Aline et Valcour, tome I | Page 9

D.A.F. de Sade
qui lui semblait fait pour la l��gitimer, Ad��la?de c��da, et j'osai la rendre coupable, ne voulant que la trouver sensible.
Six mois se pass��rent dans cette illusion, sans que nos plaisirs eussent alt��r�� notre amour; dans l'ivresse de nos transports, un moment m��me nous voul?mes fuir; incertains de la libert�� de former nos cha?nes, nous voul?mes aller les serrer ensemble au bout de l'univers ... la raison triompha; je d��terminai Ad��la?de, et d��s ce moment fatal il ��tait clair, que je l'aimais moins.
Ad��la?de avait un fr��re capitaine d'infanterie que nous esp��rions mettre dans nos int��r��ts ... on l'attendait, il ne vint point. Le r��giment partit; nous nous f?mes nos adieux, des flots de larmes coul��rent; Ad��la?de me rappela mes sermens, je les renouvelai dans ses bras ... et nous nous s��parames.
Mon p��re m'appela cet hiver �� Paris, j'y volai: il s'agissait d'un mariage; sa sant�� chancelait; il d��sirait me voir ��tabli avant de fermer les yeux; ce projet, les plaisirs, que vous dirai-je enfin! cette force irr��sistible de la main du sort qui nous porte toujours malgr�� nous o�� ses loix veulent que nous soyons; tout effa?a peu-��-peu Ad��la?de de mon coeur. Je parlai pourtant de cet arrangement �� ma famille; l'honneur m'y engageait, je le fis, mais les refus de mon p��re l��gitim��rent bient?t mon inconstance; mon coeur ne me fournit aucune objection; et je c��dai, sans combattre, en ��touffant tous mes remords. Ad��la?de ne fut pas long-temps �� l'apprendre.... Il est difficile d'exprimer son chagrin; sa sensibilit��, sa grandeur, son innocence, son amour, tous ces sentimens qui venaient de faire mes d��lices, arrivaient �� moi en traits de flamme, sans qu'aucun parv?nt �� mon coeur.
Deux ans se pass��rent ainsi fil��s pour moi par les mains des plaisirs; et marqu��s pour Ad��la?de par le repentir et le d��sespoir.
Elle m'��crivit un jour, qu'elle me demandait pour unique faveur de lui assurer une place aux carm��lites; de lui mander aussi-t?t que j'aurais r��ussi; qu'elle s'��chapperait de la maison de son p��re, et viendrait s'ensevelir toute vivante dans ce cercueil qu'elle me priait de lui pr��parer.
Parfaitement calme alors, j'osai r��pondre quelques plaisanteries �� cet affreux projet de la douleur, et rompant enfin toutes mesures, j'exhortai Ad��la?de �� oublier dans le sein de l'hymen les d��lires de l'amour.
Ad��la?de ne m'��crivit plus. Mais j'appris trois mois apr��s qu'elle ��tait mari��e; et d��gag�� par-l�� de tous mes liens, je ne songeai plus qu'�� l'imiter.
Un ��v��nement terrible pour moi vint d��ranger tous mes projets; il sembloit que le ciel voul?t d��j�� venger Ad��la?de des malheurs o�� je l'avais plong��e. Mon p��re mourut, ma m��re le suivit de pr��s, et je me vis �� vingt-cinq ans seul abandonn�� dans le monde �� tous les malheurs, �� tous les accidens qui suivent ordinairement un jeune homme de mon caract��re; que de faux amis perdent, que l'exp��rience n'��claire pas encore, et qui, pour comble d'aveuglement, ose trop souvent prendre pour un bonheur l'��v��nement qui le rend ma?tre de lui, sans r��fl��chir, h��las! que les m��mes freins qui le captivaient, servaient aussi �� le soutenir, et qu'il n'est plus, d��s qu'ils se brisent, que comme ces plantes l��g��res, d��gag��es par la chute du peuplier antique qui prot��geait leurs jeunes ��lans, et qui bient?t expirent elles-m��mes faute de soutiens. Non-seulement je perdais des parens chers et pr��cieux; non-seulement je n'avais plus d'appui sur la terre, mais tout s'��clipsait, tout s'an��antissait avec eux; cette vaine gloire qui m'avait s��duit ne devint plus qu'une ombre qui s'��vanouit avec les rayons qui la modifiaient. Les adulateurs fuirent, les places se donn��rent, les protections se perdirent, la v��rit�� d��chira le voile qu'��tendait la main de l'erreur sur le miroir de la vie, et je m'y vis enfin tel que j'��tais.
Je ne sentis pas pourtant tout-��-coup mes pertes, il fallait l'affreuse catastrophe qui m'attendait pour m'en convaincre. Aline, Aline, permettez que mes larmes coulent encore sur les cendres de ces parens ch��ris; puissent mes regrets ��ternels les venger de cette voix funeste et involontaire, qui osa crier au fond de mon ame, _que regrettes-tu, tu es libre?_ Oh, juste ciel! qui put l'inspirer cette voix barbare, quel est donc le sentiment cruel et faux qui l'a fait na?tre? O�� trouve-t-on des amis dans le monde qui puissent nous tenir lieu d'un p��re et d'une m��re? quels gens prendront �� nous un int��r��t plus r��el et plus vif? Qui nous excusera? qui nous conseillera? qui tiendra le fil, dans ce d��dale obscur o�� nous entra?nent les passions? Quelques flatteurs nous ��gareront; de faux amis nous tromperont. Nous ne trouverons sous nos pas que des pi��ges, et nulle main secourable ne nous emp��chera d'y tomber.
Il ��tait essentiel d'aller mettre un peu d'ordre dans les biens de mon p��re, tr��s-loin de son s��jour, tr��s-diminu��s par les d��penses o�� l'avaient entra?n�� les ann��es qu'il avait pass��es dans les n��gociations; mon int��r��t
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