puisse être contesté.
Personne ne niera, je suppose, que l'acte du 16 mai ait été inattendu.
Cela a été quelque chose comme le commencement d'une préméditation qui se dévoile.
L'effet a été terrible.
Remontons à quelques semaines en arrière. La France était en plein travail, c'est-à-dire en pleine fête. Elle se préparait à l'Exposition universelle de 1878 avec la fierté joyeuse des grandes nations civilisatrices. Elle déclarait au monde l'hospitalité. Paris, convalescent, glorieux et superbe, élevait un palais à la fraternité des nations; la France, en dépit des convulsions continentales, était confiante et tranquille, et sentait s'approcher l'heure du suprême triomphe, du triomphe de la paix. Tout à coup, dans ce ciel bleu un coup de foudre éclate, et au lieu d'une victoire on apporte à la France une catastrophe. (Vive émotion.--Bravos à gauche.)
Le 15 mai, tout prospérait; le 16, tout s'est arrêté. On a assisté au spectacle étrange d'un malheur public, fait exprès. (Sensation.) Subitement, le crédit se déconcerte; la confiance dispara?t; les commandes cessent; les usines s'éteignent; les manufactures se ferment; les plus puissantes renvoient la moitié de leurs ouvriers; lisez les remontrances des chambres de commerce; le ch?mage, cette peste du travail, se répand et s'accro?t, et une sorte d'agonie commence. Ce que cette calamité, le 16 mai, co?te à notre industrie, à notre commerce, à notre travail national, ne peut se chiffrer que par des centaines de millions. (Allons donc! à droite.--Oui! oui! à gauche.)
Eh bien, messieurs, aujourd'hui que vous demande-t-on? De la continuer. Le 16 mai désire se compléter. Un mois d'agonie, c'est peu; il en demande quatre. Dissolvez la chambre. On verra où la France en sera au bout de quatre mois. La durée du 16 mai, c'est la durée de la catastrophe. Aggravation funeste. Partout la stagnation commerciale, partout la fièvre politique. Trois mois de querelle et de haine. L'angoisse ajoutée à l'angoisse. Ce qui n'était que le ch?mage sera la faillite; ruine pour les riches, famine pour les pauvres; l'électeur acculé à son droit; l'ouvrier sans pain armé du vote. La colère mêlée à la justice. Tel est le lendemain de la dissolution. (Mouvement.)
Si vous l'accordiez, messieurs, le service que le 16 mai aurait rendu à la France équivaudrait au service vice que rend une rupture de rails à un train lancé à toute vapeur. (C'est vrai!)
Et j'hésite à achever ma pensée, mais il faut, sinon tout dire, au moins tout indiquer.
Messieurs, réfléchissez. L'Europe est en guerre. La France a des ennemis. Si, en l'absence des chambres, dans l'éclipse de la souveraineté nationale, si l'étranger....
(Bruit et protestations à droite.--A gauche: N'interrompez pas!--M. le président: Faites silence!--A gauche: C'est à la droite qu'il faut dire cela!)
....Si l'étranger profitait de cette paralysie de la France, si ... je m'arrête.
Ici, messieurs, la situation appara?t tellement grave, que nous avons pu voir dans les bureaux du sénat des membres du cabinet faire appel à notre patriotisme et nous demander de ne pas insister.
Nous n'insistons pas.
Mais nous nous retournons vers le pouvoir personnel, et nous lui disons:
La guerre extérieure actuelle ajoutée à la crise intérieure faite par vous crée une situation telle que, de votre aveu, l'on ne peut pas même sonder ce qui est possible. Pourquoi alors faire cette crise? Puisque vous avez le choix du moment, pourquoi choisir ce moment-ci? Vous n'avez aucun reproche sérieux à faire à la chambre des députés; le mot radical appliqué à ses tendances ou à ses actes est vide de sens. La chambre a eu le très grand tort, à mes yeux, de ne pas voter l'amnistie; mais je ne suppose pas que ce soit là votre grief contre elle. (Sourires à gauche.) La chambre des députés a poussé l'esprit de conciliation et de consentement jusqu'à partager avec le sénat son privilége en matière d'imp?ts, c'est-à-dire qu'elle a fait en France plus de concessions au sénat que la chambre des communes n'en fait en Angleterre à la chambre des lords. (A gauche: C'est vrai!) La chambre des députés, à part les turbulences de la droite, est modérée, parlementaire et patriote; seulement il y a entre elle, chambre nationale, et vous, pouvoir personnel, incompatibilité d'humeur; vous avez, à ce qu'il parait, des théories politiques qui font mauvais ménage avec les théories politiques de la chambre des députés, et vous voulez divorcer. Soit. Mais il n'y a là aucune urgence. Pourquoi prendre l'heure la plus périlleuse? Dissoudre la chambre en ce moment, c'est désarmer la France. (Mouvement.) Pourquoi ne pas attendre que le conflit européen soit apaisé? Quand la situation sera redevenue calme, si votre incompatibilité d'humeur ne s'est pas dissipée, si vous persistez dans votre fantaisie théorique, vous nous en reparlerez, et, puisque nous sommes ce qu'en Angleterre on appelle la cour des divorces, nous aviserons. Nous choisirons entre la chambre et vous. Mais rien ne presse, attendez. En ce moment, soyons prudents, et
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.