Bulletin de Lille, 1916.05 | Page 3

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purgatif royal! Chimiquement et médicalement parlant, il appartient à une famille dont tous les membres sont vidangeurs,--excusez le mot. Par les éléments chimiques et les émodines qu'ils contiennent, et dont je ne puis malheureusement pas vous entretenir, le séné, la bourdaine, la rhubarbe, le nerprun et l'aloès, dits purgatifs cathartiques, ont tous le trait commun de purger assez fortement, mais sans irriter l'intestin.
Pour revenir à mon séné, encore que bien déchu de sa splendeur, il entre, sans qu'on l'avoue, dans tous les thés laxatifs. Il aurait l'inconvénient de provoquer la colique, mais on y remédie en faisant macérer ses folioles ou ses follicules dans l'alcool, où se déposent leurs principes irritants. Donc toujours employer le séné passé à l'alcool. Le professeur Hardy l'associait à la pensée sauvage, soit: pensée sauvage et follicules de séné, de chaque 8 grammes. Faire infuser une heure dans un litre d'eau bouillante, passer et sucrer avec du miel. En prendre un grand verre le matin. Cette préparation, connue sous le nom de ?tisane de l'h?pital Saint-Louis?, est de bon go?t, dit-on, elle est efficace et, ce qui ne gate rien, peu co?teuse.
Le séné fait partie de la médecine royale, et le pauvre Louis XIV, que ses médecins soignèrent tout le temps pour les maladies qu'il pourrait avoir, en absorba des barriques. A ce breuvage prétentieux et nauséabond, vous préférerez la très salubre poudre de réglisse composée. Tous les pharmaciens la fabriquent admirablement; voici néanmoins sa composition: poudre de séné et de soufre bien pur, de chaque 6 grammes; poudre d'anis et de fenouil, de chaque, 3 grammes; crème de tartre pulvérisée, 3 grammes; réglisse eu poudre, 8. et sucre en poudre, 25 grammes. Mêler, passer au tamis fin, en prendre une bonne cuillerée à café dans un peu d'eau, le soir en se couchant.
L'infusion de séné fait aussi partie de la ?tisane impériale?, inventée par Corvisart. Au cours de sa première campagne d'Allemagne, l'empereur, véritable surhomme pour sa santé, fut atteint au cou d'un eczéma qui rendait fort douloureux les frottements de la fameuse redingote grise. Il manda donc un médecin berlinois, mais celui-ci déclara net qu'il se garderait bien d'ordonner quoi que ce f?t, car si l'éruption se portait ailleurs, les pires complications pourraient suivre.
Napoléon, qui croyait peu à la médecine, comme tous les gens bien portants, fit aussit?t appeler par courrier spécial son ?grand charlatan de Corvisart?. Celui-ci, dit Dujardin-Beaumetz, ordonna: infusion de séné, 1,000 grammes; crème de tartre, 30; sucre, 60; émétique, 25 milligrammes. A prendre par verre, de demi-heure en demi-heure, jusqu'à effet purgatif. Le malade absorba le remède et fut guéri, mais l'affaire n'en resta pas là. Plus tard, lorsque l'Aigle eut succombé sur son rocher, rongé, disait-on par un cancer,--immortale jecur--le médecin berlinois se leva, triomphant, et cria comme un beau diable que c'était Corvisart qui avait tué l'empereur, avec sa tisane impériale;--Invidia medicorum pessima, nisi sacerdotum. D'où polémique.
Nous savons aujourd'hui qu'elle était sans objet, puisqu'il semble bien, d'après de récents travaux, que la mort fut occasionnée, non par un cancer, mais par l'ulcère de l'estomac et l'ineptie d'une thérapeutique barbare.
Mais en voilà assez sur le séné, passons à une plante tout à fait démocratique, la bourdaine, ou bourgène, ou rhamnus, sorte de nerprun dont l'écorce, coupée menue et vieille d'une année, sera prise en infusion, le soir, à la dose d'une petite cuiller à café pour une tasse à thé d'eau bouillante. Cette bourdaine, de nouveau très utilisée depuis cinq ou six ans, fut particulièrement bien étudiée par le pharmacien savoyard Pichon, que l'Académie récompensa, et à qui je suis heureux, pour des raisons sentimentales, de rendre hommage en passant. La bourdaine, peu co?teuse, remplace la rhubarbe; celle-ci n'est cependant pas à dédaigner. Tonique et stomachique à la dose de 25 à 50 centigrammes en poudre, elle est laxative à partir de 1 à 2 grammes.
Je devrais parler maintenant de l'aloès, encore un de ces orgueilleux dont le temps a bien rabattu le caquet, si j'ose parler ainsi. Il faisait partie de l'élixir de longue vie, des pilules bénites, de la teinture sacrée, des gouttes d'Iéna et même il a osé, l'intrigant! se recommander de personnages politiques: n'est-il pas à la base des ?pilules de Machiavel?! A notre époque, on le prend toujours en pilules: pilules savonneuses, pilules écossaises, pilules ante cibum, et à la dose de 10 à 20 centigrammes. Il a l'inconvénient ou l'avantage de congestionner les organes maternels; on ne le prendra donc pas sans l'arrêt de la Faculté.
Cette recommandation vise encore davantage les purgatifs drastiques, jalap, turbith, scammonée, huile de Croton, mercuriale, végétaux redoutables, si on les aborde à la légère, mais héro?quement efficaces lorsque maniés à bon escient. Combien d'attaques enrayées par l'eau-de-vie allemande composée de turbith, de jalap, de scammonée et d'alcool! Combien d'enflures dissipées, dans les maladies du coeur, par ces
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