Bric-a-brac | Page 7

Alexandre Dumas, père
pardonna; le P��re ��ternel un Jupiter Olympien clouant implacablement Prom��th��e sur son rocher au lieu d'un ma?tre compatissant se contentant de chasser Adam et Eve du paradis terrestre, la po��sie et la peinture rompirent l'une avec l'autre.
�� l'heure qu'il est, il est impossible qu'un po��te et un peintre jugent de la m��me fa?on.
Le peintre peut voir juste �� l'endroit du po��te, et le po��te le reconna?tre; mais le peintre n'admettra jamais que le po��te voie juste �� l'endroit du peintre.
Ainsi, prenons, par exemple, _la P��che miraculeuse_ de Rubens.
Le po��te dira:
--C'est admirablement peint; c'est un, chef-d'oeuvre d'ex��cution. Le c?t�� mat��riel de la couleur et de la brosse est irr��prochable du moment que ce sont des p��cheurs d'Ostende ou de Blankenberghe qui tirent leurs filets; mais, si c'est le Christ avec ses ap?tres, non!
--Pourquoi non?
--Dame, parce que j'ai dans l'esprit la po��sie traditionnelle, du Christ, de l'homme au corps mince, aux longs cheveux blonds, �� la barbe rousse, aux yeux bleus et doux, �� la bouche consolatrice, aux gestes bienveillants; parce que mon Christ, �� moi, c'est celui qui pr��che sur la montagne; qui plaint Satan de ne pouvoir aimer; qui ressuscite la fille de Ja?r; qui pardonne �� la femme adult��re, et qui, de ses deux bras clou��s sur la croix, b��nit le monde, et que je ne vois rien de tout cela dans le Christ de _la P��che miraculeuse_, pas plus que je ne vois un Arabe des bords du lac de G��n��zareth, dans ce gros et puissant gaillard �� vareuse rouge qui tire la barque �� lui.
Le peintre vous r��pondra:
--Vous n'avez pas le sens commun, mon cher ami; Rubens a vu le Christ comme l'homme au manteau rouge, et l'Arabe comme l'homme �� la vareuse.
Que voulez-vous r��pondre �� cela? Rien. Il faut admirer le c?t�� mat��riel de la peinture, convenir que Rubens et Rembrandt sont les deux plus habiles peintres, qui aient jamais exist��, mais se dire �� soi-m��me; tout bas:
--Si j'avais �� prier devant un Christ ou devant une Vierge Marie, ce ne serait point devant un Christ de Rubens ou une Vierge Marie de Rembrandt que je prierais.
Voil�� pourquoi le peintre peut appr��cier le po��te au point de vue, de la po��sie; voil�� pourquoi le po��te n'appr��ciera jamais le peintre au point de vue de la peinture.
Maintenant, pourquoi les po��tes sont-ils si froids �� l'endroit de la musique, qu'ils se contentent de ne pas la craindre, quand ils ne la ha?ssent pas?
Ce sera encore plus simple que ce que je viens de vous expliquer.
La po��sie n'aime pas la musique, parce qu'elle est elle-m��me une musique. Quand la po��sie a affaire �� la musique, elle n'a donc point affaire �� une soeur, mais �� une rivale.
En effet, que la musique fasse les honneurs d'une partition �� la po��sie, sous pr��texte de donner l'hospitalit�� �� la po��sie, elle la conduira dans le chateau de Procuste; elle la couchera sur son lit, c'est-��-dire sur un v��ritable ��chafaud.
Les vers qui seront trop courts, elle les tirera, au risque de les disloquer, jusqu'�� ce qu'ils aient la longueur voulue.
Les vers qui seront trop longs, elle les rognera, au risque de les estropier, jusqu'�� ce qu'ils soient raccourcis �� sa convenance. Elle aura besoin d'une syllabe en plus, elle l'ajoutera.
Le po��te a ��crit:
L'or est une chim��re, Sachons nous en servir.
Le musicien mettra:
Oh! l'or est une chim��re. Eh! sachons nous en servir.
Elle aura besoin d'une, de deux, de trois, de quatre syllabes en moins, le musicien les retranchera. Et il aura raison.
Quand les po��tes voudront ��tre lus comme po��tes, ils feront les Odes et Ballades, les _M��ditations po��tiques_, les _Contes d'Espagne et d'Italie_. Quand ils voudront ��tre ��cout��s comme librettistes, ou plut?t ne pas ��tre ��cout��s, ils feront Guillaume Tell, _le Proph��te_, _la Marchande d'oranges_.
On a dit qu'on ne pouvait faire de bonne musique que sur de mauvais vers.
C'est exag��r�� peut-��tre. Certains musiciens font d'excellente musique sur de beaux vers. Preuves: le Lac, de Lamartine, musique de Niedermayer; le Navire, de Souli��, musique de Monpou.
Mais, en g��n��ral, la puissance humaine ne va pas jusqu'�� ��couter et comprendre �� la fois de belle musique et de beaux vers.
Il faut absolument abandonner l'un pour l'autre.
Les m��lomanes suivront les notes, les po��tes suivront les paroles; mais les paroles d��voreront les notes ou les notes mangeront les paroles.
Supposez que l'on sorte d'un op��ra de Scribe, on fredonnera la musique. Supposez que l'on sorte d'un op��ra de Lamartine, on redira les vers.
Ce qui signifie que, sans ��tre un grand po��te, et justement parce qu'il n'est pas un grand po��te, Scribe sera, pour Meyerbeer, Auber et Hal��vy, un librettiste pr��f��rable �� Hugo ou �� Lamartine.
Et la preuve, c'est qu'ils n'ont pas fait un seul op��ra avec Hugo ou Lamartine, et qu'ils ont fait �� peu pr��s tous leurs op��ras avec Scribe.

D��SIR ET POSSESSION
La mode des charades est pass��e. Oh! le
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