Alcools | Page 4

Guillaume Apollinaire
jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
O marguerite exfoliée

Mon île au loin ma Désirade
Ma rose mon giroflier
Les satyres et les pyraustes
Les égypans les feux follets
Et les destins damnés ou
faustes
La corde au cou comme à Calais
Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps
incertains
Te fuient ô bûcher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire
Tes prêtres fous t'ont-ils paré
Tes victimes en
robe noire
Ont-elles vainement pleuré
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures
combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
O mon ombre ô mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai menée souviens-t'en bien
Ténébreuse épouse que
j'aime
Tu es à moi en n'étant rien
O mon ombre en deuil de moi-même
L'hiver est mort tout enneigé
On a brûlé les ruches blanches
Dans les jardins et les
vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l'Avril léger
Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores
livides

Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides
Et moi j'ai le coeur aussi gros
Qu'un cul de dame damascène
O mon amour je t'aimais
trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept épées hors du fourreau
Sept épées de mélancolie
Sans morfil ô claires douleurs
Sont dans mon coeur et la
folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie
Les sept épées
La première est toute d'argent
Et son nom tremblant c'est Pâline
Sa lame un ciel
d'hiver neigeant
Son destin sanglant gibeline
Vulcain mourut en la forgeant
La seconde nommée Noubosse
Est un bel arc-en-ciel joyeux
Les dieux s'en servent à

leurs noces
Elle a tué trente Bé-Rieux
Et fut douée par Carabosse
La troisième bleu féminin
N'en est pas moins un chibriape
Appelé Lul de Faltenin

Et que porte sur une nappe
L'Hermès Ernest devenu nain
La quatrième Malourène
Est un fleuve vert et doré
C'est le soir quand les riveraines

Y baignent leurs corps adorés
Et des chants de rameurs s'y trainent
La cinquième Sainte-Fabeau
C'est la plus belle des quenouilles
C'est un cyprès sur un
tombeau
Où les quatre vents s'agenouillent
Et chaque nuit c'est un flambeau
La Sixième métal de gloire
C'est l'ami aux si douces mains
Dont chaque matin nous
sépare
Adieu voilà votre chemin
Les coqs s'épuisaient en fanfares
Et la septième s'exténue
Une femme une rose morte
Merci que le dernier venu
Sur
mon amour ferme la porte
Je ne vous ai jamais connue
Voie lactée {2}
Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs
des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres
nébuleuses
Les démons du hasard selon
Le chant du firmament nous mènent
A sons perdus leurs
violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente à reculons
Destins destins impénétrables
Rois secoués par la folie
Et ces grelottantes étoiles

De fausses femmes dans vos lits
Aux déserts que l'histoire accable
Luitpold le vieux prince régent
Tuteur de deux royautés folles
Sanglote-t-il en y
songeant
Quand vacillent les lucioles
Mouches dorées de la Saint-Jean
Près d'un château sans châtelaine
La barque aux barcarols chantants
Sur un lac blanc
et sous l'haleine

Des vents qui tremblent au printemps
Voguait cygne mourant sirène
Un jour le roi dans l'eau d'argent
Se noya puis la bouche ouverte
Il s'en revint en
surnageant
Sur la rive dormir inerte
Face tournée au ciel changeant
Juin ton soleil ardente lyre
Brûle mes doigts endoloris
Triste et mélodieux délire

J'erre à travers mon beau Paris
Sans avoir le coeur d'y mourir
Les dimanches s'y éternisent
Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours
grises
Les fleurs aux balcons de Paris
Penchent comme la tour de Pise
Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'électricité
Les tramways feux verts sur

l'échine
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines
Les cafés gonflés de fumée
Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons
enrhumés
De leurs garçons vêtus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimée
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes années
Des hymnes
d'esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes
LES COLCHIQUES
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement
s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont
comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie
pour tes yeux lentement s'empoisonne
Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica

Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont
couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches
abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne
PALAIS
A Max Jacob
Vers le palais de Rosemonde au fond du Rêve
Mes rêveuses pensées pieds nus vont en
soirée
Le palais don du roi comme un roi nu s'élève
Des chairs fouettées des roses de
la roseraie
On voit venir au fond du jardin mes pensées
Qui sourient du concert joué par les
grenouilles
Elles ont envie des cyprès grandes quenouilles
Et le soleil miroir des roses
s'est brisé
Le stigmate sanglant des
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