tentatives suggérées par l'envie, prend maintenant ce moyen
vif et calomnieux....
«M. Blotton (d'Algate) se lève pour demander le rappel à
l'ordre.--Est-ce à lui que l'honorable pickwickien faisait allusion? (Cris
à l'ordre!--Le président[5]:--Oui!--Non!--Continuez!--Assez!--etc.)
[Footnote 5: C'est par ce cri que les membres du parlement invitent le
président à rétablir l'ordre.]
«M. Pickwick ne se laissera pas intimider par des clameurs. Il a fait
allusion à l'honorable gentleman! (Vive sensation.)
«Dans ce cas, M. Blotton n'a que deux mots à dire: il repousse avec un
profond mépris l'accusation de l'honorable gentleman, comme fausse et
diffamatoire (grands applaudissements). L'honorable gentleman est un
blagueur. (Immense confusion. Grands cris de: Le président! à l'ordre!)
«M. Snodgrass se lève pour demander le rappel à l'ordre. Il en appelle
au président. (Écoutez!) Il demande si l'on n'arrêtera pas cette honteuse
discussion entre deux membres du club. (Écoutez! écoutez!)
«Le président est convaincu que l'honorable pickwickien retirera
l'expression dont il vient de se servir.
«M. Blotton, avec tout le respect possible pour le président, affirme
qu'il n'en fera rien.
«Le président regarde comme un devoir impératif de demander à
l'honorable gentleman s'il a employé l'expression qui vient de lui
échapper, suivant le sens qu'on lui donne communément.
«M. Blotton n'hésite pas à dire que non, et qu'il n'a employé ce mot que
dans le sens pickwickien. (Écoutez! Écoutez!) Il est obligé de
reconnaître que, personnellement, il professe la plus grande estime pour
l'honorable gentleman en question. Il ne l'a considéré comme un
blagueur que sous un point de vue entièrement pickwickien. (Écoutez!
écoutez!)
«M. Pickwick déclare qu'il est complétement satisfait par l'explication
noble et candide de son honorable ami. Il désire qu'il soit bien entendu
que ses propres observations n'ont dû être comprises que dans leur sens
purement pickwickien (applaudissements.)»
Ici finit le procès-verbal, et en effet la discussion ne pouvait continuer,
puisqu'on était arrivé à une conclusion si satisfaisante, si claire. Nous
n'avons pas d'autorité officielle pour les faits que le lecteur trouvera
dans le chapitre suivant, mais ils ont été recueillis d'après des lettres et
d'autres pièces manuscrites, dont on ne peut mettre en question
l'authenticité.
CHAPITRE II.
Le premier jour de voyage et la première soirée d'aventures, avec leurs
conséquences.
Le soleil, ce ponctuel factotum de l'univers, venait de se lever et
commençait à éclairer le matin du 13 mai 1831, quand M. Samuël
Pickwick, semblable à cet astre radieux, sortit des bras du sommeil,
ouvrit la croisée de sa chambre, et laissa tomber ses regards sur le
monde, qui s'agitait au-dessous de lui. La rue Goswell était à ses pieds,
la rue Goswell était à sa droite, la rue Goswell était à sa gauche, aussi
loin que l'oeil pouvait s'étendre, et en face de lui se trouvait encore la
rue Goswell. «Telles, pensa M. Pickwick, telles sont les vues étroites
de ces philosophes, qui, satisfaits d'examiner la surface des choses, ne
cherchent point à en étudier les mystères cachés. Comme eux, je
pourrais me contenter de regarder toujours sur la rue Goswell, sans
faire aucun effort pour pénétrer dans les contrées inconnues qui
l'environnent.» Ayant laissé tomber cette pensée sublime, M. Pickwick
s'occupe de s'habiller et de serrer ses effets dans son portemanteau. Les
grands hommes sont rarement très-scrupuleux pour leur costume: aussi
la barbe, la toilette, le déjeuner se succédèrent-ils rapidement. Au bout
d'une heure M. Pickwick était arrivé à la place des voitures de
Saint-Martin le Grand, ayant son portemanteau sous son bras, son
télescope dans la poche de sa redingote, et dans celle de son gilet son
mémorandum, toujours prêt à recevoir les découvertes dignes d'être
notées.
«Cocher! cria M. Pickwick.
--Voilà, monsieur! répondit un étrange spécimen du genre homme,
lequel avec son sarrau et son tablier de toile, portant au cou une plaque
de cuivre numérotée, avait l'air d'être catalogué dans quelque collection
d'objets rares. C'était le garçon de place. Voilà, monsieur. Hé! cabriolet
en tête!» Et le cocher étant sorti de la taverne où il fumait sa pipe, M.
Pickwick et son portemanteau furent hissés dans la voiture.
--Golden-Cross, dit M. Pickwick.
--Ce n'est qu'une méchante course d'un shilling, Tom, cria le cocher
d'un ton de mauvaise humeur, pour l'édification du garçon de place,
comme la voiture partait.
--Quel âge a cette bête-là, mon ami? demanda M. Pickwick en se
frottant le nez avec le shilling qu'il tenait tout prêt pour payer sa course.
--Quarante-deux ans, répliqua le cocher, après avoir lorgné M.
Pickwick du coin de l'oeil.
--Quoi! s'écria l'homme illustre en mettant la main sur son carnet.»
Le cocher réitéra son assertion; M. Pickwick le regarda fixement au
visage; mais il ne découvrit aucune hésitation dans ses traits, et nota le
fait immédiatement.
«Et combien de temps reste-t-il hors de l'écurie, continua M. Pickwick,
cherchant toujours à acquérir quelques notions utiles.
--Deux ou trois semaines.
--Deux ou trois
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