d'ami plus utile. Il le retrouva donc avec plaisir, et, confi�� par son p��re �� ce gouverneur de nouvelle esp��ce, il se laissa conduire partout o�� le caprice de Joseph voulut le promener.
Celui-ci commen?a par d��cr��ter que, vivant seul, Andr�� ne pouvait ��tre amoureux. Andr�� garda le silence. Joseph reprit en d��cidant qu'il fallait qu'Andr�� dev?nt amoureux. Andr�� sourit d'un air m��lancolique. Joseph conclut en affirmant que parmi les demoiselles de la ville il n'y en avait pas une qui e?t le sens commun; que ces pr��cieuses ��taient propres �� donner le spleen plut?t qu'�� l'?ter; qu'il n'y avait au monde qu'une esp��ce de femmes aimables, �� savoir, les grisettes, et qu'il fallait que son ami apprit �� les conna?tre et �� les appr��cier, ce �� quoi Andr�� se r��signa machinalement.
III.
Les romanciers allemands parlent d'une petite ville de leur patrie o�� la beaut�� semble s'��tre exclusivement log��e dans la classe des jeunes ouvri��res. Quiconque a pass�� vingt-quatre heures dans la petite ville de L...., en France, peut attester la rare gentillesse et la coquetterie sans pareille de ses grisettes. Jamais nid de fauvettes babillardes ne mit au jour de plus riches couv��es d'oisillons espi��gles et jaseurs; jamais souffle du printemps ne joua dans les pr��s avec plus de fleurettes brillantes et l��g��res. La ville de L.... s'enorgueillit �� bon droit de l'��clat de ses filles, et de plus de vingt lieues �� la ronde les galants de tous les ��tages viennent risquer leur esprit et leurs pr��tentions dans ces bals d'artisans o��, chaque dimanche, plus de deux cents petites comm��res ��talent sous les quinquets leurs robes blanches, leurs tabliers de soie noire et leur visage couleur de rose.
Comment la toilette des dames de la ville suffit �� faire travailler et vivre toutes ces fillettes, c'est ce qu'on ne saurait gu��re expliquer sans avouer que ces dames aiment beaucoup la toilette, et qu'elles ont bien raison.
Quoi qu'il en soit, les m��chants et les m��chantes vont s'��tonnant du grand nombre d'artisanes (c'est un mot du pays que je demande la permission d'employer) qui r��ussissent �� vivre dans une aussi petite ville; mais les gens de bien ne s'en ��tonnent pas: ils comprennent que cette ville privil��gi��e est pour la grisette un th��atre de gloire qu'elle doit pr��f��rer �� tout autre s��jour; ils savent en outre que la jeunesse et la sant�� s'alimentent sobrement et peuvent briller sous les plus modestes atours.
Ce qu'il y a de certain, c'est que nulle part peut-��tre en France la beaut�� n'a plus de droits et de franchises que dans ce petit royaume, et que nulle part ses privil��ges ne d��g��n��rent moins en abus. L'ind��pendance et la sinc��rit�� dominent comme une loi g��n��rale dans les divers caract��res de ces jeunes filles. Fi��res de leur beaut��, elles exercent une puissance r��elle dans leur Yvetot, et cette esp��ce de ligue contre l'influence f��minine des autres classes ��tablit entre elles un esprit de corps assez estimable et fertile en bons proc��d��s.
Par exemple, si le secret de leurs fautes n'est pas toujours assez bien gard�� pour ne pas faire le tour de la ville en une heure, du moins y a-t-il une barri��re que ce secret ne franchit pas ais��ment. L�� o�� cesse l'apostolat de l'artisanerie cesse le droit d'avoir part au petit plaisir du scandale. Ainsi l'aventure d'une grisette peut ��gayer ou attendrir longtemps la foule de ses pareilles avant d'��tre livr��e au d��daigneux sourire des bas-bleus de l'endroit ou aux graveleux quolibets des villageoises d'alentour.
Ces aventures ne sont pas rares dans une ville o�� une seule classe de femmes m��rite assez d'hommages pour accaparer ceux de toutes les classes d'hommes: aussi voit-on rarement une belle artisane ��tre farouche au point de manquer de cavalier servant. Tant de s��v��rit�� serait presque ridicule dans un pays o�� la galanterie n'a pas encore mis �� la porte toute na?vet�� de sentiment, et o�� l'on voit plus d'une amourette s'��lever jusqu'�� la passion. Ainsi une jeune fille y peut, sans se compromettre, agr��er les soins d'un homme libre et ne pas d��sesp��rer de l'amener au mariage; si elle manque son but, ce qui arrive souvent, elle peut esp��rer de mieux r��ussir avec un second adorateur, et m��me avec un troisi��me, si sa beaut�� ne s'est pas trop fl��trie dans l'attente illimit��e du noeud conjugal.
A part donc les vertus aust��res qui se rencontrent l�� comme partout en petit nombre, les jeunes ouvri��res de L... sont g��n��ralement pourvues chacune d'un favori choisi entre dix, et fort envi�� de ses concurrents. On peut comparer cette esp��ce de mariage expectatif au sigisb��isme italien. Tout s'y passe loyalement, et le public n'a pas le droit de gloser tant qu'un des deux amants ne s'est pas rendu coupable d'infid��lit�� ou entach�� de ridicule.
Il faut dire �� la louange de ces grisettes qu'aucune ne fait fortune par l'intrigue, et qu'elles semblent
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