inexplicable. Le projectile était parti cependant, et, conséquemment, la détonation avait d? se produire.
?Sachons d'abord où nous en sommes, dit Barbicane, et rabattons les panneaux.?
Cette opération extrêmement simple, fut aussit?t pratiquée. Les écrous qui maintenaient les boulons sur les plaques extérieures du hublot de droite, cédèrent sous la pression d'une clef anglaise. Ces boulons furent chassés au-dehors, et des obturateurs garnis de caoutchouc bouchèrent le trou qui leur donnait passage. Aussit?t la plaque extérieure se rabattit sur sa charnière comme un sabord, et le verre lenticulaire qui fermait le hublot apparut. Un hublot identique s'évidait dans l'épaisseur des parois sur l'autre face, du projectile, un autre dans le d?me qui le terminait, un quatrième enfin au milieu du culot inférieur. On pouvait donc observer, dans quatre directions opposées, le firmament par les vitres latérales et plus directement, la Terre ou la Lune par les ouvertures supérieures et inférieures du boulet.
Barbicane et ses deux compagnons s'étaient aussit?t précipités à la vitre découverte. Nul rayon lumineux ne l'animait. Une profonde obscurité enveloppait le projectile. Ce qui n'empêcha pas le président Barbicane de s'écrier:
?Non, mes amis, nous ne sommes pas retombés sur terre! Non, nous ne sommes pas immergés au fond du golfe du Mexique! Oui! nous montons dans l'espace! Voyez ces étoiles qui brillent dans la nuit, et cette impénétrable obscurité qui s'amasse entre la Terre et nous!
?Hurrah! Hurrah!? s'écrièrent d'une commune voix Michel Ardan et Nicholl.
En effet, ces ténèbres compactes prouvaient que le projectile avait quitté la Terre, car le sol, vivement éclairé alors par la clarté lunaire, e?t apparu aux yeux des voyageurs, s'ils eussent reposé à sa surface. Cette obscurité démontrait aussi que le projectile avait dépassé la couche atmosphérique, car la lumière diffuse, répandue dans l'air e?t reporté sur les parois métalliques un reflet qui manquait aussi. Cette lumière aurait éclairé la vitre du hublot, et cette vitre était obscure. Le doute n'était plus permis. Les voyageurs avaient quitté la Terre.
?J'ai perdu, dit Nicholl.
--Et je t'en félicite! répondit Ardan.
--Voici neuf mille dollars, dit le capitaine en tirant de sa poche une liasse de dollars papier.
--Voulez-vous un re?u? demanda Barbicane en prenant la somme.
--Si cela ne vous désoblige pas, répondit Nicholl. C'est plus régulier.?
Et, sérieusement, flegmatiquement, comme s'il e?t été à sa caisse, le président Barbicane tira son carnet, en détacha une page blanche, libella au crayon un re?u en règle, le data, le signa, le parapha, et le remit au capitaine qui l'enferma soigneusement dans son portefeuille.
Michel Ardan, ?tant sa casquette, s'inclina sans rien dire devant ses deux compagnons. Tant de formalisme en de pareilles circonstances lui coupait la parole. Il n'avait jamais rien vu de si ?américain?.
Barbicane et Nicholl, leur opération terminée, s'étaient replacés à la vitre et regardaient les constellations. Les étoiles se détachaient en points vifs sur le fond noir du ciel. Mais, de ce c?té, on ne pouvait apercevoir l'astre des nuits, qui, marchant de l'est à l'ouest, s'élevait peu à peu vers le zénith. Aussi son absence provoqua-t-elle une réflexion d'Ardan.
?Et la Lune? disait-il. Est-ce que, par hasard, elle manquerait à notre rendez-vous?
--Rassure-toi, répondit Barbicane. Notre future sphéro?de est à son poste, mais nous ne pouvons l'apercevoir de ce c?té. Ouvrons l'autre hublot latéral.?
Au moment où Barbicane allait abandonner la vitre pour procéder au dégagement du hublot opposé, son attention fut attirée par l'approche d'un objet brillant. C'était un disque énorme, dont les colossales dimensions ne pouvaient être appréciées. Sa face tournée vers la Terre s'éclairait vivement. On e?t dit une petite Lune qui réfléchissait la lumière de la grande. Elle s'avan?ait avec une prodigieuse vitesse et paraissait décrire autour de la Terre une orbite qui coupait la trajectoire du projectile. Le mouvement de translation de ce mobile se complétait d'un mouvement de rotation sur lui-même. Il se comportait donc comme tous les corps célestes abandonnés dans l'espace.
?Eh! s'écria Michel Ardan, qu'est cela? Un autre projectile??
Barbicane ne répondit pas. L'apparition de ce corps énorme le surprenait et l'inquiétait. Une rencontre était possible, qui aurait eu des résultats déplorables, soit que le projectile f?t dévié de sa route, soit qu'un choc, brisant son élan, le précipitat vers la Terre, soit enfin qu'il se v?t irrésistiblement entra?né par la puissance attractive de cet astéro?de.
Le président Barbicane avait rapidement saisi les conséquences de ces trois hypothèses qui, d'une fa?on ou d'une autre, amenaient fatalement l'insuccès de sa tentative. Ses compagnons, muets, regardaient à travers l'espace. L'objet grossissait prodigieusement en s'approchant, et par une certaine illusion d'optique, il semblait que le projectile se précipitat au-devant de lui.
?Mille dieux! s'écria Michel Ardan, les deux trains vont se rencontrer!?
Instinctivement, les voyageurs s'étaient rejetés en arrière. Leur épouvante fut extrême, mais elle ne dura pas longtemps, quelques secondes à peine. L'astéro?de passa à plusieurs centaines de mètres du projectile et disparut, non pas tant par la rapidité de sa course,
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