Brancas; Les amours de Quaterquem | Page 2

Alfred Assollant
sur le penchant d'une colline, �� l'entr��e de la plaine, pr��s d'une petite rivi��re qui va se jeter dans la Loire. Le pays est un des plus fertiles de France, et le paysage, lorsqu'on entre dans les gorges qui aboutissent �� la ville, du c?t�� de l'ouest, est aussi d��sert, quoique moins sauvage, que la vall��e de l'Arve et les environs de Chamounix. Tu pourras y r��ver �� l'aise si c'est ta fantaisie.
?Les habitants sont les meilleures gens du monde. Assez d'esprit, peu de m��chancet��, un grand soin de leur enveloppe charnelle, nulle ��tude du pass��, nul souci de l'avenir, une avarice admirable qu'ils d��corent du nom de sage ��conomie, voil�� les traits qui distinguent la race. Vrais bourgeois du si��cle pass��, qui seraient honteux de d��penser le tiers de leur revenu. Au reste, point de go?t pour les aventures de la guerre et de l'industrie, fuyant tous les hasards, hormis ceux du loto et (les plus t��m��raires) ceux du baccarat, ils vivent heureux, serr��s les uns contre les autres comme un tas de Ripainsels. Ca?us-Gracchus, qui fut leur chef et leur mod��le, pr��tendait qu'en dix-huit si��cles, il ne s'est pas perdu une ��pingle dans tout l'arrondissement. J'en crois le bonhomme, car il s'y connaissait.
?Adieu, mon cher ami, je t'attends au plus tard vers le 15 mai. Ma maison, qu'on appelle ici chateau, est meubl��e �� la mode du pays: c'est-��-dire que le meilleur du mobilier est dans la cave. Mes p��res m'ont laiss�� force pur��e septembrale, comme dit Rabelais, et des meilleurs crus. Je laisse aux gens du pays le soin de boire le vin de leurs vignobles, et j'envoie le mien �� Paris; mais je garde pour mes amis quelques milliers de bouteilles d'un vin de Bourgogne qui ne d��parerait pas la table du roi Louis-Philippe. Quant �� ma cuisini��re, elle a servi dix ans l'��v��que d'A..., et tu connais la d��licatesse eccl��siastique.
?Salut et fraternit��,
?ATHANASE RIPAINSEL.?
Tout Paris a connu Charles Brancas, le h��ros de cette histoire. Grand, bien fait, de belle structure, d'un visage intelligent et doux, presque c��l��bre �� trente ans, assez riche pour ne pas voir de bornes �� son ambition, assez d��sint��ress�� pour faire un choix parmi les moyens de pousser sa fortune, il ��tait dans ce milieu admirable qui fait l'envie des sages. Un certain go?t pour le romanesque et l'impr��vu, dont rien n'avait pu le d��fendre, ne d��rangeait pas trop ce bel ��quilibre de qualit��s naturelles ou acquises.
Comme il r��fl��chissait, son oncle entra. M. Louis Graindorge, fonctionnaire prudent, ��tait l'un des plus parfaits mod��les de cette race heureuse et placide qui sert avec un d��vouement in��branlable toutes les dynasties et toutes les r��publiques. Il ��tait n�� fonctionnaire, et il fonctionnait de son mieux, �� vingt mille francs par an, toujours m��diocre et toujours lou�� de ses chefs qui ne craignaient pas sa sup��riorit��; au reste, inoffensif et facilement abordable, s'il n'e?t ��t�� trop fier d'assister le roi en son conseil.
?Eh bien, dit-il en posant son chapeau, c'est une affaire conclue.
--Quelle affaire?
--Ton mariage, parbleu!
--Je me marie donc? cher oncle; il fallait me pr��venir plus t?t; je n'ai pas eu le temps de faire ma barbe. Avec qui, s'il vous pla?t?
--Avec Mlle Oliveira.
--Une blonde?... Euh!
--Un million de dot! deux millions d'esp��rances!
--Oui, mais une blonde!
--Vingt ans.
--Une blonde!
--Des yeux de saphir.
--Une blonde!
--Un nez retrouss�� et gracieux qui n'a pas son pareil.
--Une blonde!
--Des l��vres de rose, des dents blanches, un sourire charmant et le plus heureux caract��re.
--Ah! cher oncle! une fille si parfaite doit ��tre b��gue ou bossue?
--Ni b��gue ni bossue.
--D��j��! Vous menez rondement les choses, cher oncle.
--Parbleu! la vie est si courte! Au reste, rien n'est plus facile que de me d��savouer et de n'��tre pas d��put��.
--Pla?t-il? Que dites-vous?
--Je dis qu'il est facile de n'��tre pas d��put��.
--Le p��re Oliveira est donc d��put��?
--De l'arrondissement de Vieilleville, oui, mon cher.
--Ah! de Vieilleville... Et il c��derait la d��putation �� son gendre?
--Par contrat de mariage pass�� devant notaire, oui, mon enfant.
--Et les ��lecteurs ratifieraient le contrat?
--Je voudrais bien que quelqu'un d'eux le trouvat mauvais! D��s demain, le chemin de fer qu'on leur a promis, et qui, grace aux savantes combinaisons de l'ing��nieur, doit traverser tout l'arrondissement, ne passerait plus qu'�� dix lieues de l��. Plus de garnison, point de lyc��e; Vieilleville serait trait�� comme un chef-lieu de canton. Con?ois-tu la douleur des honn��tes cabaretiers et marchands d'avoine de Vieilleville, si la client��le de deux cents hussards et de leurs chevaux venait �� leur manquer? Ce serait une vraie catastrophe.
--Oliveira s'ennuie donc beaucoup de sa d��putation ou de sa fille?
--Pas le moins du monde. C'est un homme pr��voyant, qui veut se mettre �� l'abri des coups du sort et des caprices du scrutin. Il a promesse du roi d'��tre fait pair de France dans la premi��re fourn��e, et il grille de s'asseoir parmi les ducs et les comtes de la fabrique de
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