du présent. (Applaudissements.)
Citoyens, la paix vaincra.
Ce triomphe de l'avenir, il est visible dès aujourd'hui, il approche, nous y touchons. Il s'appellera l'Exposition de 1878. Qu'est-ce en effet qu'une Exposition internationale? C'est la signature de tous les peuples mise au bas d'un acte de fraternité. C'est le pacte des industries s'associant aux arts, des sciences encourageant les découvertes, des produits s'échangeant avec les idées, du progrès multipliant le bien-être, de l'idéal s'accouplant au réel. C'est la communion des nations dans l'harmonie qui sort du travail. Lutte, si l'on veut, mais lutte féconde; éblouissante mêlée des travailleurs qui laisse derrière elle, non la mort, mais la vie, non des cadavres, mais des chefs-d'oeuvre; bataille superbe où il n'y a que des vainqueurs. (Longs applaudissements.)
Ce spectacle splendide, il est juste que ce soit Paris qui le donne au monde.
1870, c'est-à-dire le guet-apens de la guerre, a été le fait de la Prusse; 1878, c'est-à-dire la victoire de la paix, sera la réplique de la France.
L'Exposition universelle de 1878, ce sera la guerre mise en déroute par la paix.
Ce sera la réconciliation avec Paris, dont l'univers a besoin.
La paix, c'est le verbe de l'avenir, c'est l'annonce des états-Unis de l'Europe, c'est le nom de baptême du vingtième siècle. Ne nous lassons pas, nous les philosophes, de déclarer au monde la paix. Faisons sortir de ce mot suprême tout ce qu'il contient.
Disons-le, ce qu'il faut à la France, à l'Europe, au monde civilisé, ce qui est dès à présent réalisable, ce que nous voulons, le voici: les religions sans l'intolérance, c'est-à-dire la raison rempla?ant le dogmatisme; la pénalité sans la mort, c'est-à-dire la correction rempla?ant la vindicte; le travail sans l'exploitation, c'est-à-dire le bien-être rempla?ant le malaise; la circulation sans la frontière, c'est-à-dire la liberté rempla?ant la ligature; les nationalités sans l'antagonisme, c'est-à-dire l'arbitrage rempla?ant la guerre (mouvement); en un mot, tous les désarmements, excepté le désarmement de la conscience. (Bravos répétés.)
Ah! cette exception-là, je la maintiens. Car tant que la politique contiendra la guerre, tant que la pénalité contiendra l'échafaud, tant que le dogme contiendra l'enfer, tant que la force sociale sera comminatoire, tant que le principe, qui est le droit, sera distinct du fait, qui est le code, tant que l'indissoluble sera dans la loi civile et l'irréparable dans la loi criminelle, tant que la liberté pourra être garrottée, tant que la vérité pourra être baillonnée, tant que le juge pourra dégénérer en bourreau, tant que le chef pourra dégénérer en tyran, tant que nous aurons pour précipices des ab?mes creusés par nous-mêmes, tant qu'il y aura des opprimés, des exploités, des accablés, des justes qui saignent, des faibles qui pleurent, il faut, citoyens, que la conscience reste armée. (Applaudissements prolongés.)
La conscience armée, c'est Juvénal terrible, c'est Tacite pensif, c'est Dante flétrissant Boniface, c'est-à-dire l'homme probe chatiant l'homme infaillible, c'est Voltaire vengeant Calas, c'est-à-dire la justice rappelant à l'ordre la magistrature. (Sensation. Triple salve d'applaudissements.) La conscience armée, c'est le droit incorruptible faisant obstacle à la loi inique, c'est la philosophie supprimant la torture, c'est la tolérance abolissant l'inquisition, c'est le jour vrai rempla?ant dans les ames le jour faux, c'est la clarté de l'aurore substituée à la lueur des b?chers. Oui, la conscience reste et restera armée, Juvénal et Tacite resteront debout, tant que l'histoire nous montrera la justice humaine satisfaite de son peu de ressemblance avec la justice divine, tant que la raison d'état sera en colère, tant qu'un épouvantable vae victis régnera, tant qu'on écoutera un cri de clémence comme on écouterait un cri séditieux, tant qu'on refusera de faire tourner sur ses gonds la seule porte qui puisse fermer la guerre civile, l'amnistie! (Profonde émotion.--Applaudissements prolongés.)
Cela dit, je conclus. Et je conclus par l'espérance.
Ayons une foi absolue dans la patrie. La destinée de la France fait partie de l'avenir humain. Depuis trois siècles la lumière du monde est fran?aise. Le monde ne changera pas de flambeau.
Pourtant, généreux patriotes qui m'écoutez, ne croyez pas que je pousse l'espérance jusqu'à l'illusion. Ma foi en la France est filiale, et par conséquent passionnée, mais elle est philosophique, et par conséquent réfléchie. Messieurs, ma parole est sincère, mais elle est virile, et je ne veux rien dissimuler. Non, je n'oublie pas que je parle aux hommes de Paris. La responsabilité est en proportion de l'auditoire. Une seule chose est à la taille du peuple, c'est la vérité. Et dire la réalité, c'est le devoir.
Eh bien, la réalité, c'est que nous traversons une heure redoutable. La réalité, c'est que, si la nuit complète se faisait, il y aurait des possibilités de naufrage. Les crises succèdent aux catastrophes. J'espère cependant.
Je fais plus qu'espérer. J'affirme. Pourquoi? Je vais vous le dire, et ce sera mon dernier mot.
La marche du genre humain vers l'avenir a toutes les complications d'un voyage de découvertes. Le progrès est une navigation;
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