Aline et Valcour, tome I | Page 2

D.A.F. de Sade
d��j�� le regret de ne l'avoir pas multipli��e d'avantage. Nous exhortons ceux qui n'auront pu s'en procurer des exemplaires �� prendre un peu de patience, la seconde ��dition est d��j�� sous nos presses.
Cependant nous aurons des critiques, des contradicteurs et des ennemis, nous n'en doutons pas;
_C'est un danger d'aimer les hommes,_ _C'est un tort de les ��clairer._
Tan pis pour ceux qui condamneront cet ouvrage, et qui ne sentiront pas dans quel esprit il a ��t�� fait: esclaves des pr��jug��s et de l'habitude, ils feront voir que rien n'agit en eux que l'opinion, et que le flambeau de la philosophie ne luira jamais �� leurs yeux.
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ESSENTIEL A LIRE.
_L'auteur croit devoir pr��venir qu'ayant c��d�� son manuscrit lorsqu'il sortit de la Bastille, il a ��t�� par ce moyen hors d'��tat de le retoucher; comment d'apr��s cet inconv��nient, l'ouvrage ��crit depuis sept ans, pourrait-il ��tre ��_ l'ordre du jour_? Il prie donc ses lecteurs de se reporter �� l'��poque o�� il a ��t�� compos��, et ils y trouveront alors des choses bien extraordinaires; il les invite ��galement �� ne le juger qu'apr��s l'avoir bien exactement lu d'un bout �� l'autre; ce n'est ni sur la phisionomie de tel ou tel personnage, ni sur tel ou tel syst��me isol��, qu on peut asseoir son opinion sur un livre de ce genre; l'homme impartial et juste ne prononcera jamais que sur l'ensemble._
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ALINE ET VALCOUR.
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LETTRE PREMI��RE.
_D��terville �� Valcour_.
Paris, 3 Juin 1778.
Nous soupames hier, Eug��nie et moi, chez ta divinit��, mon cher Valcour.... Que faisais-tu?... Est-ce jalousie?... Est-ce bouderie?... Est-ce crainte?... Ton absence fut pour nous une ��nigme, qu'Aline ne put ou ne voulut pas nous expliquer, et dont nous e?mes bien de la peine �� comprendre le mot. J'allais demander de tes nouvelles, quand deux grands yeux bleus respirant �� la fois l'amour et la d��cence, vinrent se fixer sur les miens, et m'avertir de feindre.... Je me tus; peu apr��s je m'approchai; je voulus demander raison du myst��re. Un soupir et un signe de t��te furent les seules r��ponses que j'obtins. Eug��nie ne fut pas plus heureuse; nous ne pressames plus; mais madame de Blamont soupira, et je l'entendis: c'est une m��re d��licieuse que cette femme, mon ami; je doute qu'il soit possible d'avoir plus d'esprit, une ame plus sensible, autant de graces, dans les mani��res, autant d'am��nit�� dans les moeurs. Il est bien rare qu'avec autant de connaissances, on soit en m��me-tems si aimable. J'ai presque toujours remarqu�� que les femmes instruites ont dans le monde une certaine rudesse, une sorte d'appr��t qui fait acheter cher le plaisir de leur soci��t��. Il semble qu'elles ne veuillent avoir de l'esprit que dans leur cabinet, ou que n'en trouvant jamais assez dans ceux qui les entourent, elles ne daignent pas s'abaisser, jusqu'�� montrer celui qu'elles poss��dent.
Mais combien est diff��rente de ce portrait l'adorable m��re de ton Aline! En v��rit��, je ne m'��tonnerais pas qu'une telle femme, quoi-qu'ag��e de trente-six ans, f?t encore de grandes passions.
Pour M. de Blamont, pour cet indigne ��poux d'une trop digne femme, il fut tranchant, syst��matique, et bourru comme s'il e?t si��g�� sur les fleurs de lys; il se d��cha?na contre la tol��rance, fit l'apologie de la torture, nous parla avec une sorte de jouissance d'un malheureux que ses confr��res et lui faisaient rouer le lendemain; nous assura que l'homme ��tait m��chant par nature, qu'il n'��tait rien qu'on ne d?t faire pour l'encha?ner; que la crainte ��tait le plus puissant ressort des monarchies, et qu'un tribunal charg�� de recevoir des d��lations, ��tait un chef-d'oeuvre de politique. Ensuite il nous entretint d'une terre qu'il venait d'acheter, de la sublimit�� de ses droits, et sur-tout du projet qu'il a d'y rassembler une m��nagerie, dont je te r��ponds bien qu'il sera la plus m��chante b��te.
Il arriva, quelques minutes avant de servir, une autre esp��ce d'individu court et quarr��, l'��chine orn��e d'un juste-au-corps de drap olive, sur lequel r��gnait, du haut en bas, une broderie large de huit pouces, dont le dessin me parut ��tre celui que Clovis avait sur son manteau royal. Ce petit homme poss��dait un fort grand pied affubl�� sur de hauts talons, au moyen desquels s'appuyaient deux jambes ��normes. En cherchant �� rencontrer sa taille, on ne trouvait qu'un ventre; d��sirait-on une id��e de sa t��te? on n'apercevait qu'une perruque et une cravate, du milieu desquelles s'��chappait, de tems �� autre, un fausset discordant qui laissait �� soup?onner si le gosier dont il ��manait, ��tait effectivement celui d'un humain, ou d'une vieille perruche. Ce ridicule mortel absolument conforme �� l'esquisse que j'en trace, se fit annoncer M. d'Olbourg. Un bouton de rose qu'Aline, au m��me instant, jetait �� Eug��nie, vint troubler malheureusement les loix de l'��quilibre que s'��tait impos��es le personnage, pour en d��duire sa r��v��rence d'entr��e. Il heurta le bouton
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