Auguste Comte et Herbert
Spencer
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Title: Auguste Comte et Herbert Spencer Contribution à l'histoire des
idées philosophiques au XIXe siècle
Author: E. de Roberty
Release Date: October 16, 2005 [EBook #16888]
Language: French
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COMTE ET HERBERT SPENCER ***
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AUGUSTE COMTE ET HERBERT SPENCER
CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES IDÉES PHILOSOPHIQUES
AU XIXe SIÈCLE
Par
E. DE ROBERTY
PARIS
1894
* * * * *
INTRODUCTION [p.V]
Dans le remous des idées générales, dans la fluctuation des vues
d'ensemble, dans le va-et-vient des systèmes qui, pour un court espace
de temps, réussissent à grouper les croyances, à retenir et fixer les
convictions, un phénomène s'observe, à peu près invariable à travers les
âges.
Il se détache nettement du décor mobile qui l'encadre, il sollicite à un
haut point l'attention du sociologue.
[p.VI] Il caractérise une phase intéressante de la vie mentale de
l'humanité, une période ne semblant pas, à vrai dire, devoir se clore
bientôt. Elle embrasse la préhistoire entière de la philosophie, la suite
continue de siècles qui, après avoir fondé les religions, s'adonnèrent à
la culture des abstractions métaphysiques.
Durant la longue enfance de la philosophie, ce phénomène demeura
normal dans l'acception usuelle du mot. Il se reproduit encore sous nos
yeux; mais déjà des traits pathologiques le déforment.
Il consiste essentiellement dans la rencontre de deux grandes ondes
cérébrales qui se dirigent en sens inverse: le monisme et l'agnosticisme.
L'esprit de synthèse s'épuisa à vouloir les refouler dans le même lit.
Mais une série intermittente d'affaiblissements et de triomphes, de
défaites et d'exaltations de la pensée abstraite marqua cette entreprise
immédiatement vaine.
[p.VII] La philosophie du xixe siècle suivit les voies de la
métaphysique qui l'avait précédée et qui, à son tour, s'était modelée sur
les traditions monothéistes des religions supérieures. Elle allia, d'une
façon à la fois inconsciente et profondément irrationnelle, la recherche
de l'unité au dualisme de la connaissance. Elle fit revivre le plus
périlleux et le plus déshonorant des illogismes.
Nous eûmes déjà, en des travaux antérieurs[1], l'occasion de relever
quelques traits déterminant cette antinomie fondamentale; celui-ci, par
exemple: que les tentatives de synthèse universelle dues aux efforts des
plus notables parmi les penseurs contemporains, les Kant, les Comte,
les Spencer, établissaient une objection écrasante contre leur
agnosticisme, formel ou latent. Nous ne jugeons que par contraste,
disions-nous à ce propos, et le noir ne se perçoit vraiment [p.VIII] noir
que s'il s'étale à côté du blanc. Ainsi du monisme qui, en tant que vérité
d'ordre particulier, psychologique, sert à dévoiler le vice caché des
méthodes générales du philosophe. On blesse les lois élémentaires de la
logique en accouplant la thèse qui affirme l'unité dernière des choses et
celle qui constate notre impuissance de scruter le fond immuable de la
nature. Et par surcroît, on s'expose aux dures représailles prévues par la
loi de l'identité des contraires. On tombe dans l'erreur qui consiste à
prendre la négation de l'unité, de la connaissance pure et abstraite,
l'incognoscible, pour quelque chose de distinct, de réellement séparé du
monde phénoménal.
Sous ce rapport, ajoutions-nous[2], les philosophies se groupent en
deux grandes classes. Dans l'une on trouve Démocrite, Giordano Bruno,
Spinoza, Leibnitz, Fichte, [p.IX] Hegel, Schopenhauer, Spencer, tous
les esprits assez audacieux pour s'imposer la tâche difficile de corriger
l'agnosticisme par le monisme, un excès de prudence par un excès de
témérité. Et dans l'autre viennent se ranger Socrate, Aristote, Bacon,
Descartes, Locke, Hume, Kant, Comte, tous les penseurs dont le
monisme, moins catégorique, moins affirmatif, s'accompagne, par suite,
d'un agnosticisme logiquement moins défectueux ou mieux motivé.
Dans cette double série nous choisissons aujourd'hui les termes ultimes;
et, remplissant une promesse contenue dans l'avant-propos de notre
dernier ouvrage, nous allons examiner les deux théories extrêmes où
versa, en son enquête sur l'unité du monde, la philosophie
contemporaine. Toutefois, il ne sera pas inutile, croyons-nous, de faire
précéder cette étude par un exposé sommaire de quelques vues
générales. Elles visent les relations qui s'observent [p.X] entre
l'agnosticisme et l'_expérience_; l'un, principal apport du passé
religieux, apport qui semble vouloir s'arroger, dans la production
philosophique de nos jours, le rôle inhibitoire et misonéiste joué, dans
un autre ordre d'activité, par le Capital; l'autre qui, comme nous
tâcherons de le prouver, se confond intimement avec la poursuite
monistique et figure assez bien, dans l'antinomie conceptuelle
prétendue insoluble,
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