Abrégé de lHistoire Universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome Prem | Page 9

Voltaire
hasarder sa vie pour sa foi.
Il défendit l'usage du Vin, parce que l'abus en est trop dangereux. Il conserva la
Circoncision pratiquée par les Arabes, ainsi que par les anciens Égyptiens, instituée
probablement pour prévenir ces abus de la première puberté, qui énervent souvent la
jeunesse. Il permit aux hommes la pluralité des femmes, usage immémorial de tout
l'Orient. Il n'altéra en rien la Morale, qui a toujours été la même dans le fond chez tous les
hommes, et qu'aucun Législateur n'a jamais corrompue.
Il proposait pour récompense une Vie éternelle, où l'Âme serait enivrée de tous les
plaisirs spirituels, et où le Corps ressuscité avec ses sens goûterait par ces sens même
toutes les voluptés qui lui sont propres.
Sa Religion s'appela l'Islamisme,[5] qui signifie résignation à la volonté de Dieu. Le
Livre qui la contient, s'appela Coran, c'est-à-dire le Livre, ou l'Écriture, ou la Lecture par
excellence.

[Note 5: Écrit «Ismamisme» dans l'édition originale de Jean Neaulme (1753).]
Tous les Interprètes de ce Livre conviennent que sa morale est contenue dans ces paroles:
Recherchez qui vous chasse; donnez à qui vous offense; pardonnez à qui vous offense;
faites du bien à tous; ne contestez point avec les Ignorants.
Parmi les déclamations incohérentes, dont ce Livre est rempli selon le goût Oriental, on
ne laisse pas de trouver des morceaux qui peuvent paraître sublimes. Mahomet, par
exemple, en parlant de la cessation du Déluge, s'exprime ainsi. Dieu dit, Terre engloutis
tes eaux, Ciel puise les ondes que tu a versées: le Ciel et la Terre obéirent.
Sa définition de Dieu est d'un genre plus véritablement sublime. On lui demandait quel
était cet Alla qu'il annonçait: C'est celui, répondit-il, qui tient l'être de soi-même, et de qui
les autres le tiennent; qui n'engendre point, et qui n'est point engendré; et à qui rien n'est
semblable dans toute l'étendue des Êtres.
Il est vrai que les contradictions, les absurdités, les anachronismes sont répandues en
foule dans ce Livre. On y voit surtout une ignorance profonde de la Physique la plus
simple et la plus connue. C'est-là la pierre de touche des Livres que les fausses Religions
prétendent écrits par la Divinité; car Dieu n'est ni absurde ni ignorant; mais le Vulgaire
qui ne voit point ces fautes, les adore, et les Docteurs emploient un déluge de paroles
pour les pallier.
Quelques personnes ont cru sur un passage équivoque de l'Alcoran, que Mahomet ne
savait ni lire ni écrire; ce qui ajouterait encore aux prodiges de ses succès: mais il n'est
pas vraisemblable qu'un homme qui avait été négociant si longtemps, ne sût pas ce qui est
si nécessaire au négoce: encore moins est-il probable, qu'un homme si instruit des
Histoires et des Fables de son Pays, ignorât ce que savaient tous les enfants de sa Patrie.
D'ailleurs les Auteurs Arabes rapportent qu'en mourant, Mahomet demanda une plume et
de l'encre.
Persécuté à la Mecque, sa fuite qu'on nomme Égire, devint l'époque de sa gloire et de la
fondation de son Empire. De fugitif il devint conquérant; réfugié à Médine, il y persuada
le peuple et l'asservit: il battit d'abord avec 113 hommes les Mecquois, qui étaient venus
fondre sur lui au nombre de mille. Cette victoire, qui fut un miracle aux yeux de ses
Sectateurs, les persuada que Dieu combattait pour eux, comme eux pour lui. Dès la
première victoire, ils espérèrent la conquête du Monde. Mahomet prit la Mecque, vit ses
persécuteurs à ses pieds, conquit en neuf ans par la parole et par les armes toute l'Arabie,
Pays aussi grand que la Perse, et que les Perses ni les Romains n'avaient pu conquérir.
Dès ses premiers succès il avait écrit au Roi de Perse Cosroès Second, à l'Empereur
Héraclius, au Prince des Coptes Gouverneur d'Égypte, au Roi des Abyssins, à un Roi
nommé Mandar, qui régnait dans une Province près du Golfe Persique.
Il osa leur proposer d'embrasser sa Religion; et ce qui est étrange, c'est que de ces Princes
il y en eut deux qui se firent Mahométans. Ce furent le Roi d'Abyssinie et ce Mandar.
Cosroès déchira la Lettre de Mahomet avec indignation. Héraclius répondit par des
présents. Le Prince des Coptes lui envoya une Fille qui passait pour un chef-d'oeuvre de

la Nature, et qu'on appelait La belle Marie.
Mahomet au bout de neuf ans se croyant assez fort pour étendre sa conquête et sa religion
dans l'Empire Grec et Persan, commença par attaquer la Syrie soumise alors à Héraclius,
et lui prit quelques Villes. Cet Empereur entêté de disputes métaphysiques de Religion, et
qui avait pris le parti des Monothélites, essuya en peu de temps deux propositions bien
singulières; l'une de la part de Cosroès Second, qui l'avait longtemps vaincu, et l'autre de
la part de Mahomet. Cosroès voulait qu'Héraclius embrassât la Religion des Mages, et
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