de Robert Clive et de Dupleix sans leur rapacité. Il n'aime pas l'argent, qui est la grande passion de tous les ma?tres de l'Inde; il sait caresser toutes les classes, flatter tous les préjugés et parler toutes les langues de l'Inde. Ce sont là de grands moyens de plaire à une nation incapable de se gouverner elle-même et qui a toujours eu pour ma?tres des étrangers, musulmans ou chrétiens.
?C'est à lord Braddock de surveiller soigneusement cet homme redoutable. S'il faisait venir d'Europe quelques aventuriers déterminés comme lui, s'il augmentait peu à peu son armée déjà très-aguerrie, et s'il faisait appel à tous les mécontents de l'Inde, peut-être mettrait-il en danger notre domination plus facilement que n'ont pu le faire le sanguinaire Nana-Sahib et la reine d'Oude.
?On objectera qu'il aurait pu se joindre aux Cipayes révoltés et qu'il ne l'a pas fait, ce qui est une marque de ses sentiments pacifiques. Sa tranquillité n'était qu'apparente. Il achève ses préparatifs. Quelques-uns de ses émissaires font courir des prophéties dans le peuple: il est dit publiquement dans les tavernes et dans tous les lieux publics que la délivrance de l'Inde est proche, et qu'elle sera due à un homme au teint blanc qui aura passé la mer.
?Si l'on pouvait conclure avec lui une alliance solide, il faudrait le faire, car il n'y a pas d'ami plus précieux ou d'ennemi plus redoutable; mais on s'y est mal pris: on l'a traité d'abord comme un aventurier, comme un bandit sans feu ni lieu; on a excité en lui deux passions redoutables: l'ambition et l'amour de la vengeance; il n'est plus temps aujourd'hui de se fier à lui. T?t ou tard il nous fera la guerre. Déjà, bien loin de consentir, comme tous les princes de l'Inde, à subir la présence et la tutelle d'un résident anglais, il n'a voulu entretenir avec nous aucune relation d'amitié ou de bon voisinage. Il a donné asile à tous les fugitifs qui craignaient notre vengeance, et lorsqu'on lui a demandé de les livrer, il a répondu qu'un Fran?ais ne livrait jamais ses h?tes.
?Tout cela indique assez quels sont ses desseins, et le plus sage serait de le prévenir avant qu'il ait eu le temps de se rendre redoutable. Malgré toute son audace et ses succès, il n'est pas sans sujets d'alarme. Les réformes qu'il a introduites dans l'administration et les lois du peuple mahratte, bien qu'approuvées par son assemblée législative, ont excité la haine des Zémindars, grands propriétaires fonciers qui disposaient de tout avant son arrivée. Il ne serait pas difficile d'exciter leur jalousie et, en leur donnant appui, de renverser le nouveau maharajah. C'est même le seul moyen de prévenir le danger dont nous sommes menacés, et lord Braddock aura ainsi une belle occasion de réparer ses fautes passées et de signaler son administration par un coup d'éclat.?
On voit, par l'article qui précède, quelle opinion avaient de Corcoran ses ennemis les Anglais.
A peu de chose près, ils avaient raison, car le Malouin, sans communiquer son dessein à personne, avait repris le plan de Dupleix et du fameux Bussy, et se proposait de chasser les Anglais de l'Inde; mais une si grande entreprise ne pouvait pas être exécutée avant cinq ou six ans, et il attendait en silence.
Malheureusement les Anglais le prévinrent, ainsi qu'on va le voir.
IV
Le docteur Scipio Ruskaert.
Un matin, Corcoran avait quitté Bhagavapour, et il visitait avec soin les frontières de ses états, rendant la justice, réformant l'administration, faisant manoeuvrer son armée, construire des routes et des ponts, car il était obligé de faire à lui seul tous les métiers.
Sita se trouvait seule dans le palais d'Holkar. A ses pieds, sur le gazon, jouait gracieusement son fils, le petit Rama, agé de deux ans à peine, mais qui déjà annon?ait toute la force de son père et toute la grace de sa mère. Devant eux, le gros éléphant Scindiah agitait doucement sa trompe pour amuser l'enfant qui riait et, prenant des dragées dans une boite sur les genoux de sa mère, les mettait dans le creux de la trompe. Scindiah, sans s'étonner, les portait à sa bouche et les faisait craquer sous ses dents.
?Scindiah, mon gros ami, dit Sita, veille bien sur mon petit Rama, et protége-le comme tu me protégeais quand j'étais enfant comme lui.?
L'éléphant inclina sa trompe avec gravité.
?Rama, dit la mère, donne-lui la main.?
Aussit?t l'enfant avan?a sa petite main délicate et la pla?a dans le creux de la trompe de Scindiah, qui le saisit avec précaution et le pla?a sur son dos, où le petit Rama se mit aussit?t à danser et à crier de joie.
Puis, sur l'ordre de Sita, il fut remis à terre avec précaution.
?Encore! encore! criait Rama.
L'éléphant recommen?a la même manoeuvre et pla?a l'enfant sur son cou. Rama, s'accrochant à ses deux longues oreilles, poussait de nouveaux éclats de rire:
?Scindiah! je
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.