Bataille de dames | Page 4

Ernest Legouvé
la salue respectueusement, lui remet les deux lettres qui sont �� son adresse et sort par la porte du fond.)

SC��NE III
L��ONIE, LA COMTESSE.
LA COMTESSE, tout en d��cachetant ses lettres. Jusqu'�� monsieur Charles, jusqu'aux domestiques qui veulent se donner de l'importance![13] ...
L��ONIE. Oh! mais ... une importance dont vous n'avez pas d'id��e....
LA COMTESSE, ouvrant une des lettres. En v��rit�� ... dis-moi donc cela.... (Vivement.) Non, non ... tout �� l'heure![14] ... laisse-moi d'abord parcourir mon courrier.[15]
L��ONIE. C'est trop juste! je viens de lire le mien.... (La comtesse, �� droite du spectateur, lit avec ��motion et �� part sa lettre qu'elle vient de d��cacheter, tandis que L��onie, pr��s de la table �� gauche, parcourt les journaux.)
LA COMTESSE. C'est d'elle!... Pauvre amie!... comme elle tremblait en ��crivant! "Ma ch��re C��cile, soyez b��nie mille fois! Je reprends espoir depuis que je sais mon fils aupr��s de vous. Votre chateau, situ�� �� deux lieues de la fronti��re, lui permet d'attendre sans danger l'issue de ce proc��s fatal ... et d'ailleurs, qui pourrait soup?onner que le chateau de la comtesse d'Autreval rec��le un homme accus�� de conspiration contre le roi? Du reste, que vos opinions politiques se rassurent...." (S'interrompant.) Est-ce que mon coeur a des opinions politiques?... (Reprenant.) "Henri n'est pas coupable; un malheureux coup de t��te[16] qu'il vous racontera lui a seul donn�� une apparence de conspirateur; mais cette apparence suffirait mille fois pour le perdre, s'il ��tait pris. D'un autre c?t��, l'on assure qu'on ne veut pas pousser plus loin les rigueurs, et l'on dit, mais est-ce vrai? que le mar��chal commandant la division vient de partir pour Lyon avec une mission de cl��mence...."
L��ONIE, �� droite, poussant un cri. Ah! qu'est-ce que je lis!
LA COMTESSE. Qu'est-ce donc?
L��ONIE, montrant le journal. Encore une condamnation �� mort!
LA COMTESSE. Ah! Mon dieu![17]
L��ONIE. "Le conseil de guerre, s��ant �� Lyon, a condamn�� hier le principal chef du complot bonapartiste, monsieur Henri de Flavigneul, un jeune homme de vingt-cinq ans!"
LA COMTESSE. Qui heureusement s'est ��vad�� avec l'aide de quelques amis, m'a-t-on dit.
L��ONIE. Oui! oui!... je me rappelle maintenant ... cette ��vasion qui excitait l'enthousiasme de monsieur Gustave de Grignon.
LA COMTESSE. Notre jeune ma?tre des requ��tes.
L��ONIE. Il n'avait qu'un regret, c'est de n'avoir pas ��t�� charg�� d'une pareille exp��dition; c'est beau!... c'est brave!...
LA COMTESSE. Il a de qui tenir![18] Sa m��re, qui avait comme moi travers�� toutes les guerres de la Vend��e,[19] sa m��re avait un courage de lion!
L��ONIE. C'est pour cela que monsieur de Grignon parle toujours, �� table, d'actions h��ro?ques.
LA COMTESSE. Et le curieux, c'est que son p��re ��tait, dit-on, peureux comme un li��vre!
L��ONIE. Vraiment?... c'est peut-��tre pour cela que l'autre jour il est devenu tout pale quand la barque a manqu�� chavirer[20] sur la pi��ce d'eau!
LA COMTESSE, riant. A merveille!... vous allez voir qu'il est �� la fois brave et poltron!
L��ONIE. Je le lui demanderai.
LA COMTESSE. Y penses-tu?
L��ONIE. Aujourd'hui, en dansant avec lui, car nous avons un bal et un concert pour votre f��te[21] ... et j'ai d��j�� pens�� �� votre coiffure, un azal��a superbe que j'ai vu dans la serre et qui vous ira[22] �� merveille!
LA COMTESSE. Coquette pour ton compte ... je le concevrais! mais pour ta tante!...
L��ONIE. C'est tout naturel!... vous c'est moi! tellement que quand on fait votre ��loge, ce qui arrive souvent, je suis tent��e de remercier.... (Se mettant �� genoux pr��s du canap�� �� droite o�� est assise la comtesse.) Aussi jugez de ma joie, quand ma m��re m'a permis de venir passer un mois ici, aupr��s de vous.... Il me semblait que rien qu'en vous regardant, j'allais devenir parfaite.... Vous souriez ... est-ce que j'ai mal parl��?...
LA COMTESSE. Non, ch��re fille, car c'est ton coeur qui parle.... Si je souris, c'est de tes illusions! c'est de ta candeur �� me dire: Je vous admire!
L��ONIE. C'est si vrai! A la maison l'on me raille parfois et l'on r��p��te sans cesse: Oh! quand L��onie a dit.... Ma tante, elle a tout dit! On a raison ... la mode que vous adoptez, la robe que je vous[23] vois, me semblent toujours plus belles qu'aucune autre.... On dit m��me, vous ne savez pas, ma tante? on dit que j'imite votre d��marche et vos gestes ... c'est bien sans le savoir. Et quand vous m'embrassez en m'appelant: Ma ch��re fille! je suis presque aussi heureuse que si j'entendais ma m��re!
LA COMTESSE, l'embrassant. Prends garde!... prends garde ... il ne faut pas me gater ainsi ... j'aurai trop de chagrin de te voir partir.... Ce sera ma jeunesse qui s'en ira!
L��ONIE. Mais vous ��tes tr��s jeune, �� vous toute seule,[24] ma tante!
LA COMTESSE. Certainement ... d'une jeunesse de ... Voyons? devine un peu le chiffre....
L��ONIE. Je ne m'y connais pas,[25] ma tante!
LA COMTESSE. Je vais t'aider.... Trente....
L��ONIE. Trente....
LA COMTESSE. Allons, un effort....
L��ONIE. Trente et un.
LA COMTESSE. On ne peut pas ��tre plus modeste![26] ... J'ach��verai donc
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