ceux qui le dirigent gagnent beaucoup d'argent. Nous prions le public de hausser les épaules, chaque fois qu'il entendra de pareilles sornettes. Les dirigeants du Comité, qu'ils soient industriels, fonctionnaires ou négociants, ne gagnent rien, que des rides et des cheveux gris, quand le ravitaillement ne marche pas à leur gré. Mais ce n'est pas le moment de parler de ces choses... Nous préférons révéler nos comptes au public. En étageant les prix de 14 à 4 fr. le kgr., nous avons obtenu une recette moyenne de 6 fr. 65 au kgr. Cette recette nous a permis de couvrir, à peu près, juste nos dépenses. Encore, devons-nous remarquer que les frais qui s'ajoutent au prix d'achat (freinte de la viande qui perd de son poids, rémunération des bouchers, camionnage, etc.), forment moins de 5 pour cent de ce prix d'achat. En somme la viande fra?che, comme tous les produits répartis par le Comité Américain, est vendue à un prix qui représente une majoration insignifiante par rapport au prix d'achat.
Mais alors, nous dira-t-on, vous achetez votre viande trop cher. Nous voudrions bien l'avoir à meilleur compte. Seulement nous ne pouvons acheter qu'en Hollande. Or, la viande y est très demandée, parce que la Hollande en exporte un peu partout. Le prix de la viande exportée est d'autant plus élevé, que le gouvernement hollandais limite les quantités qui peuvent sortir du pays. Enfin, on y pratique le système des ?consents?; aujourd'hui on consent à l'exportation de tel nombre de bêtes, demain on consentira à une sortie plus forte ou plus faible. Tout cela amène des variations fréquentes de prix, qui sont rarement à l'avantage de l'acheteur.
Faut-il que nous renoncions pour cela à introduire à Lille, de la viande de Hollande? Le succès que notre répartition a eu parmi nos concitoyens peu aisés, nous indique la réponse. Notre devoir, à nous Comité, est de fournir à la population encore plus de viande, et c'est dans ce sens que nous faisons de sérieux efforts. Mais comment les pauvres gens pourraient-ils acheter de la viande à 2 fr. la livre? C'est cher, c'est bien cher. Nous n'avons pas cependant le droit de promettre pour l'instant une diminution. Notre souhait le plus vif serait d'y arriver le plus promptement possible. La réalisation de ce désir est subordonnée à une condition essentielle: c'est que les gens à leur aise, renoncent de la fa?on la plus absolue à la basse boucherie et même aux catégories moyennes, et considèrent comme un devoir social de ne prendre que les morceaux les plus chers. Nous sommes, pour leur adresser cette demande, d'autant moins embarrassés, que beaucoup d'entre eux l'ont fait d'eux-mêmes. Si cette pratique était généralisée, il y aurait moyen d'envisager une baisse des prix, pour les morceaux de la 3e catégorie et par suite, la possibilité, pour presque tout le monde, de go?ter de temps en temps à la viande! Le Comité accomplira d'autant mieux son oeuvre qu'il sera compris et aidé.
P.-S.--Ne quittons pas nos sympathiques lecteurs, sans revenir à la question du poisson. Le 22 mars, escomptant de nouveaux arrivages, le Comité local faisait afficher dans les locaux de pain l'avis suivant:
Dans le cas d'arrivage de poisson frais, le nombre des locaux désignés pour la vente dépendra de la quantité re?ue par le Comité. Seront seules admises le jour de la mise en vente, de 7 heures à 9 heures, les personnes qui n'auront pu participer à la distribution précédente, c'est-à-dire celles dont les cartes n'auront pas été pointées. A partir de 9 heures, on servira les porteurs de cartes rouges. L'envoi suivant sera réservé aux cartes grises.
Toutes nos dispositions étaient donc prises, et bien prises. Nous avions cru penser et parer à tout. Mais le poisson doit être reconnu par les naturalistes, comme un animal astucieux. Il nous le fit bien voir. Vendredi soir 24 mars, nous recevons l'annonce de l'arrivée de 10.000 kgr. de cabillaud. Tout contents, nous nous hatons de préparer la distribution pour le dimanche matin, convoquant les contr?leurs et les caissiers, avertissant les locaux de pain... Le samedi matin, le ?cabillaud? est déchargé. Un miracle avait d? se produire, car il était transformé en morue salée. Sans doute, il y a des affinités entre la morue et le cabillaud, mais le dictionnaire et les marchands de poisson les distinguent, en réservant la dénomination de cabillaud à la morue fra?che, et on avouera qu'il serait injuste de nous en vouloir, parce que nous avons eu confiance dans les usages de notre langue et du commerce.
D'ailleurs, la déconvenue nous atteignait encore plus que le public, qui avait l'avantage de n'être pas encore prévenu. Le Comité Américain, toutefois, se proposa d'exploiter le moins mal possible ce contretemps. Il se hata de décommander les locaux et, comme il n'est pas aisé de faire parvenir du poisson frais, aux
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