, la pauvre albinos, blanche de cheveux, blanche de sourcils, blanche de tout, celle que Bruun, le chauffeur, s'effor?ait de ?chauffer?. Les autres ouvriers s'��gayaient follement de ces surprenantes amours. Ils ne rataient jamais une occasion de s'en amuser; les enfants, disaient-ils, s'il en naissait d'une telle union, seraient mouchet��s, blanc et noir, comme des chiots. Poeteken souriait, laissait dire, ne r��pondait rien �� ces allusions d'ailleurs sans m��chancet��. Seul, Bruun, mauvais, ne supportait pas les familiarit��s de Poeteken �� l'��gard de ?La Blanche?. D'une jalousie f��roce, il les ��piait sans cesse: lorsqu'ils se trouvaient �� proximit�� l'un de l'autre, on le voyait guetter par des trous de serrure et des fentes de porte, en poussant de sourdes exclamations: ?Comment est-il possible, une si belle femme avec ce mal foutu!?
A c?t�� de Poeteken se trouvait Free, bon g��ant aux ��paules carr��es, �� la poitrine fortement bomb��e. Avec son apparence hercul��enne, il ��tait en r��alit�� d'une sant�� plut?t chancelante, car il souffrait beaucoup de l'asthme. On le voyait parfois haleter �� son ��tabli, comme un poisson hors de l'eau. Cela durait souvent des jours entiers, o�� il faisait triste figure. Mais, la crise pass��e, il semblait rena?tre �� la vie; et alors il n'y avait pas d'homme plus amusant, plus spirituel dans toute l'��quipe. Surtout avec les femmes il ��tait dr?le. Non pas qu'il leur f?t la cour le moindrement; mais il savait dire, d'un air tranquille et souriant, des choses d'un cynisme effarant, qui empourpraient le visage des ouvri��res, pendant que les hommes se tordaient de rire. En g��n��ral les femmes le ha?ssaient. Elles ne l'appelaient jamais autrement que ?le grand voyou? et ne se g��naient pas pour lui jeter ce nom �� la face. Alors Free souriait calmement dans sa barbe rugueuse et, d'un seul mot bien tap��, les faisait fuir comme si c'e?t ��t�� le diable. Et chaque fois que Sefietje apparaissait, matin et soir, avec la bouteille de geni��vre, c'��tait toute une sc��ne: Free, grand amateur d'alcool, ne pouvait n��anmoins s'emp��cher de lutiner la vieille fille, qui, r��guli��rement, essayait de se venger en ne remplissant pas son verre jusqu'au bord. Free faisait semblant de ne rien voir, mais ne touchait pas �� sa goutte.
--Allons, grand voyou, buvez, je n'ai pas de temps �� perdre,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 87
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.