là une inexprimable douleur.
C'est l'arrivée des barbares; eh bien, il y a une autre attaque non moins funeste, c'est l'arrivée des ténèbres.
Si quelque chose est plus lugubre que le piétinement de nos sillons par les talons de la landwehr, c'est l'envahissement du dix-neuvième siècle par le moyen age. Crescendo outrageant. Après l'empereur, le pape; après Berlin, Rome.
Après avoir vu triompher le glaive, voir triompher la nuit!
La civilisation, cette lumière, peut être éteinte par deux modes de submersion; deux invasions lui sont dangereuses, l'invasion des soldats et l'invasiondes prêtres.
L'une menace notre mère, la patrie; l'autre menace notre enfant, l'avenir.
III
Deux inviolabilités sont les deux plus précieux biens d'un peuple civilisé, l'inviolabilité du territoire et l'inviolabilité de la conscience. Le soldat viole l'une, le prêtre viole l'autre.
Il faut rendre justice à tout, même au mal; le soldat croit bien faire, il obéit à sa consigne; le prêtre croit bien faire, il obéit à son dogme; les chefs seuls sont responsables. Il n'y a que deux coupables, César et Pierre; César qui tue, Pierre qui ment.
Le prêtre peut être de bonne foi; il croit avoir une vérité à lui, différente de la vérité universelle. Chaque religion a sa vérité, distincte de la vérité d'à c?té. Cette vérité ne sort pas de la nature, entachée de panthéisme aux yeux des prêtres; elle sort d'un livre. Ce livre varie. La vérité qui sort du talmud est hostile à la vérité qui sort du koran. Le rabbin croit autrement qu'e le marabout, le fakir contemple un paradis que n'aper?oit pas le caloyer, et le Dieu visible au capucin est invisible au derviche. On me dira que le derviche en voit un autre; je l'accorde, et j'ajoute que c'est le même; Jupiter, c'est Jovis, qui est Jova, qui est Jéhovah; ce qui n'empêche pas Jupiter de foudroyer Jéhovah, et Jéhovah de damner Jupiter; F? excommunie Brahma, et Brahma anathématise Allah; tous les dieux se revomissent les uns les autres; toute religion dément la religion d'en face; les clergés flottent dans tout cela, se ha?ssant, tous convaincus, à peu près; il faut les plaindre et leur conseiller la fraternité. Leur pugilat est pardonnable. On croit ce qu'on peut, et non ce qu'on veut. Là est l'excuse de tous les clergés; mais ce qui les excuse les limite. Qu'ils vivent, soit; mais qu'ils n'empiètent pas. Le droit au fanatisme existe, à la condition de ne pas sortir de chez lui; mais dès que le fanatisme se répand au dehors, dès qu'il devient véda, pentateuque ou syllabus, il veut être surveillé. La création s'offre à l'étude de l'homme; le prêtre déteste cette étude et tient la création pour suspecte; la vérité latente dont le prêtre dispose contredit la vérité patente que l'univers propose. De là un conflit entre la foi et la raison. De là, si le clergé est le plus fort, une voie de fait du fanatisme sur l'intelligence. S'emparer de l'éducation, saisir l'enfant, lui remanier l'esprit, lui repétrir le cerveau, tel est le procédé; il est redoutable. Toutes les religions ont ce but: prendre de force l'ame humaine.
C'est à cette tentative de viol que la France est livrée aujourd'hui.
Essai de fécondation qui est une souillure. Faire à la France un faux avenir; quoi de plus terrible?
L'intelligence nationale en péril, telle est la situation actuelle.
L'enseignement des mosquées, des synagogues et des presbytères, est le même; il a l'identité de l'affirmation dans la chimère; il substitue le dogme, cet empirique, à la conscience, cet avertisseur. Il fausse la notion divine innée; la candeur de la jeunesse est sans défense, il verse dans cette candeur l'imposture, et, si on le laisse faire, il en arrive à ce résultat de créer chez l'enfant une épouvantable bonne foi dans l'erreur.
Nous le répétons, le prêtre est ou peut être convaincu et sincère. Doit-on le blamer? non. Doit-on le combattre? oui.
Discutons, soit.
Il y a une éducation à faire, le clergé le croit du moins, l'éducation de la civilisation; le clergé nous la demande. Il veut qu'on lui confie cet élève, le peuple fran?ais. La chose vaut la peine d'être examinée.
Le prêtre, comme ma?tre d'école, travaille dans beaucoup de pays. Quelle éducation donne-t-il? Quels résultats obtient-il? Quels sont ses produits? là est toute la question.
Celui qui écrit ces lignes a dans l'esprit deux souvenirs; qu'on lui permette de les comparer, il en sortira peut-être quelque lumière. Dans tous les cas, il n'est jamais inutile d'écrire l'histoire.
IV
En 1848, dans les tragiques journées de juin, une des places de Paris fut brusquement envahie par les insurgés.
Cette place, ancienne, monumentale, sorte de forteresse carrée ayant pour muraille un quadrilatère de hautes maisons en brique et eu pierre, avait pour garnison un bataillon commandé par un brave officier nommé Tombeur. Les redoutables insurgés de juin s'en emparèrent avec la rapidité irrésistible des foules combattantes.
Ici, très brièvement, mais très nettement, expliquons-nous sur
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