Autour de la Lune | Page 5

Jules Verne
le boulet avec, et Barbicane ne sera plus l�� pour te rembourser tes dollars.
--Mon enjeu est d��pos�� �� la banque de Baltimore, r��pondit simplement Barbicane, et �� d��faut de Nicholl, il retournera �� ses h��ritiers!
--Ah! hommes pratiques! s'��cria Michel Ardan, esprits positifs! Je vous admire d'autant plus que je ne vous comprends pas.
--Dix heures quarante deux! dit Nicholl.
--Plus que cinq minutes! r��pondit Barbicane.
--Oui! cinq petites minutes! r��pliqua Michel Ardan. Et nous sommes enferm��s dans un boulet au fond d'un canon de neuf cents pieds! Et sous ce boulet sont entass��s quatre cent mille livres de fulmi-coton qui valent seize cent mille livres de poudre ordinaire! Et l'ami Murchison, son chronom��tre �� la main, l'oeil fix�� sur l'aiguille, le doigt pos�� sur l'appareil ��lectrique, compte les secondes et va nous lancer dans les espaces interplan��taires!...
--Assez, Michel, assez! dit Barbicane d'une voix grave. Pr��parons-nous. Quelques instants seulement nous s��parent d'un moment supr��me. Une poign��e de main, mes amis.
--Oui?, s'��cria Michel Ardan, plus ��mu qu'il ne voulait le para?tre.
Ces trois hardis compagnons s'unirent dans une derni��re ��treinte.
?Dieu nous garde!? dit le religieux Barbicane.
Michel Ardan et Nicholl s'��tendirent sur les couchettes dispos��es au centre du disque.
?Dix heures quarante sept!? murmura le capitaine.
Vingt secondes encore! Barbicane ��teignit rapidement le gaz et se coucha pr��s de ses compagnons.
Le profond silence e n'��tait interrompu que par les battements du chronom��tre frappant la seconde.
Soudain, un choc ��pouvantable se produisit, et le projectile, sous la pouss��e de six milliards de litres de gaz d��velopp��s par la d��flagration du pyroxile, s'enleva dans l'espace.

II
La premi��re demi-heure
Que s'��tait-il pass��? Quel effet avait produit cette effroyable secousse? L'ing��niosit�� des constructeurs du projectile avait-elle obtenu un r��sultat heureux? Le choc s'��tait-il amorti, grace aux ressorts, aux quatre tampons, aux coussins d'eau, aux cloisons brisantes? Avait-on dompt�� l'effrayante pouss��e de cette vitesse initiale de onze mille m��tres qui e?t suffi �� traverser Paris ou New York en une seconde? C'est ��videmment la question que se posaient les mille t��moins de cette sc��ne ��mouvante. Ils oubliaient le but du voyage pour ne songer qu'aux voyageurs! Et si quelqu'un d'entre eux -- J.-T. Maston, par exemple --, e?t pu jeter un regard �� l'int��rieur du projectile, qu'aurait-il vu?
Rien alors. L'obscurit�� ��tait profonde dans le boulet. Mais ses parois cylindro-coniques avaient sup��rieurement r��sist��. Pas une d��chirure, pas une flexion, pas une d��formation. L'admirable projectile ne s'��tait m��me pas alt��r�� sous l'intense d��flagration des poudres, ni liqu��fi��, comme on paraissait le craindre, en une pluie d'aluminium.
A l'int��rieur, peu de d��sordre, en somme. Quelques objets avaient ��t�� lanc��s violemment vers la vo?te; mais les plus importants ne semblaient pas avoir souffert du choc. Leurs saisines ��taient intactes.
Sur le disque mobile, rabaiss�� jusqu'au culot, apr��s le bris des cloisons et l'��chappement de l'eau, trois corps gisaient sans mouvement. Barbicane, Nicholl, Michel Ardan respiraient-ils encore? Ce projectile n'��tait-il plus qu'un cercueil de m��tal, emportant trois cadavres dans l'espace?...
Quelques minutes apr��s le d��part du boulet, un de ces corps fit un mouvement; ses bras s'agit��rent, sa t��te se redressa, et il parvint �� se mettre sur les genoux. C'��tait Michel Ardan. Il se palpa, poussa un a ?hem? sonore, puis il dit;
?Michel Ardan, complet. Voyons les autres!?
Le courageux Fran?ais voulut se lever; mais il ne put se tenir debout. Sa t��te vacillait, son sang violemment inject��, l'aveuglait, il ��tait comme un homme ivre.
?Brr! fit-il. Cela me produit le m��me effet que deux bouteilles de Corton. Seulement, c'est peut-��tre moins agr��able �� avaler!?
Puis, passant plusieurs fois sa main sur son front et se frottant les tempes, il cria d'une voix ferme:
?Nicholl! Barbicane!?
Il attendit anxieusement. Nulle r��ponse. Pas m��me un soupir qui indiquat que le coeur de ses compagnons battait encore. Il r��it��ra son appel. M��me silence.
?Diable! dit-il. Ils ont l'air d'��tre tomb��s d'un cinqui��me ��tage sur la t��te! Bah! ajouta-t-il avec cette imperturbable confiance que rien ne pouvait enrayer, si un Fran?ais a pu se mettre sur les genoux, deux Am��ricains ne seront pas g��n��s de se remettre sur les pieds. Mais, avant tout ��clairons la situation?.
Ardan sentait la vie lui revenir �� flots. Son sang se calmait et reprenait sa circulation accoutum��e. De nouveaux efforts le remirent en ��quilibre. Il parvint �� se lever, tira de sa poche une allumette et l'enflamma sous le frottement du phosphore. Puis, l'approchant du bec, il l'alluma. Le r��cipient n'avait aucunement souffert. Le gaz ne s'��tait pas ��chapp��. D'ailleurs, son odeur l'e?t trahi, et en ce cas, Michel Ardan n'aurait pas impun��ment promen�� une allumette enflamm��e dans ce milieu rempli d'hydrog��ne. Le gaz, combin�� avec l'air, e?t produit un m��lange d��tonant et l'explosion aurait achev�� ce que la secousse avait commenc�� peut-��tre.
D��s que le bec fut allum��, Ardan se pencha sur les corps de ses compagnons. Ces corps ��taient renvers��s l'un sur l'autre, comme des masses inertes. Nicholl dessus, Barbicane dessous.
Ardan redressa le capitaine, l'accota contre un
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