un
caractère aimable. J'espère que le pèlerinage à l'étang s'est accompli
heureusement.
Je t'attends; puisque tu es heureux, arrive en chantant.
Il me tarde de t'embrasser.
Mina.
(Charles de Montbrun à Maurice Darville)
Je n'ai pas perdu mon temps depuis votre départ, et il n'y a pas une
personne en état de rendre compte de vous que je n'aie fait parler.
Vous êtes à peu près ce que vous devriez être; je l'ai constaté avec
bonheur, et comme on ne peut guère exiger davantage de l'humaine
nature, j'ai laissé ma fille parfaitement libre de vous accepter. Elle n'a
pas refusé, mais elle déclare qu'elle ne consentira jamais à se séparer de
moi. Faites vos réflexions, mon cher, et voyez si vous avez quelque
objection à m'épouser.
Vous dites qu'en vous donnant ma fille, je gagnerai un fils et ne la
perdrai pas. Je vous avoue que je pense un peu différemment, mais je
serais bien égoïste si j'oubliais son avenir pour le bonheur de la garder
toute à moi.
Vous en êtes amoureux, Maurice, ce qui ne veut pas dire que vous
puissiez comprendre ce qu'elle m'est, ce qu'elle m'a été depuis le jour si
triste, où revenant chez moi, après les funérailles de ma femme, je pris
dans mes, bras ma pauvre petite orpheline, qui demandait sa mère en
pleurant. Vous le savez, je ne me suis déchargé sur personne du soin de
son éducation. Je croyais que nul n'y mettrait autant de sollicitude,
autant d'amour. Je voulais qu'elle fût la fille de mon âme comme de
mon sang, et qui pourrait dire jusqu'à quel point cette double parenté
nous attache l'un à l'autre?
Vous ne l'ignorez pas, d'ordinaire on aime ses enfants plus qu'on n'en
est aimé. Mais d'Angéline à moi il y a parfait retour, et son attachement
sans bornes, sa passionnée tendresse me rendrait le plus heureux des
hommes, si je pensais moins souvent à ce qu'elle souffrira en me
voyant mourir.
J'ai à peine quarante-deux ans; de ma vie, je n'ai été malade. Pourtant
cette pensée me tourmente. Il faut qu'elle ait d'autres devoirs, d'autres
affections, je le comprends. Maurice, prenez ma place dans son coeur,
et Dieu veuille que ma mort ne lui soit pas l'inconsolable douleur.
Dans ce qui m'a été dit sur votre compte, une chose surtout m'a fait
plaisir: c'est l'unanime témoignage qu'on rend à votre franchise.
Ceci me rappelle que l'an dernier, un de vos anciens maîtres me disait,
en parlant de vous: «Je crois que ce garçon-là ne mentirait pas pour
sauver sa vie.» À ce propos, il raconta certains traits de votre temps
d'écolier qui prouvent un respect admirable pour la vérité. «Alors, dit
quelqu'un, pourquoi veut-il être avocat?» Et il assura avoir fait un
avocat de son pupille, parce qu'il avait toujours été un petit menteur.
Glissons sur cette marque de vocation. Votre père était l'homme le plus
loyal, le plus vrai que j'aie connu, et je suis heureux qu'il vous ait passé
une qualité si noble et si belle. J'espère que toujours vous serez, comme
lui, un homme d'honneur dans la magnifique étendue du mot.
Mon cher Maurice, vous savez quel intérêt je vous ai toujours porté,
surtout depuis que vous êtes orphelin. Naturellement, cet intérêt se
double depuis que je vois en vous le futur mari de ma fille. Mais avant
d'aller plus loin, j'attendrai de savoir si vous acceptez nos conditions.
C. de Montbrun.
(Maurice Darville à Charles de Montbrun)
Monsieur,
Je n'essaierai pas de vous remercier. Sans cesse, je relis votre lettre
pour me convaincre de mon bonheur.
Mademoiselle votre fille peut-elle croire que je veuille la séparer de
vous? Non, mille fois non, je ne veux pas la faire souffrir. D'ailleurs,
sans flatterie aucune, votre compagnie m'est délicieuse.
Et pourquoi, s'il vous plaît, ne serais-je pas vraiment un fils pour vous?
Je l'avoue humblement, je me suis parfois surpris à être jaloux de vous;
je trouvais qu'elle vous aimait trop. Mais maintenant je ne demande
qu'à m'associer à son culte; il faudra bien que vous finissiez par nous
confondre un peu dans votre coeur.
Vous dites, Monsieur, que mon père était l'homme le plus loyal, le plus
franc que vous ayez connu. J'en suis heureux et j'en suis fier. Si j'ai le
bonheur de lui ressembler en cela, c'est bien à lui que je le dois.
Je me rappelle parfaitement son mépris pour tout mensonge, et je puis
vous affirmer que sa main tendrement sévère le punissait fort bien.
«Celui qui se souille d'un mensonge, me disait-il alors, toutes les eaux
de la terre ne le laveront jamais.»
Cette parole me frappait beaucoup, et faisait rêver mon jeune esprit,
quand je m'arrêtais à regarder le Saint-Laurent.
Je vous en prie, prenez la direction de toute ma vie, et veuillez faire
agréer à
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