sultan à sultan, on s'assassine. Partout le cynisme de la victoire; partout cette espèce d'ivrognerie terrible qu'on appelle la guerre. La force s'imagine qu'elle est le droit; ici, on mutile la France, c'est-à-dire la civilisation; là, on poignarde la Serbie, c'est-à-dire l'humanité. A cette heure, il y a un gouvernement, qui est un bandit, assis sur un peuple, qui est un cadavre.
Certes les monarchies ne le font pas exprès, mais elles démontrent la nécessité de la république.
La monarchie impériale aboutit à Sedan; la monarchie pontificale aboutit au Syllabus. Le Syllabus, je l'ai dit et je le répète, c'est toute la quantité de b?cher possible au dix-neuvième siècle. Au moment où nous sommes, ce qui sort de l'autel, ce n'est pas la prière, c'est la menace; l'oraison est coupée par ce hoquet farouche: Anathème! anathème! Le prêtre bénit à poing fermé. On refuse aux cercueils ce qui leur est d?; on ajoute à la violation du respect la violation de la loi; on méconna?t ce qu'il y a de mystérieux et de vénérable dans la volonté du mourant; on choisit, pour insulter la philosophie et la raison, l'instant où la liberté de la conscience s'appuie sur la majesté de la mort.
Qui fait ces choses audacieuses? Le vieil esprit sacerdotal et monarchique. Ici la conquête, là le massacre, là l'intolérance; le mensonge épousant la nuit, la haine de tr?ne à tr?ne engendrant la guerre de peuple à peuple, tel est le spectacle. Où la démocratie dit: Paix et liberté! le despotisme dit: Carnage et servitude! De là les crimes qui aujourd'hui épouvantent l'Europe. Admirons la manière dont les monarchies s'y prennent pour montrer les beautés de la république: elles montrent leurs laideurs.
Tant que les fanatismes et les despotismes seront les ma?tres, l'Europe sera difforme et terrible. Mais espérons. Que prouvent les carcans et les cha?nes? qu'il faut que les peuples soient libres. Que prouvent les sabres et les mitrailles? qu'il faut que les peuples soient frères. Que prouvent les sceptres? qu'il faut des lois.
Les lois, les voici: liberté de pensée, liberté de croyance, liberté de conscience; liberté dans la vie, délivrance dans la mort; l'homme libre, l'ame libre.
Célébrons donc ce rassurant anniversaire, le 22 septembre 1792. Il y a une aurore dans l'humanité, comme il y en a une dans le ciel; ce jour-là le ciel et l'homme ont été d'accord, les deux aurores ont fait leur jonction. Lux populi, lux Dei.
La généreuse ville de Marseille a raison de vénérer ce jour suprême; elle fait bien; je m'associe à sa patriotique manifestation.
Cet anniversaire vient à propos.
Il y a quatrevingt-quatre ans, à pareil jour, au milieu des plus redoutables complications, en présence de la coalition des rois, l'immense énigme humaine étant posée, une bouche sublime, la bouche de la France, s'est ouverte et a jeté aux peuples ce cri qui est une solution: République! Il y a dans ce cri une puissance d'écroulement qui ébranle sur leur base les tyrannies, les usurpations et les impostures, et qui fait trembler toutes les tours des ténèbres. L'écroulement du mal, c'est la construction du bien.
Répétons-le, ce cri libérateur République!
Répétons-le d'une voix si ferme et si haute qu'il ait raison de toutes les surdités. Achevons ce que nos a?eux ont commencé. Soyons les fils obéissants de nos glorieux pères. Complétons la révolution fran?aise par la fraternité européenne, et l'unité de la France par l'unité du continent. établissons entre les nations cette solide paix, la fédération, et cette solide justice, l'arbitrage. Soyons des peuples d'esprit au lieu d'être des peuples stupides. échangeons des idées et non des boulets. Quoi de plus bête qu'un canon? Que toute l'oscillation du progrès soit contenue entre ces deux termes:
Civilisation, mais révolution.
Révolution, mais civilisation.
Et, convaincus, dévoués, unanimes, glorifions nos dates mémorables. Glorifions le 14 juillet, glorifions le 10 ao?t, glorifions le 22 septembre. Ayons une si fière fa?on de nous en souvenir qu'il en sorte la liberté du monde. Célébrer les grands anniversaires, c'est préparer les grands événements.
Mes concitoyens, je vous salue.
1877
I
LES OUVRIERS LYONNAIS
Le dimanche 25 mars, une conférence a lieu dans la salle du Chateau d'Eau pour les ouvriers lyonnais.
Victor Hugo et Louis Blanc y prennent la parole.
Voici le discours de Victor Hugo:
Les ouvriers de Lyon souffrent, les ouvriers de Paris leur viennent en aide. Ouvriers de Paris, vous faites votre devoir, et c'est bien. Vous donnez là un noble exemple. La civilisation vous remercie.
Nous vivons dans un temps où il est nécessaire d'accomplir d'éclatantes actions de fraternité. D'abord, parce qu'il est toujours bon de faire le bien; ensuite, parce que le passé ne veut pas se résigner à dispara?tre, parce qu'en présence de l'avenir, qui apporte aux nations la fédération et la concorde, le passé tache de réveiller la haine. (Applaudissements).
Répondons à la haine par la solidarité et par l'union.
Messieurs, je ne prononcerai que des paroles austères et graves. Avoir devant
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