Au pays des lys noirs | Page 2

Adolphe Retté
la V��rit�� unique.
Apr��s, je reviendrai panser mes blessures et louer la Dame de Bon- Conseil sous vos ombrages, beaux arbres, dont les frondaisons s'��panouissent dans la lumi��re et figurent les gestes d'esp��rance d'une ame qui cherche �� conqu��rir son salut ��ternel...
Fontainebleau, septembre 1912.
CHAPITRE PREMIER AU PAYS DES LYS NOIRS
Il y a quelque vingt ans, une brise charg��e d'occultisme souffla sur la litt��rature. C'��tait l'��poque o�� les symbolistes inauguraient une r��action contre le mat��rialisme pesant dont Zola, ses ��mules et ses disciples pavaient leurs livres et leurs manifestes. Chez eux l'on ne parlait que de documents humains et de tranches de vie. On niait l'ame, on bafouait tout spiritualisme. On d��finissait l'homme: une f��d��ration de cellules agglom��r��es par le hasard, mue exclusivement par ses instincts et ses app��tits, secou��e par des n��vroses, courb��e sous les lois implacables d'un d��terminisme sans commencement ni fin. Flottant sur le tout, un noir pessimisme qui disait volontiers: -- La vie est une souffrance entre deux n��ants.
Sous couleur d'��tudes de moeurs, qu'il s'agit de peindre la bourgeoisie ou le monde des arts, les ouvriers ou les paysans, on n'alignait que des sp��cimens de t��ratologie sociale: des pourceaux et des ivrognes, des souteneurs et des aigrefins, des demi-fous sanguinaires et des bandits, des femmes d��traqu��es ou mollement stupides, des pr��tres sentimentaux et sacril��ges. Bref, un Guignol sinistre o�� se d��menaient des marionnettes impulsives dont la Nature aveugle tirait les ficelles, en des d��cors de villes et de campagnes barbouill��s d'un balai fangeux. Puis, quelles interminables descriptions! Et quels inventaires de marchands de bric-��-brac de qui le cerveau se f��la pour avoir absorb�� trop de manuels de vulgarisation scientifique!
Pour tirer l'art de ce cloaque, maints po��tes firent de loyaux efforts. Ils se proclam��rent id��alistes, affirm��rent l'ame et ses tendances �� une beaut�� sup��rieure. Ils oppos��rent, en leurs strophes, des tableaux de l��gende stylis��s aux photographies malpropres du naturalisme.
Malheureusement, ils tomb��rent dans l'exc��s contraire. Tout sens du r��el se perdit; ce ne furent plus que chevaliers myst��rieux pourfendant des licornes et des guivres dans des paysages irr��els, princesses hi��ratiques, psalmodiant des ��nigmes du haut d'une tour ou promenant, avec langueur, des troubles m��lancolies dans des parcs aux floraisons de chim��re. Les paons et les cygnes, promus au rang d'animaux distingu��s, pullul��rent dans les po��mes. Il se fit une effrayante consommation du mot songe et du mot myst��re.
Ce moyen age de pacotille n'aurait pas tir�� beaucoup �� cons��quence: c'��tait une mode litt��raire comme il y en eut tant d'autres, en faveur aujourd'hui, oubli��e demain. Mais le mouvement ne tarda pas �� d��vier d'une fa?on plus grave.
Les th��ories anarchistes, pr��conisant l'individualisme �� outrance, firent invasion dans la litt��rature. Elles se m��l��rent �� la religiosit�� vague, qui sollicitait un grand nombre d'esprits pour produire les plus singuliers r��sultats. On s'��cria d'abord: -- plus de r��gles astreignantes, plus de prosodie traditionnelle entravant l'inspiration; que chacun se forge son instrument d'apr��s le g��nie latent qui bouillonne en lui.
On ajouta bient?t: -- plus de lois, plus de soumission aux pr��jug��s sociaux; que le Moi s'affirme sans limites, que le culte de la Beaut�� soit notre seul objectif, et nous deviendrons pareils �� des dieux!
En m��me temps, on se d��clarait catholique -- mais d'un catholicisme sp��cial qui d��daignait, comme vulgaires, les pr��ceptes de l'��vangile, la fr��quentation des sacrements et la pratique des vertus chr��tiennes. On rechercha dans les c��r��monies du culte des ��motions d'ordre purement esth��tique. On frelata de sensualit�� morbide la pri��re et les rites. Tel qui mit en vers les litanies de la Vierge offrit, quelques pages plus loin, des stances luxurieuses �� l'Anadyom��ne. Tel autre ��crivit, de la m��me encre, le pan��gyrique de saint Fran?ois d'Assises et celui de Ravachol. Une Bradamante du socialisme publia de soi-disant ?pages mystiques? o�� J��sus ��tait exalt�� comme le pr��curseur de ces Slavo- Mongols d��lirants: Bakounine et Tolsto?. M. Jos��phin P��ladan fonda la Rose-Croix esth��tique et poursuivit la cr��ation d'un ordre de Mages qui devaient prendre place, dans la hi��rarchie de l'��glise, au-dessus du clerg��. Les pr��tres ne seraient plus que des fonctionnaires pr��pos��s �� la distribution des sacrements. Les Mages promulgueraient, pour les initi��s, les sens ��sot��rique, et sup��rieur selon la Gnose, des enseignements de l'��glise.
Plus tard, �� la suite des m��saventures qui ne nous regardent pas, M. P��ladan ��crivit au Pape pour le sommer, au nom du Beaus��ant, de sanctionner le divorce. Rome ne r��pondit pas -- comme on pouvait s'y attendre. Et le Sar-Mage sortit de l'��glise en faisant claquer la porte.
Chez les catholiques quelques-uns esp��raient que, peut-��tre, un renouveau religieux na?trait de ces divagations vari��es. Il n'en fut rien. Seulement, une phras��ologie h��t��roclite r��gna dans les livres et dans les discours. De bons jeunes gens -- M. Henry B��renger, qui depuis... en ��tait -- projet��rent d'instaurer un christianisme anodin et lib��ratre o��, pourvu que l'��glise se t?nt au second plan, on lui fournirait
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