Abrégé de lHistoire Générale des Voyages | Page 2

Jean François de la Harpe
qui existe encore dans le pays de Vaud. Elle vécut obscurément en France; le jeune Laharpe, né à Paris en 1739, perdit, à l'age de neuf ans, son père, capitaine d'artillerie, et n'eut d'abord d'autre secours que celui des soeurs de la charité. L'intelligence avec laquelle il récitait déjà dans son enfance les vers, lui attira la bienveillance du proviseur du collége d'Harcourt; il obtint une bourse dans ce collége, et y fit de brillantes études. Le prix d'honneur lui fut décerné en rhétorique: présage de ses succès dans ce genre sur un plus grand théatre. Une injustice qu'il essuya vers la fin de sa carrière scolastique était faite pour lui inspirer cette aigreur qu'il ne montra que trop souvent dans ses démêlés littéraires. Accusé d'avoir fait des couplets satiriques contre le proviseur son bienfaiteur, il fut puni, non pas par le collége, mais par la police, et enfermé six mois à Bicêtre et au fort l'évêque. Il est convenu dans la suite d'avoir fait des couplets contre des gens du collége, mais il a déclaré n'en avoir jamais composé contre des personnes à l'égard desquelles il avait des devoirs à remplir. Il est très-probable que les couplets contre le proviseur avaient été ajoutés par quelque autre écolier. Avant de procéder criminellement contre un jeune homme sans protection, il aurait donc fallu d'abord s'assurer de la vérité du fait; mais c'est de quoi on ne s'embarrassait guère sous le règne du voluptueux Louis XV. Marmontel ne fut-il pas également enfermé pour des couplets (mais qu'il n'avait pas faits), qui tournaient en ridicule un gentilhomme de la chambre? Cette prison dut faire na?tre de sérieuses réflexions chez le jeune Laharpe; et peut-être fut-ce pour avoir été victime du régime arbitraire, qu'il se rangea, en sortant de captivité, sous la bannière des écrivains qui demandaient la réforme des abus et le respect pour les droits de l'humanité.
à l'age de vingt ans il débuta dans la carrière littéraire par des héro?des, genre de poésie que les succès de Colardeau avaient mis en vogue. Ces premiers essais que l'auteur recueillit ensuite dans ses mélanges littéraires et philosophiques furent jugés sévèrement par le fameux Fréron; Laharpe en jugea lui-même peu favorablement dans un age m?r, et ne les comprit point dans le choix de ses oeuvres. Il s'essaya vers le même temps dans la critique de la littérature ancienne. L'étroit esprit de Fréron ne vit dans ces articles que de la hardiesse; des hommes qui avaient moins de préjugés que l'auteur de l'Année littéraire y aper?urent le germe d'un beau talent.
Le théatre ne tarda point à exciter toute son ambition littéraire. Il débuta dans la carrière dramatique par la tragédie de Warwick, qui fut jouée d'abord à la cour vers la fin de 1763, et puis à la Comédie Fran?aise. Elle eut beaucoup de succès, et s'est maintenue au répertoire. Cette pièce fut le motif d'une correspondance entre Laharpe et Voltaire; ce grand écrivain accueillit favorablement le jeune écrivain, auquel il remarqua de grandes dispositions pour la poésie. Laharpe avait épousé la fille d'un limonadier; tous deux sans fortune, ils menaient une vie assez économique. Voltaire les garda quelque temps à Ferney, où Laharpe travaillait à de nouvelles tragédies, tandis que sa femme jouait dans celles de leur h?te célèbre, qui eut pour tous les deux beaucoup d'affection, et souffrit même que Laharpe lui f?t quelquefois des observations critiques sur ses ouvrages inédits, et y proposat des changemens. Il disait avec bonté au jeune littérateur: Changez toujours de même, je ne puis qu'y gagner. De temps en temps Laharpe faisait des voyages à Paris pour faire jouer Timoléon, Pharamond et Gustave, tragédies dont malheureusement aucune ne se ressentit de l'inspiration de Ferney. On le jugea froid et sans verve. Piron, qui ne vit pas sans déplaisir qu'un po?te osat refaire Gustave Vasa, fit une épigramme dont voici la fin:
J'ai laissé Gustave imparfait, Retouchez-y, mais gare au trait Que vous et moi nous devons craindre. Messieurs, criera quelque indiscret, Mévius gata le portrait, Bavius l'achève de peindre.
Ce fut avant la représentation du Gustave de Laharpe que Piron lan?a cette épigramme; il en fit une autre après la chute de la pièce; il y qualifia Laharpe sans fa?on de
Lourd, froid, sec, éthique Dans le dramatique.
Laharpe assure qu'il n'eut pas lui-même la patience d'attendre la fin de la représentation, qu'il ne garda que des fragmens de son manuscrit, qu'il jeta au feu la pièce de Pharamond, et que s'il eut la faiblesse ou plut?t le besoin de faire imprimer Timoléon, qui avait eu quelques représentations, il ne comprit pas du moins cette tragédie dans la collection de ses oeuvres. Ce qui lui avait paru bon dans la pièce de Timoléon, fut transporté plus tard dans celle de Coriolan. Bient?t après, en 1768, le public apprit que Laharpe avait
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