ou trois autres rencontres subséquentes.
Il n'y avait plus aucune nécessité pour M. de Courval d'envoyer chercher Paul, car maintenant celui-ci avait toujours quelque message à apporter au Manoir, ou quelque question à faire au seigneur. Il n'y avait pas, non plus, d'obstacles sur sa route, car madame Lubois et son mari étaient retournés à Montréal, laissant à Alonville les enfants et leur gouvernante, à la demande bienveillante que leur en avait faite M. de Courval dont la vieille intendante, respectable matrone qui occupait dans sa maison un emploi supérieur à celui de domestique, était là pour satisfaire les convenances.
Un br?lante après-midi que Paul s'acheminait vers le Manoir, pensant peu au message ostensible dont il était chargé, mais beaucoup à Geneviève Audet, il aper?ut celle-ci assise avec ses élèves sous de grands pins, un peu en dehors du chemin qui conduisait directement à la maison; et il se dirigea vers eux. Ses allures étaient lentes, le vert et soyeux gazon ne rendait aucun écho sous ses pas, de sort que la petit groupe qui était sous les arbres ne put soup?onner aucunement son approche. Il est probable que, s'il en e?t été autrement, la scène dont il fut témoin e?t re?u quelque modification en son développant. La gouvernante, pale et triste, était assise sur un petit tabouret de jardin, tenant entre ses mains un livre à demi-fermé. Son plus jeune élève était à c?té d'elle, manifestant, par le rire et les regards, sa haute approbation de la conduite rebelle de son a?né qui se tenait mena?ant devant la gouvernante et informait celle-ci qu'il n'apprendrait plus rien d'elle, parce que sa mère avait souvent dit qu'elle était incapable de les instruire, qu'elle ne savait comment diriger ou élever les enfants.
Avec une merveilleuse douceur la jeune fille répondait que, lors même que madame Lubois aurait dit cela, il devait apprendre d'elle et lui obéir jusqu'à ce que sa mère se f?t procuré une autre gouvernante, et que le devoir la for?ait d'insister pour qu'il apprit ses le?ons dans lesquelles il était arriéré.
--C'est votre faute! criait le petit rebelle. Maman dit que nous n'apprendrons jamais rien tant que nous n'aurons pas de précepteur et qu'elle va nous en amener un demain; seulement, elle ne sait que faire de vous. Personne ne vous mariera, car vous n'avez pas de dot.
Paul était d'une tolérance excessive pour les espiègleries des enfants. Peu de prairies étaient aussi envahies que les siennes par les petits voleurs de fraises et peu de pruniers aussi impunément dépouillés de leurs fruits, et souvent ses voisins le prenaient à partie parce que sa trop grande indulgence avait un effet démoralisateur sur la jeunesse du village; mais à toutes ces remontrances il répondait qu'ils ne devaient pas oublier qu'ils avaient été enfants, eux aussi. Cependant, cette fois, il ferma ses mains avec violence pendant qu'une interjection qu'il vaut mieux ne pas répéter ici s'échappa de ses lèvres. Craignant de perdre possession de lui-même et sachant qu'une intervention de sa part dans la présente affaire serait très préjudiciable à mademoiselle Audet elle-même, il tourna brusquement dans une épaisse allée de sapins; arrivé au milieu, il se jeta tout de son long sur la pelouse, et prenant son mouchoir, il s'en essuya le front. Il paraissait vivement agité; mais Paul Durand ne se laissait jamais aller au soliloque, de sort qu'après une demi-heure de réflexion profonde, il se leva et revint lentement à l'endroit où il avait laissé Geneviève.
Elle y était encore, les yeux attentivement fixés vers la terre, et un air plus fatigué, plus languissant encore que d'habitude répandu sur ses petits traits réguliers. Les voix per?antes des enfants engagés dans un jeu turbulent retentissaient tout près de là; mais elle ne paraissait pas les entendre, non plus que Durand, car il l'aborda doucement. Il fut obligé de répéter sa salutation d'une voix un peu plus haute; cette fois, elle leva la tête.
--Je présume, dit-il alors, que je ne dois pas demander à mademoiselle Audet ce à quoi elle songeait? ses pensées paraissaient être bien loin d'ici?
--Oui, elles étaient en France.
--Oh! sans doute, c'est parce que mademoiselle Geneviève y a beaucoup d'amis qu'elle aime tendrement?
--Non, répondit-elle avec douceur, je n'en ai plus maintenant.
Il n'y avait rien de sentimental ni d'affecté dans le calme accent dont elle faisait cette réponse, et Paul se mit à la considérer en silence. Les rayons dorés du soleil, per?ant à travers les branches des arbres, illuminaient son visage ovale et délicat, ses grands yeux empreints de douceur, et quoique de sa vie il n'eut jamais lu de romans, il sentit le charme magique de la scène et de la situation aussi vivement que s'il eut parcouru une demi-douzaine de volumes par semaine.
Son examen fut long et minutieux, enveloppant chaque trait, chaque détail, même les petits doigts effilés qui retournaient machinalement
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