mon go?t.
ALDO.
C'est un go?t fort innocent.
TICKLE.
Et qui a le suffrage des dames, g��n��ralement. Avec les dames, Monsieur, comme avec les gens d'esprit, j'ai six pieds de haut, parce que sur ce terrain-l�� on se bat �� armes ��gales.
ALDO.
Et les armes sont courtoises. Vous pouvez compter, je ne dis pas sur mon esprit, mais sur ma courtoisie. Puis-je savoir ce qui me procure l'honneur de votre visite?
TICKLE.
Me permettez-vous d'��tre assis?
ALDO.
De tout mon coeur si vous ne me demandez pas de si��ge; car cet escabeau est le seul que je poss��de, et mon habitude n'est pas d'��couter debout ce que l'on vient me prier d'entendre.
TICKLE.
Je resterai de grand coeur sur cette table; il ne m'en faut pas davantage pour ��tre absolument �� votre hauteur.
ALDO.
J'en suis intimement persuad��. (Il s'assied; le nain se met �� califourchon sur la table, vis-��-vis de lui.)
TICKLE.
Mon cher monsieur, vous ��tes po?te?
ALDO.
Pas le moins du monde, Monsieur.
TICKLE.
Ah! vraiment! Je vous demande pardon; je vous prenais pour un certain Aldo... le rimeur, comme on dit dans la ville, et le barde, comme on dit �� la cour. Vous avez peut-��tre entendu parler de lui? C'est un jeune homme qui n'est pas sans talent.
ALDO.
Je vous demande pardon, Monsieur; c'est un homme qui n'a pas plus de talent que vous et moi.
TICKLE.
R��ellement? Eh bien, j'en suis fach�� pour lui. Je venais lui offrir mes petits services.
ALDO.
Il vous offre les siens ��galement; vous savez en quoi ils peuvent consister, puisque vous connaissez sa profession. Veuillez lui faire conna?tre la v?tre.
TICKLE.
Mais moi, vous voyez la mienne... je suis nain.
ALDO.
Et bouffon! Mais je ne vois pas jusqu'ici quels services Votre Seigneurie peut daigner offrir �� un mis��rable po?te.
TICKLE.
Monsieur, tout petit que je suis, j'ai de tr��s-larges poches �� mon pourpoint; c'est une fantaisie que j'ai, et, par suite d'une fantaisie analogue, les poches dont j'ai l'honneur de vous parler sont toujours pleines d'or.
ALDO.
C'est une fantaisie comme une autre, et qui n'a rien de neuf.
TICKLE.
La v?tre me parait plus us��e encore.
ALDO.
De quoi parlez-vous, Monsieur? de ma fantaisie ou de ma poche.
TICKLE.
Je parle de votre fantaisie, de votre poche, de votre bourse et de votre cr��dit. Croyez-moi, c'est une habitude de mauvais genre que de n'avoir pas le sou. Or donc, voulez-vous gagner de l'argent? vous en avez besoin.
ALDO.
Pas le moindre besoin, Monsieur, je vous jure.
TICKLE.
Vous ��tes trop modeste. Je connais votre position, le d��n?ment de mistress Meg, votre m��re, et son grand age. Je connais votre activit��, votre d��vouement, votre grandeur d'ame. Je vous offre un gain l��gitime... Vous comprenez? Je ne viens pas faire ici le grand seigneur; je viens vous proposer un ��change, un march�� qui ne peut qu'augmenter votre gloire et vous mettra �� m��me de secourir mistress Meg.
ALDO.
Voyons ce que c'est, Monsieur; voudriez-vous que je fisse monter une de vos jambes en flageolet, et me vendre l'autre pour en faire un porte-crayon?
TICKLE.
Je demande de vous quelque chose d'une moindre valeur que la plus ch��tive de mes jambes, je vous demande un petit drame de votre fa?on.
ALDO.
Pour qui, Monsieur? pour le th��atre de la reine?
TICKLE.
Pour moi, Monsieur.
ALDO.
Pour vous! et qu'en ferez-vous? vous n'aurez jamais la force de l'emporter!
TICKLE.
J'all��gerai mes poches d'une partie de l'or qui les charge, et je prendrai votre manuscrit �� la place.
ALDO.
Tr��s-bien; et puis?
TICKLE.
Et puis l'ouvrage m'appartiendra. Je le publierai, je le ferai jouer sur le th��atre de la reine.
ALDO.
Sous quel nom, je vous prie?
TICKLE.
Sous le nom agr��able de sir John Bucentor Tickle; c'est dans votre int��r��t que j'agirai ainsi et pour donner de la confiance au public. Si l'autorit�� de mon nom ne suffisait pas �� nous assurer sa bienveillance, en cas de chute, nous r��clamerions contre son injuste arr��t.
ALDO.
En lui livrant le nom du v��ritable auteur?
TICKLE.
C'est ainsi que cela se fait �� la cour.
ALDO.
Et la cour fait bien! Monsieur, je vous prie maintenant de me laisser travailler au drame que vous me faites l'honneur de me demander.
TICKLE.
Puis-je compter sur votre parole, Monsieur?
ALDO.
Je m'en flatte.
TICKLE.
Un mot de trait�� sera n��cessaire.
ALDO.
De tout mon coeur, j'en sais la r��daction. (Il ��crit.) Voulez-vous signer maintenant? moi, je signe.
TICKLE.
Permettez-moi d'en prendre connaissance. (Il lit.) ?Je m'engage, moi, Aldo de Malmor, dit le rimeur �� la ville et le barde �� la cour, �� jeter par les fen��tres le tr��s-illustre seigneur John Bucentor Tickle, nain et bouffon de la reine, la premi��re fois qu'il franchira le seuil de ma maison. Fait double entre nous, etc.? Bravo! bravo! c'est la premi��re sc��ne du drame!
ALDO.
Non, c'est un d��no?ment tout pr��t et que je vous offre gratis.
TICKLE.
J'en suis trop reconnaissant; je cours le porter �� la reine, qui en sera charm��e. (Il saute en bas de la table et s'enfuit.) Tu me le paieras!
ALDO.
Tu me le paieras aussi, canaille, si tu retombes sous ma main.
SC��NE II.
ALDO, seul.
Un ennemi de plus! et c'est ainsi que je vis! Chaque jour m'am��ne un assassin ou un voleur. Mis��rables! vous
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