du matin au soir dans son fauteuil roulant, lisait l'Officiel d'un bout �� l'autre, et elle ne lui faisait grace d'aucun d��tail, plus au courant de ce qui se passait �� la Chambre que bien des d��put��s. Quand son fils avait parl��, elle discutait les raisons que ses contradicteurs lui avaient oppos��es et les pulv��risait, s'indignant que tout le monde n'e?t pas vot�� comme lui. Sur un seul point, elle le blamait--c'��tait sur tout ce qui touchait aux choses religieuses; ne mettrait-il donc jamais la religion au-dessus de la politique? Quel chagrin pour elle que dans ces questions il ne votat point comme elle aurait voulu! il ��tait si soumis, si pieux, quand il ��tait petit!
Respectueusement il se d��fendait, mais le plus souvent il cherchait �� changer la conversation en faisant signe �� sa femme ou �� sa fille de venir �� son secours; il en avait assez de la politique, et ce n'��tait point pour reprendre et continuer les discussions de la semaine qu'il avait hate d'arriver chez lui. C'��tait pour se retrouver avec les siens dans cette maison toute pleine de souvenirs, o�� il avait ��t�� enfant, o�� il avait grandi, o�� son p��re ��tait mort, o�� il s'��tait mari��, o�� sa fille ��tait n��e, o�� il n'y avait pas un meuble, pas un coin qui ne lui parlat au coeur et ne le reposat de la vie parisienne vide et fatigante qu'il menait pendant neuf mois. Comme ces vastes pi��ces un peu noires d'aspect, comme ces vieux meubles d��mod��s qu'il avait toujours vus, ces fauteuils de style Empire, ces pendules en bronze dor�� �� sujets mythologiques, ces fleurs en papier conserv��es sous des cylindres depuis la jeunesse de sa m��re, lui ��taient plus doux aux yeux que le mobilier du petit appartement de gar?on qu'il occupait dans une maison meubl��e de la rue Tronchet. Comme le fumet du pot-au-feu qui lui chatouillait l'app��tit d��s qu'il poussait sa porte le disposait mieux �� se mettre �� table que les bouff��es chaudes qui le frappaient au visage quand il entrait dans les restaurants parisiens o�� il mangeait seul! A mesure qu'il revenait dans son milieu d'autrefois, l'homme d'autrefois se retrouvait. Des cases de son cerveau s'ouvraient, d'autres se refermaient. Le Parisien restait �� Paris, �� Elbeuf il n'y avait plus que l'Elbeuvien, l'odeur fade des cuves d'indigo l'avait rajeuni; le commer?ant rempla?ait le d��put��; il n'��tait plus que mari et p��re de famille.
Aussi se fachait-il contre la politique qu'il lui d��plaisait de retrouver �� Elbeuf: c'��tait de paroles affectueuses, de regards tendres qu'il avait besoin, du laisser-aller de l'intimit��, de sorte que bien souvent, pendant que la Maman continuait ses discussions, ses approbations ou ses r��primandes, il oubliait de lui r��pondre ou ne le faisait qu'en quelques mots distraits: ?Oui, maman; non, maman; tu as raison, certainement, sans aucun doute.?
C'��tait assez indiff��remment qu'�� son retour d'Allemagne il s'��tait laiss�� marier par son p��re avec une jeune fille n��e dans une condition inf��rieure �� la sienne, au moins pour la fortune, mais depuis vingt ans il vivait dans une ��troite communion de sentiment et de pens��e avec sa femme, car il s'��tait trouv�� que celle qu'il avait accept��e pour la grace de sa jeunesse ��tait une femme dou��e de qualit��s r��elles que chaque jour r��v��lait: l'intelligence, la fermet�� de la raison, la droiture du caract��re, la bont�� indulgente, et, ce qui pour lui ��tait inappr��ciable depuis son entr��e dans la vie politique--le flair et le g��nie du commerce qui faisaient d'elle une associ��e �� laquelle il pouvait laisser la direction de la maison aussi bien pour la fabrication que pour la vente. Pendant qu'�� Paris il s'occupait des affaires de la France, �� Elbeuf elle dirigeait d'une main aussi habile que ferme celles de la fabrique; en vraie femme de commerce, comme il n'��tait pas rare d'en rencontrer autrefois derri��re les rideaux verts d'un comptoir, mais comme on n'en voit plus maintenant, trouvant encore le temps d'accomplir avec un seul commis la besogne du bureau: la correspondance, la comptabilit��, la caisse et la paye qu'elle faisait elle-m��me.
Si bon commer?ant que f?t Adeline, ce n'��tait cependant pas d'affaires qu'il avait hate de s'entretenir en arrivant chez lui--ces affaires, il les connaissait, au moins en gros, par les lettres que sa femme lui ��crivait tous les soirs; c'��tait sa femme m��me, c'��tait sa fille qui occupaient son coeur, et tout en mangeant, tout en r��pondant avec plus ou moins d'��-propos �� sa m��re, ses yeux allaient de l'une �� l'autre. S'il aimait celle-ci tendrement, il adorait celle-l��, et il n'��tait pas rare que tout �� coup il s'interromp?t pour se pencher vers elle et l'embrasser en la prenant dans ses bras:
--Eh bien, ma petite Berthe, es-tu contente du retour du papa?
Il la regardait, il la contemplait avec un bon sourire, fier de
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