de sa demeure, l'heure approchant o�� il rentrait d'habitude pour son repas du soir. Il cherchait en lui le souvenir de la morte pour l'appliquer �� la forme du tombeau qu'il venait de voir et imaginer tout celui-ci, avec un autre visage. Mais la figure des morts, que la m��moire nous conserve un temps, s'y alt��re peu �� peu, y d��p��rit, comme d'un pastel sans verre dont la poussi��re s'��vapore. Et, dans nous, nos morts meurent une seconde fois!
Tout �� coup, tandis qu'il recomposait par une fixe tension d'esprit--et comme regardant au dedans de lui--ses traits �� demi effac��s d��j��, Hugues qui, d'ordinaire, remarquait �� peine les passants, si rares d'ailleurs, ��prouva un ��moi subit en voyant une jeune femme arriver vers lui. Il ne l'avait point aper?ue d'abord, s'avan?ant du bout de la rue, mais seulement quand elle fut toute proche.
�� sa vue, il s'arr��ta net, comme fig��; la personne, qui venait en sens inverse, avait pass�� pr��s de lui. Ce fut une secousse, une apparition. Hugues eut l'air de chavirer une minute. Il mit la main �� ses yeux comme pour ��carter un songe. Puis, apr��s un moment d'h��sitation, tourn�� vers l'inconnue qui s'��loignait en son rythme de marche lente, il r��trograda, abandonna le quai qu'il descendait et se mit soudain �� la suivre. Il marcha vite pour la rejoindre, allant d'un trottoir �� l'autre, s'approchant d'elle, la regardant avec une insistance qui e?t ��t�� inconvenante si elle n'avait apparu toute hallucin��e. La jeune femme allait, voyait sans regarder, impassible. Hugues semblait de plus en plus ��trange et hagard. Il la suivait maintenant depuis plusieurs minutes d��j��, de rue en rue, tant?t rapproch�� d'elle, comme pour une enqu��te d��cisive, puis s'en ��loignant avec une apparence d'effroi quand il en devenait trop voisin. Il semblait attir�� et effray�� �� la fois, comme par un puits o�� l'on cherche �� ��lucider un visage...
Eh bien! oui! cette fois, il l'avait bien reconnue, et �� toute ��vidence. Ce teint de pastel, ces yeux de prunelle dilat��e et sombre dans la nacre, c'��taient les m��mes. Et tandis qu'il marchait derri��re elle, ces cheveux qui apparaissaient dans la nuque, sous la capote noire et la voilette, ��taient bien d'un or semblable, couleur d'ambre et de cocon, d'un jaune fluide et textuel. Le m��me d��saccord entre les yeux nocturnes et le midi flambant de la chevelure.
Est-ce que sa raison p��riclitait �� pr��sent? Ou bien sa r��tine, �� force de sauver la morte, identifiait les passants avec elle? Tandis qu'il cherchait son visage, voici que cette femme, brusquement surgie, le lui avait offert, trop conforme et trop jumeau. Trouble d'une telle apparition! Miracle presque effrayant d'une ressemblance qui allait jusqu'�� l'identit��.
Et tout: sa marche, sa taille, le rythme de son corps, l'expression de ses traits, le songe int��rieur du regard, ce qui n'est plus seulement les lignes et la couleur, mais la spiritualit�� de l'��tre et le mouvement de l'ame--tout cela lui ��tait rendu, r��apparaissait, vivait!
L'air d'un somnambule, Hugues la suivait toujours, machinalement maintenant, sans savoir pourquoi et sans plus r��fl��chir, �� travers le d��dale embrum�� des rues de Bruges, Arriv�� �� un carrefour, o�� plusieurs directions s'enchev��trent, tout �� coup, comme il marchait un peu derri��re elle, il ne la vit plus--en all��e, disparue dans on ne sait laquelle de ces ruelles tournantes.
Il s'arr��ta, regardant au loin, inventoriant le vide, des larmes n��es au bord des yeux...
Ah! comme elle ressemblait �� la morte!
III
Hugues garda de cette rencontre un grand trouble. Maintenant, quand il songeait �� sa femme, c'��tait l'inconnue de l'autre soir qu'il revoyait; elle ��tait son souvenir vivant, pr��cis��. Elle lui apparaissait comme la morte plus ressemblante.
Lorsqu'il allait, en de muettes d��votions, baiser la relique de la chevelure conserv��e ou s'attendrir devant quelque portrait, ce n'est plus avec la morte qu'il confrontait l'image, mais avec la vivante qui lui ressemblait. Myst��rieuse identification de ces deux visages. C'avait ��t�� comme une piti�� du sort offrant des points de rep��re �� sa m��moire, se mettant de connivence avec lui contre l'oubli, substituant une estampe fra?che �� celle qui palissait, d��j�� jaunie et piqu��e par le temps.
Hugues poss��dait maintenant de la disparue une vision toute nette et toute neuve. Il n'avait qu'�� contempler en sa m��moire le vieux quai de l'autre jour, dans le soir qui tombe, et s'avan?ant vers lui une femme qui a la figure de la morte. Il n'avait plus besoin de regarder en arri��re, loin, dans le recul des ann��es; il lui suffisait de songer au dernier ou au p��nulti��me soir. C'��tait tout proche et tout simple maintenant. Son oeil avait emmagasin�� le cher visage une nouvelle fois; la r��cente empreinte s'��tait fusionn��e avec l'ancienne, se fortifiant l'une par l'autre, en une ressemblance qui maintenant donnait presque l'illusion d'une pr��sence r��elle.
Hugues, les jours suivants, se trouva tout hant��. Donc une femme existait, absolument
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