Abelard, Tome II.

Charles de Rèmusat
Abelard, Tome II.

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Title: Abélard, Tome II.
Author: Charles de Rémusat
Release Date: October 20, 2004 [EBook #13807]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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ABéLARD
PAR
CHARLES DE RéMUSAT
Spero equidem quod gloriam eorum qui nunc sunt posteritas celebrabit.
JEAN DE SALISBURY, disciple d'Abélard Metalogicus in prologo.

TOME DEUXIèME
DE LA PHILOSOPHIE D'ABéLARD.

CHAPITRE VIII.
DE LA MéTAPHYSIQUE D'ABéLARD.--_De Generibus et Speciebus._--QUESTION DES UNIVERSAUX.
La nature des genres et des espèces a donné lieu à la controverse la plus longue peut-être et la plus animée, certainement la plus abstraite, qui ait passionné l'esprit humain. Rien en effet ne ressemble moins à une question pratique, à une de ces questions mêlées aux intérêts du monde et aux affaires de la vie, que celle de savoir ce qu'il faut penser de la nature des idées générales. S'il existe une chose qui paraisse une simple curiosité scientifique, c'est assurément une recherche dont il est difficile de faire saisir l'objet même à bien des esprits cultivés. Cependant la durée de la controverse est un fait historique. Elle a commencé avant le moyen age, et elle s'est maintenue à l'état de guerre civile intellectuelle, depuis le XIe siècle jusqu'à la fin du XVe, c'est-à-dire pendant plus de quatre cents ans. La chaleur et la violence même avec lesquelles cette guerre a été soutenue passe toute idée; et si le règne de la scolastique est à bon droit regardé comme l'ère des disputes, il en doit la réputation à la question des universaux.
Aussi a-t-on pu dériver toute la scolastique de cette unique question. C'est Abélard lui-même qui a dit: ?Il semblait que la science résidat tout entière dans la doctrine des universaux[1].? Et l'un des hommes qui ont décrit avec le plus de vivacité et jugé le plus librement les querelles de ce temps, Jean de Salisbury, voulant dépeindre la présomption de certains docteurs, s'exprime ainsi:
Tout apprenti, dès qu'il sait joindre deux parties d'oraison, se tient et parle comme s'il savait tous les arts[2]; il vous apporte un système nouveau touchant les genres et les espèces, un système inconnu de Boèce, ignoré de Platon, et que par un heureux sort il vient tout fra?chement de découvrir dans les mystères d'Aristote; il est prêt à vous résoudre une question sur laquelle le monde en travail a vieilli, pour laquelle il a été consumé plus de temps que la maison de César n'en a usé à gagner et à régir l'empire du monde, pour laquelle il a été versé plus d'argent que n'en a possédé Crésus dans toute son opulence. Elle a retenu en effet si longtemps grand nombre de gens, que, ne cherchant que cela dans toute leur vie, ils n'ont en fin de compte trouvé ni cela ni autre chose; et c'est peut-être que leur curiosité ne s'est pas contentée de ce qui pouvait être trouvé; car de même que dans l'ombre d'un corps quelconque la substance corporelle se cherche vainement, ainsi dans les intelligibles qui peuvent être compris universellement, mais non exister universellement, la substance d'une solide existence ne saurait être rencontrée. User sa vie en de telles recherches, c'est le fait d'un homme oisif et qui travaille à vide. Purs nuages de choses fugitives, plus on les poursuit avidement, plus rapidement ils s'évanouissent; les auteurs expédient la question de diverses manières, avec divers langages, et quand ils se sont différemment servis des mots, ils semblent avoir trouvé des opinions différentes; c'est ainsi qu'ils ont laissé ample matière à disputer aux gens querelleurs....?
[Note 1: _Ab. Op._, ep. i, p. 6.]
[Note 2: Ces deux lignes sont dans le texte deux vers dont Jean dit qu'il ne se rappelle pas l'auteur:
Gartio (sic) quisque duas postquam scit jungere partes, Sic stat, sic loquitur velut omnes noverit artes.
_Policrat._, lib. VII, c. XII.--Voyez aussi Buddeus, _Observ. select._, XIX, t. VI, p. 161 et 163.]
Ainsi parlait un écrivain qui faisait profession d'être de l'Académie, c'est-à-dire de douter un peu, et de s'en tenir aux choses probables, tout en se donnant pour fermement attaché au grand Aristote, qu'il regardait comme l'auteur de la science du probabilisme, sans doute pour avoir défini le raisonnement dialectique le raisonnement probable[3]. Jean de Salisbury n'estimait guère la question ni les systèmes qu'elle avait enfantés; mais il était frappé de l'importance de fait d'une question qui avait donné plus de peine à conduire que l'empire romain. Il s'étonnait de la violence des disputes qu'elle allumait
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