Aline et Valcour, tome I | Page 3

D.A.F. de Sade
de rose, et d��finitivement nous arriva par la t��te. Ce choc inattendu, cet ��branlement subit des masses, avait un peu d��rang�� les attraits factices; la cravate vola d'un c?t��, la perruque de l'autre, et le malheureux ainsi r��pandu et d��garni, excita dans ma folle Eug��nie une attaque de rire �� tel point spasmodique, qu'on fut oblig�� de l'emporter dans un cabinet voisin o�� je crus qu'elle s'��vanouirait.... Aline se contint; le Pr��sident se facha; M. de Blamont se mordait les l��vres pour ne pas ��clater, et se confondait en marques d'int��r��t.... Deux laquais ramasserent le petit homme qui, semblable �� une tortue retourn��e, ne pouvait plus reprendre l'��lasticit�� n��cessaire �� se r��tablir sur son plat. On le rembo?ta dans sa perruque; la cravate fut artistement renou��e; Eug��nie reparut, et l'annonce du souper vint heureusement tout remettre en ordre, en obligeant chacun �� ne plus s'occuper que d'une m��me id��e.
Les politesses marqu��es du Pr��sident au petit homme, l'assurance ult��rieure que je re?us, qu'il avait cent mille ��cus de rente, ce que j'aurais pari�� sur sa figure; la contrainte d'Aline, l'air souffrant de madame de Blamont, les efforts qu'elle faisait pour dissiper sa chere fille, pour emp��cher qu'on ne s'aper??t de la g��ne dans laquelle elle ��tait; tout me convainquit que ce malheureux traitant ��tait ton rival, et rival d'autant plus �� craindre, qu'il me parut que le Pr��sident en ��tait engou��.
O mon ami, quel assemblage!... Unir �� un mortel si prodigieusement ridicule, une jeune fille de dix-neuf ans, faite comme les Graces, fra?che comme H��b��, et plus belle que Flore! A la stupidit�� m��me oser sacrifier l'esprit le plus tendre et le plus agr��able; adapter �� un volume ��pais de matiere l'ame la plus d��li��e* et la plus sensible; joindre �� l'inactivit�� la plus lourde, un ��tre p��tri de talens, quel attentat, Valcour!... Oh non, non ... ou la Providence est insensible, ou elle ne le permettra jamais.... Eug��nie devint sombre si-t?t qu'elle soup?onna le forfait. Folle, ��tourdie, un peu m��chante m��me, mais pr��te �� donner son sang �� l'amiti��, elle passa rapidement de la joie �� la plus extr��me col��re, d��s que je lui eus fait part de mes soup?ons.... Elle regarda son amie, et des larmes coul��rent sur ces joues de roses que venait d'��panouir la ga?t��. Elle engagea sa m��re �� se retirer de bonne heure; elle n'y pouvait tenir, et si ce forfait ��tait r��el, il n'y avait rien, disait-elle en frappant des pieds, qu'elle ne fit pour l'emp��cher. Mais Aline s'obstinait au silence ... madame de Blamont ne faisait que soupirer quand je l'interrogeais; et nous nous retirames.
Voil��, mon cher Valcour, l'��tat dans lequel j'ai laiss�� les choses; tu dois �� ma sinc��re amiti�� de m'instruire de tout ce que tu peux savoir de plus; attends tout de la mienne, de celle d'Eug��nie, et sois convaincu que le bonheur qui s'apr��te pour nous, ne peut r��ellement ��tre parfait, tant que nous supposerons des obstacles �� celui d'Aline et au tien.
* * * * *
LETTRE SECONDE.
_Aline �� Valcour_.
6 Juin.
De quelles expressions me servir? Comment adoucirai-je le coup qu'il faut que je vous porte? Mes sens se troublent, ma raison m'abandonne, je n'existe plus que par le sentiment de ma douleur.... Pourquoi vous ai-je vu? pourquoi ces traits charmans ont-ils p��n��tr�� dans mon ame? Pourquoi m'avez-vous entra?n��e dans l'ab?me avec vous? H��las! que nos instans de bonheur ont ��t�� courts! Qui sait, grand Dieu! qui sait quelles sont les bornes de ceux qui doivent les suivre? Mon ami, il faut ne nous plus voir.... Le voil�� dit, ce mot cruel; j'ai pu le tracer sans mourir!... Imitez mon courage. Mon p��re a parl�� en ma?tre, il veut ��tre ob��i. Un parti se pr��sente, ce parti lui convient, cela suffit; ce n'est pas mon aveu qu'il demande, c'est son int��r��t qu'il consulte, et le sacrifice entier de tous mes sentimens doit ��tre fait �� ses caprices. N'accusez point ma m��re, il n'y a rien qu'elle n'ait dit, rien qu'elle n'ait fait, rien qu'elle n'imagine encore.... Vous savez comme elle aime sa fille, et vous n'ignorez pas non plus les sentimens de tendresse qu'elle ��prouve pour vous.... Nos larmes se sont m��l��es.... Le barbare les a vues, et n'en a point ��t�� attendri.... O mon ami! je crois que l'habitude de juger les autres, rend n��cessairement dur et cruel. ?C'est un parti convenable, madame, a-t-il dit en fureur �� ma m��re: je ne souffrirai point que ma fille le manque. d'Olbourg est mon ami depuis vingt-cinq ans, et il a cent mille ��cus de rente; toutes vos petites consid��rations peuvent-elles balancer un argument de cette force? Epouse-t-on par amour aujourd'hui?... C'est par int��r��t, ces seules lois doivent assortir les noeuds de l'hymen; h��, qu'importe de s'aimer, pourvu qu'on soit riche! L'amour donne-t-il de la consid��ration dans le monde? Non, en
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