Abrégé de lHistoire Générale des Voyages | Page 9

Jean François de la Harpe
à quelque caste ou corporation; ils partaient avec des systèmes et des préjugés; ils rapportaient ce bagage inutile, et quelquefois, au retour, ils ensevelissaient le fruit de leurs observations dans les mystères de leurs associations; le peuple n'en profitait guères.
Une nouvelle source d'instruction fut ouverte au monde, par les voyages et expéditions commerciales des Phéniciens. Ce peuple marchand, riche et entreprenant, fonda des colonies sur la c?te d'Afrique et sur celle d'Espagne; ses marins visitèrent un grand nombre de c?tes inconnues, et ses marchands entretinrent des liaisons avec des peuples qui ne s'étaient pas connus entr'eux jusqu'alors. C'était une époque de découvertes géographiques. Cependant les Phéniciens, comme tous les peuples commer?ans, étaient jaloux; ils ne voulurent pas trop divulguer leurs découvertes, de peur de montrer le chemin à d'autres nations, et de les inviter à suivre leur exemple. Les Carthaginois ne les en supplantèrent pas moins, et ce peuple, plus dominateur que les Phéniciens qui au fond voulaient plut?t commercer que régner, fut ma?tre de l'Espagne et de la Sicile, et fit reconna?tre par sa marine la c?te du nord et de l'ouest de l'Afrique. Le journal de ce voyage de découverte est parvenu à la postérité: c'est, malgré sa brièveté, un morceau précieux de la géographie ancienne.
Sur ces entrefaites, des germes de civilisation s'étaient développés rapidement dans les colonies phéniciennes et égyptiennes, en Grèce; bient?t il s'y forma une nation d'un esprit plus actif et plus fécond, que toutes celles qui jusqu'alors avaient brillé sur le globe. Avec son ardeur innée pour le savoir, elle ne manqua point de s'enquérir des autres peuples de la terre. Hérodote, qui avait voyagé, lui raconta des vérités et des fables; en agrandissant leur sphère d'activité, les Grecs obtinrent des notions plus positives. à la suite du conquérant Alexandre, roi de Macédoine, ils traversèrent les pays les plus fameux de l'Asie, et arrivèrent jusqu'à l'Inde. Alexandre était trop épris de la gloire, pour ne pas tourner ses expéditions au profit de la science. Ses officiers reconnurent les c?tes, des relations de commerce s'établirent entre les pays grecs et ceux de l'Asie; dès-lors le lien entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique devint indissoluble; l'intérêt l'avait noué, on pouvait être s?r qu'il subsisterait.
L'éclat brillant de la Grèce commen?ait à s'éclipser, quand le peuple romain étendit sa domination sur l'Italie; Carthage succomba aux coups portés par cette nouvelle puissance; Rome incorpora dans ses états les dépouilles de cette république. Successivement elle conquit la Gaule, la Grèce, l'Asie mineure, l'égypte, une partie de la Germanie, la Grande-Bretagne. Ses lieutenans et ses financiers eurent bien soin d'explorer les pays conquis; des colonies y furent envoyées; il n'y avait pas encore eu d'empire composé d'une aussi grande étendue de terres connues; la route de commerce par la mer Rouge jusqu'à l'Inde subsistait toujours; le nord de l'Afrique fut connu des Romains; leurs géographes, unissant les connaissances acquises par les Phéniciens, les Carthaginois et les Grecs, à celles qui étaient dues aux conquêtes des Romains, furent à même de présenter au monde une plus grande masse de renseignemens géographiques, qu'on n'en avait eu auparavant. Les Pline, les Strabon, les Ptolémée, les Pomponius Méla rassemblèrent de véritables trésors, en comparaison de ce qui avait été réuni avant eux; il est vrai que leurs devanciers n'avaient pas trouvé d'aussi précieux matériaux. Un César n'avait pas parlé de la Gaule, ni un Tacite de la Germanie et de la Grande-Bretagne.
Cependant que de terres, que de peuples restèrent encore à découvrir, que de notions à rectifier, que de sciences à cultiver, pour parvenir à la connaissance de ce globe, dont les Romains possédaient une si petite portion, malgré toute l'étendue de leur puissance! Ils ne connurent pas la moitié de l'Afrique, et ignorèrent la configuration de cette partie du monde. En Asie, leurs recherches ne s'étendirent point au delà des contrées méridionales qui leur envoyaient les richesses de leur sol. Jamais ils ne pénétrèrent dans le nord de l'Europe; l'immense empire actuel de la Russie ne leur fournit que de faibles notions sur les moeurs des habitans. Ils ne soup?onnèrent point l'existence d'autres continens, d'autres parties du monde. Ils en restèrent aux élémens de la minéralogie, de la géologie, de la botanique, et d'autres sciences qui ont des rapports si intimes avec la géographie, et qui l'ont tant enrichie depuis qu'elles sont bien cultivées!
Encore ces renseignemens accumulés pendant plusieurs siècles, et par suite de nombreux événemens, faillirent-ils se perdre lors de la chute de l'empire romain. Des peuples barbares traversèrent l'empire romain pour le ravager; ils substituèrent leur barbarie et leur liberté, au brillant esclavage des peuples soumis à Rome; ils renversèrent cette puissance qui avait détruit tant de puissances plus faibles, et firent rentrer les nations dans la barbarie et l'indépendance, d'où elles avaient été tirées par la force aidée de la civilisation.
Ces barbares
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