Biographie des Sagamos illustres de lAmérique Septentrionale (1848) | Page 9

Maximilien Bibaud
qu'il n'eût atteint le vaisseau. L'intéressant Donnacona reçut aussi
cordialement Cartier, et lorsque les Anglais parurent sur la côte de
Virginie, Paspiha, lieutenant de Pohatan, leur offrit des
rafraîchissements et des terres[15]. Anadabijou, Cananacus, Ensenore
et Niantonimo ne fournissaient pas de moins beaux traits à cette histoire.
«Cette généreuse bonté, dit l'auteur des Beautés de l'Histoire du
Canada, dit plus en faveur du coeur humain que vingt traités
philosophiques sur la vertu. La loi de la nature, empreinte par la
divinité dans le coeur de tous les hommes, leur fait distinguer ce qui est
noble; elle inspire le sauvage de même que l'homme policé.» Serait-ce
que les Américains ne fussent absolument mus que par cet instinct
naturel?--Non, sans doute, et c''est avec tort qu'un écrivain trop
partial[16] a affirmé qu'ils n'avaient presque point d'idées religieuses.
La plupart croyaient en un être éternel et tout puissant qui a tout créé.
Ils admettaient encore un nombre de divinités inférieures, les petits
esprits, comme les génies des anciens. Ils rendaient un culte au soleil,
et avaient une singulière vénération pour le feu; ce qui ne fortifie pas
peu l'opinion qui leur attribue une origine asiatique. En un mot, leur
religion ou leur croyance, qui n'était pas exempte de fétichisme, n'était
pas non plus étrangère au sabéisme et au dualisme, car un mauvais
esprit partage avec le grand esprit le domaine de la nature. Les Sioux,
les Saukis, les Chippeouais, les Iroquois, les Ménomènes et les
Ouinebagos on toux cette croyance, et j'y découvre le secret des vices
du sauvage, qui sacrifie tour à tour au bon et au mauvais esprit. En
résultat, on trouve les Américains tour à tour vertueux et vicieux,
généreux et cruels, fidèles et perfides.
[Note 15: History of the United States.]
[Note 16: Dom Ulloa s'est étudié à faire une peinture hideuse des
naturels des Deux parties de ce continent. Il ne voit chez eux que
lâcheté et perfidie, et nul héroïsme.]

Le dogme de l'immortalité de l'âme a été retrouvé chez toutes ces
peuplades[17]. Ecoutons le chant des funérailles: «Vous qui êtes
suspendus au-dessus des vivans, apprenez nous à mourir et à vivre. Le
maître de la vie vous a ouvert ses bras, et vous a procuré une heureuse
chasse dans l'autre monde. La vie est comme cette couleur brillante du
serpent qui paraît et disparaît plus vite que la flèche ne vole; elle est
comme cet arc au'amène la tempête au-dessus du torrent, comme
l'ombre d'un nuage qui passe.» Les Chrystinaux croyaient voir les âmes
de leurs ancêtres dans les nuages qui couvraient leurs pays: cela
rappelle les anciens bardes de l'Ecosse[18].
[Note 17: Le nier n'appartenait qu'à une secte méprisable de prétendus
philosophes, de philosophastes.]
[Note 18: Vers l'an 140 de notre ère, Tramnor, ancêtre de Fingal, s'étant
rendu roi du nord de l'Ecosse en réunissant tous les clans de Morwën,
détruisit le culte des Druides et celui d'Odin: Il ne resta que les bardes.
Leur culte était presque celui des nuages. Les Calédoniens, dans leurs
îles brumeuses, croyaient entendre dans les rafales des vents les voix de
leurs amis morts Dans les combats; il leur semblait les voir dans les
tempêtes traverser les rideaux nébuleux qui s'élevaient de leurs vallées
semées de lacs.]
La récompense ou les maux de l'autre vie se trouvent encore plus
explicitement dans la croyance de quelques peuplades. Les bons, après
leur mort, vont dans un lieu de délices où l'on jouit d'un printems
éternel, où ils retrouvent leurs enfans et leurs femmes, où les rivières
sont poissonneuses, et les plaines couvertes de leurs chers bisons. Pour
les méchans, ils sont transportés sur une terre stérile[19], couverte d'une
neige éternelle, où le froid les glacera à la vue des flammes qui
brilleront à quelque distance. Une forêt impénétrable sépare ces
malheureux de leurs frères fortunés qui foulent les champs toujours
verts de la félicité, l'Eden sauvage, d'où la postérité du premier homme
a aussi mérité d'être exclue, car voici bien dans la tradition iroquoise sa
chute quelque peut dénaturée. «Au commencement, disent-ils, il y avait
six hommes. Il n'y avait pas de femmes, et ils craignaient que leur race
ne s'éteignît avec eux, lorsqu'enfin ils apprirent qu'il y en avait une au

ciel. On tint conseil, et il fut convenu que Hougoaho monterait: ce qui
parut d'abord impossible. Mais les oiseaux lui prêtèrent le secours de
leurs ailes, et le portèrent dans les airs. Il apprit que la femme avait
accoutumé de venir puiser de l'eau à une fontaine auprès d'un arbre[20],
au pied duquel il attendit qu'elle vint; et la voici venir en effet.
Hougoaho cause avec elle et lui fait un présent de graisse d'ours. Une
femme causeuse, et qui reçoit des présens, n'est pas longtems
victorieuse, observe judicieusement Lafitau: celle-ci fut faible dans le
ciel même. Dieu s'en aperçut, et
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