beaucoup trop rapprochées de Paris, tête et coeur de la France. Nous éprouvons le besoin irréductible de les rectifier, de les fermer, de les tracer loin de la capitale. Depuis quelque cent ans, guère plus, l'invasion allemande, accompagnée des pires horreurs, a débordé six fois sur notre malheureuse patrie, en 1792, 1793, 1814, 1815, 1870, 1914. Pourquoi? Parce que nous sommes hors d'état de protéger nos marches trop vulnérables du Nord-Est. Nous ne possédons pas nos limites normales, établies par la nature elle-même. Au contraire, l'ennemi tient les clefs de notre maison où il pénètre ainsi de prime abord. Une grande bataille par nous perdue, et voilà les armées qui, sans obstacle, foncent sur Paris. Situation vraiment douloureuse et effroyable! Ne sommes-nous pas irréprochables de tout point, si, pour la changer, nous utilisons l'occasion propice?
?Avec le vicomte de Bonald, nous jugeons que sans le Rhin? la France n'est pas finie et ne saurait être stable. Comme Vauban l'affirmait à Louis XIV, il faut, par une configuration régulière, rendre à l'avenir notre pré carré[1].?
M. Savarit écrit: ?La capitale, trop rapprochée d'une frontière faible, reste à la merci ?des convoitises éternelles des Germains?, à la merci d'un coup de main audacieux et brutal paralysant sa légitime défense, comme celui que nous venons de voir échouer...
?L'ennemi qui tient Paris, s'il est assez féroce pour le piller et même le détruire--et l'on conna?t la fureur teutonique!--tient la France à sa merci. Le monde même est intéressé, à cause des admirables monuments de Paris, de ses incomparables collections d'art et d'histoire, de toutes ses beautés qui sont le patrimoine commun de l'humanité, à la sécurité de la Grand'Ville.
?Or, cette sécurité ne peut être garantie, surtout du c?té des Barbares, que par une frontière suffisamment éloignée, une frontière naturellement forte se prêtant à des travaux de défense efficaces[2].?
[Note 1: _Après la guerre. Les Allemagnes, la France, la Belgique et la Hollande_, par J. DONTENVILLE, page 31.--Floury, éditeur, Paris, I, boulevard des Capucines: fr. 60.]
[Note 2: La Frontière du Rhin, par C.-M. SAVARIT, p. 32.--Floury, éditeur.]
* * * * *
Intérêt d'ordre économique.
Il nous est impossible de ne pas tenir compte de l'accroissement de prospérité matérielle qui découlerait de notre mainmise sur ces opulentes contrées.
L'arrondissement de Briey possède une immense réserve de minerais phosphoreux de fer. Mais c'est vers 1880 seulement que la science a découvert le moyen de les utiliser pour la fabrication de l'acier. Les Allemands regrettèrent alors amèrement de n'avoir pas annexé dix ans plus t?t cette prodigieuse richesse, et l'on sait avec quelle activité fiévreuse ils l'exploitent depuis le commencement de la guerre; ils y ont fait, dit-on, des travaux gigantesques, des tunnels, des voies ferrées qui ont apporté à nos mines une plus-value considérable.
En 1912, l'Allemagne produisait vingt-sept millions de tonnes de minerai de fer dont vingt provenaient de la Lorraine annexée. Elle en demandait en outre onze millions à l'étranger. Or, ces onze millions sont à peu près le produit annuel du bassin de Briey. Donc, en s'emparant de ce bassin, comme elle y est fermement résolue, si elle est victorieuse, elle trouverait chez elle les trente-huit à quarante millions de fer dont elle a besoin pour sa formidable consommation.
La même année, la France produisait dix-neuf millions de fer, dont quatorze provenaient de la Meurthe-et-Moselle. En reprenant aux Allemands la partie de la Lorraine qu'ils lui ont volée, elle augmentera sa production de vingt millions, ce qui fera d'elle une des premières puissances métallurgiques du monde, sinon la première de toutes. Par là même, avantage non moins précieux, elle appauvrira singulièrement sa rivale.
Mais pour que cette immense réserve de fer nous donne tout le rendement que nous sommes en droit d'en attendre, il nous faudrait avoir sur place une quantité suffisante de charbon. Or, nous ne l'avions pas en Lorraine fran?aise et nous étions obligés de faire venir le combustible de loin à grands frais.
Heureusement, il y a, à peu de distance, dans la Lorraine annexée, un bassin houiller d'une énorme puissance qui semble placé là tout exprès pour continuer et compléter notre bassin métallurgique. C'est la vallée de la Sarre, qui nous a appartenu, et que nous devons d'autant plus revendiquer que sa richesse jadis ignorée nous appara?t aujourd'hui aussi inépuisable qu'indispensable à notre industrie. Le bassin de Sarrebruck ajouté à celui de Briey décuplera la puissance métallurgique de la France.
L'Allemagne produisait en 1912 cent soixante-dix-sept millions de tonnes de houille, dont seize millions provenaient du bassin de la Sarre. La France n'en trouvait dans ses mines que quarante et un millions dont vingt-huit dans le Nord et le Pas-de-Calais. Son déficit, qu'elle comblait par une co?teuse importation, était d'environ seize millions, c'est-à-dire l'équivalent de la production du bassin de Sarrebruck, d'où il suit que, en reprenant ce bassin qui lui a été volé, elle trouverait chez elle tout ce qui
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