Bric-a-brac | Page 8

Alexandre Dumas, père
beau temps pour les po��tes sphinx que celui o�� le Mercure apportait, tous les mois, tous les quinze jours, et enfin toutes les semaines, une charade, une ��nigme ou un logogriphe �� ses lecteurs!
Eh bien, moi, je vais faire revenir cette mode.
Dites-moi, donc, cher lecteur ou belle lectrice,--c'est pour l'esprit perspicace des lectrices surtout que sont faites les charades, --dites-moi de quelle langue est tir�� l'apologue suivant.
Est-ce du sanscrit, de l'��gyptien, du chinois, du ph��nicien, du grec, de l'��trusque, du roumain, du gaulois, du goth, de l'arabe, de l'italien, de l'anglais, de l'allemand, de l'espagnol, du fran?ais ou du basque?
Remonte-t-il �� l'antiquit��, et est-il sign�� Anacr��on?--Est-il gothique, et est-il sign�� Charles d'Orl��ans?--Est-il moderne, et est-il sign�� Goethe, Thomas Moore on Lamartine?--Ou plut?t, ne serait-il pas de Saadi, le po��te des perles, des roses et des rossignols?--Ou bien...?
Mais ce n'est pas mon affaire de deviner; c'est la v?tre.
Devinez donc, chez lecteur.
Voici l'apologue en question:
Un papillon avait r��uni sur ses ailes d'opale la plus suave harmonie de couleurs: le blanc, le rose et le bleu.
Comme un rayon de soleil, il voltigeait de fleur en fleur, et, pareil lui-m��me �� une fleur volante, il s'��levait, s'abaissait, se jouait au-dessus de la verte prairie.
Un enfant qui essayait ses premiers pas sur le gazon diapr��, le vit, et se sentit pris tout �� coup du d��sir d'attraper l'insecte aux vives couleurs.
Mais le papillon ��tait habitu�� �� ces sortes de d��sirs-l��. Il avait vu des g��n��rations enti��res s'��puiser �� le poursuivre. Il voltigea devant l'enfant, se posant �� deux pas de lui; et, quand l'enfant, ralentissant sa course, retenant son haleine, ��tendait la main pour le prendre, le papillon s'enlevait et recommen?ait son vol in��gal et ��blouissant.
L'enfant ne se lassait pas; l'enfant suivait toujours.
Apr��s chaque tentative avort��e, au lieu de s'��teindre, le d��sir de la possession augmentait dans son coeur, et, d'un pas de plus en plus rapide, l'oeil de plus en plus ardent, il courait apr��s le beau papillon!
Le pauvre enfant avait couru sans regarder derri��re lui; de sorte que, ayant couru longtemps, il ��tait d��j�� bien loin de sa m��re.
De la vall��e fra?che et fleurie, le papillon passa dans une plaine aride et sem��e de ronces.
L'enfant le suivit dans cette plaine.
Et, quoique la distance f?t d��j�� longue et la course rapide, l'enfant, ne sentant point sa fatigue, suivait toujours le papillon, qui se posait de dix pas en dix pas, tant?t sur un buisson, tant?t sur un arbuste, tant?t sur une simple fleur sauvage et sans nom, et qui toujours s'envolait au moment o�� le jeune homme croyait le tenir.
Car, en le poursuivant, l'enfant ��tait devenu jeune homme.
Et, avec cet insurmontable d��sir de la jeunesse, et avec cette ind��finissable besoin de la possession, il poursuivait toujours le brillant mirage.
Et, de temps en temps, le papillon s'arr��tait comme pour se moquer du jeune homme, plongeait voluptueusement sa trompe dans le calice des fleurs, et battait amoureusement des ailes.
Mais, au moment o�� le jeune homme s'approchait, haletant d'esp��rance, le papillon se laissait aller �� la brise, et la brise l'emportait, l��ger comme un parfum.
Et ainsi se passaient, dans cette poursuite insens��e, les minutes et les minutes, les heures et les heures, les jours et les jours, les ann��es et les ann��es, et l'insecte et l'homme ��taient arriv��s au sommet d'une montagne qui n'��tait autre que le point culminant de la vie.
En poursuivant le papillon, l'adolescent s'��tait fait homme.
L��, l'homme s'arr��ta un instant, ne sachant pas s'il ne serait pas mieux pour lui de revenir en arri��re, tant ce versant de montagne qui lui restait �� descendre lui paraissait aride.
Puis, au bas de la montagne, au contraire de l'autre c?t��, o��, dans de charmants parterres, dans de riches enclos, dans des parcs verdoyants, poussaient des fleurs parfum��es, des plantes rares, des arbres charg��s de fruits; au bas de la montagne, disons-nous, s'��tendait un grand espace carr�� ferm�� de murs, dans lequel on entrait par une porte incessamment ouverte, et o�� il ne poussait que des pierres, les unes couch��es, les autres debout.
Mais le papillon vint voltiger, plus brillant que jamais, aux yeux de l'homme, et prit sa direction vers l'enclos, suivant la pente de la montagne.
Et, chose ��trange! quoiqu'une si longue course e?t d? fatiguer le vieillard, car, �� ses cheveux blanchissants, on pouvait reconna?tre pour tel l'insens�� coureur, sa marche, �� mesure qu'il avan?ait, devenait plus rapide; ce qui ne pouvait s'expliquer que par la d��clivit�� de la montagne.
Et le papillon se tenait �� ��gale distance; seulement, comme les fleurs avaient disparu, l'insecte se posait sur des chardons piquants, ou sur des branches d'arbre dess��ch��es.
Le vieillard, haletant, le poursuivait toujours.
Enfin, le papillon passa par-dessus les murs du triste enclos, et le vieillard le suivit, entrant par la porte.
Mais �� peine e?t-il fait quelques pas, que, regardant le papillon, qui semblait se fondre dans l'atmosph��re grisatre, il
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