Adolphe | Page 7

Benjamin Constant
inconv��nient, ��tre prises, puis ��tre quitt��es; et je l'avais vu sourire avec une sorte d'approbation �� cette parodie d'un mot connu: ?Cela leur fait si peu de mal, et �� nous tant de plaisir!?
L'on ne sait pas assez combien, dans la premi��re jeunesse, les mots de cette esp��ce font une impression profonde, et combien �� un age o�� toutes les opinions sont encore douteuses et vacillantes, les enfants s'��tonnent de voir contredire, par des plaisanteries que tout le monde applaudit, les r��gles directes qu'on leur a donn��es. Ces r��gles ne sont plus �� leurs yeux que des formules banales que leurs parents sont convenus de leur r��p��ter pour l'acquit de leur conscience, et les plaisanteries leur semblent renfermer le v��ritable secret de la vie.
Tourment�� d'une ��motion vague, je veux ��tre aim��, me disais-je, et je regardais autour de moi; je ne voyais personne qui m'inspirat de l'amour, personne qui me par?t susceptible d'en prendre; j'interrogeais mon coeur et mes go?ts: je ne me sentais aucun mouvement de pr��f��rence. Je m'agitais ainsi int��rieurement, lorsque je fis connaissance avec le comte de P**, homme de quarante ans, dont la famille ��tait alli��e �� la mienne. Il me proposa de venir le voir. Malheureuse visite! Il avait chez lui sa ma?tresse, une Polonaise, c��l��bre par sa beaut��, quoiqu'elle ne f?t plus de la premi��re jeunesse. Cette femme, malgr�� sa situation d��savantageuse, avait montr�� dans plusieurs occasions un caract��re distingu��. Sa famille, assez illustre en Pologne, avait ��t�� ruin��e dans les troubles de cette contr��e. Son p��re avait ��t�� proscrit; sa m��re ��tait all��e chercher un asile en France, et y avait men�� sa fille, qu'elle avait laiss��e, �� sa mort, dans un isolement complet. Le comte de P** en ��tait devenu amoureux. J'ai toujours ignor�� comment s'��tait form��e une liaison qui, lorsque j'ai vu pour la premi��re fois Ell��nore, ��tait, d��s longtemps, ��tablie et pour ainsi dire consacr��e. La fatalit�� de sa situation ou l'inexp��rience de son age l'avaient-elles jet��e dans une carri��re qui r��pugnait ��galement �� son ��ducation, �� ses habitudes et �� la fiert�� qui faisait une partie tr��s remarquable de son caract��re? Ce que je sais, ce que tout le monde a su, c'est que la fortune du comte de P** ayant ��t�� presque enti��rement d��truite et sa libert�� menac��e, Ell��nore lui avait donn�� de telles preuves de d��vouement, avait rejet�� avec un tel m��pris les offres les plus brillantes, avait partag�� ses p��rils et sa pauvret�� avec tant de z��le et m��me de joie, que la s��v��rit�� la plus scrupuleuse ne pouvait s'emp��cher de rendre justice �� la puret�� de ses motifs et au d��sint��ressement de sa conduite. C'��tait �� son activit��, �� son courage, �� sa raison, aux sacrifices de tout genre qu'elle avait support��s sans se plaindre, que son amant devait d'avoir recouvr�� une partie de ses biens. Ils ��taient venus s'��tablir �� D** pour y suivre un proc��s qui pouvait rendre enti��rement au comte de P** son ancienne opulence, et comptaient y rester environ deux ans.
Ell��nore n'avait qu'un esprit ordinaire; mais ses id��es ��taient justes, et ses expressions, toujours simples, ��taient quelquefois frappantes par la noblesse et l'��l��vation de ses sentiments. Elle avait beaucoup de pr��jug��s; mais tous ses pr��jug��s ��taient en sens inverse de son int��r��t. Elle attachait le plus grand prix �� la r��gularit�� de la conduite, pr��cis��ment parce que la sienne n'��tait pas r��guli��re suivant les notions re?ues. Elle ��tait tr��s religieuse, parce que la religion condamnait rigoureusement son genre de vie. Elle repoussait s��v��rement dans la conversation tout ce qui n'aurait paru �� d'autres femmes que des plaisanteries innocentes, parce qu'elle craignait toujours qu'on ne se cr?t autoris�� par son ��tat �� lui en adresser de d��plac��es. Elle aurait d��sir�� ne recevoir chez elle que des hommes du rang le plus ��lev�� et de moeurs irr��prochables, parce que les femmes �� qui elle fr��missait d'��tre compar��e se forment d'ordinaire une soci��t�� m��lang��e, et, se r��signant �� la perte de la consid��ration, ne cherchent dans leurs relations que l'amusement. Ell��nore, en un mot, ��tait en lutte constante avec sa destin��e. Elle protestait, pour ainsi dire, par chacune de ses actions et de ses paroles, contre la classe dans laquelle elle se trouvait rang��e; et comme elle sentait que la r��alit�� ��tait plus forte qu'elle, et que ses efforts ne changeaient rien �� sa situation, elle ��tait fort malheureuse. Elle ��levait deux enfants qu'elle avait eus du comte de P** avec une aust��rit�� excessive. On e?t dit quelquefois qu'une r��volte secr��te se m��lait �� l'attachement plut?t passionn�� que tendre qu'elle leur montrait, et les lui rendait en quelque sorte importuns. Lorsqu'on lui faisait �� bonne intention quelque remarque sur ce que ses enfants grandissaient, sur les talents qu'ils promettaient d'avoir, sur la carri��re qu'ils auraient �� suivre, on la voyait palir de l'id��e qu'il
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