Bulletin de Lille, 1916.04 | Page 3

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mars. Nous
savons que, parmi les personnes qui ont été servies, la grande majorité
a été satisfaite. Mais il y a eu des plaintes. On a surtout trouvé la
viande trop chère, et certains en ont même profité pour accuser le
Comité de faire des bénéfices, et pour dire que ceux qui le dirigent
gagnent beaucoup d'argent. Nous prions le public de hausser les
épaules, chaque fois qu'il entendra de pareilles sornettes. Les
dirigeants du Comité, qu'ils soient industriels, fonctionnaires ou
négociants, ne gagnent rien, que des rides et des cheveux gris, quand le
ravitaillement ne marche pas à leur gré. Mais ce n'est pas le moment
de parler de ces choses... Nous préférons révéler nos comptes au public.
En étageant les prix de 14 à 4 fr. le kgr., nous avons obtenu une recette
moyenne de 6 fr. 65 au kgr. Cette recette nous a permis de couvrir, à
peu près, juste nos dépenses. Encore, devons-nous remarquer que les
frais qui s'ajoutent au prix d'achat (freinte de la viande qui perd de son
poids, rémunération des bouchers, camionnage, etc.), forment moins de
5 pour cent de ce prix d'achat. En somme la viande fraîche, comme
tous les produits répartis par le Comité Américain, est vendue à un prix
qui représente une majoration insignifiante par rapport au prix
d'achat.

Mais alors, nous dira-t-on, vous achetez votre viande trop cher. Nous
voudrions bien l'avoir à meilleur compte. Seulement nous ne pouvons
acheter qu'en Hollande. Or, la viande y est très demandée, parce que la
Hollande en exporte un peu partout. Le prix de la viande exportée est
d'autant plus élevé, que le gouvernement hollandais limite les quantités
qui peuvent sortir du pays. Enfin, on y pratique le système des
«consents»; aujourd'hui on consent à l'exportation de tel nombre de
bêtes, demain on consentira à une sortie plus forte ou plus faible. Tout
cela amène des variations fréquentes de prix, qui sont rarement à
l'avantage de l'acheteur.
Faut-il que nous renoncions pour cela à introduire à Lille, de la viande
de Hollande? Le succès que notre répartition a eu parmi nos
concitoyens peu aisés, nous indique la réponse. Notre devoir, à nous
Comité, est de fournir à la population encore plus de viande, et c'est
dans ce sens que nous faisons de sérieux efforts. Mais comment les
pauvres gens pourraient-ils acheter de la viande à 2 fr. la livre? C'est
cher, c'est bien cher. Nous n'avons pas cependant le droit de promettre
pour l'instant une diminution. Notre souhait le plus vif serait d'y arriver
le plus promptement possible. La réalisation de ce désir est
subordonnée à une condition essentielle: c'est que les gens à leur aise,
renoncent de la façon la plus absolue à la basse boucherie et même aux
catégories moyennes, et considèrent comme un devoir social de ne
prendre que les morceaux les plus chers. Nous sommes, pour leur
adresser cette demande, d'autant moins embarrassés, que beaucoup
d'entre eux l'ont fait d'eux-mêmes. Si cette pratique était généralisée, il
y aurait moyen d'envisager une baisse des prix, pour les morceaux de
la 3e catégorie et par suite, la possibilité, pour presque tout le monde,
de goûter de temps en temps à la viande! Le Comité accomplira
d'autant mieux son oeuvre qu'il sera compris et aidé.
P.-S.--Ne quittons pas nos sympathiques lecteurs, sans revenir à la
question du poisson. Le 22 mars, escomptant de nouveaux arrivages, le
Comité local faisait afficher dans les locaux de pain l'avis suivant:
Dans le cas d'arrivage de poisson frais, le nombre des locaux désignés
pour la vente dépendra de la quantité reçue par le Comité. Seront

seules admises le jour de la mise en vente, de 7 heures à 9 heures, les
personnes qui n'auront pu participer à la distribution précédente,
c'est-à-dire celles dont les cartes n'auront pas été pointées. A partir de
9 heures, on servira les porteurs de cartes rouges. L'envoi suivant sera
réservé aux cartes grises.
Toutes nos dispositions étaient donc prises, et bien prises. Nous avions
cru penser et parer à tout. Mais le poisson doit être reconnu par les
naturalistes, comme un animal astucieux. Il nous le fit bien voir.
Vendredi soir 24 mars, nous recevons l'annonce de l'arrivée de 10.000
kgr. de cabillaud. Tout contents, nous nous hâtons de préparer la
distribution pour le dimanche matin, convoquant les contrôleurs et les
caissiers, avertissant les locaux de pain... Le samedi matin, le
«cabillaud» est déchargé. Un miracle avait dû se produire, car il était
transformé en morue salée. Sans doute, il y a des affinités entre la
morue et le cabillaud, mais le dictionnaire et les marchands de poisson
les distinguent, en réservant la dénomination de cabillaud à la morue
fraîche, et on avouera qu'il serait injuste de nous en vouloir, parce que
nous avons eu confiance dans les usages de notre langue
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