la tête pleine d’Ellen.
Le lendemain, je fus réveillé par un bruit endiablé. C’était ma?tre Sem qui se dégourdissait les jambes en exécutant une gigue nationale.
Ce divertissement fut suivi d’une petite chanson de Doddy, d’une adorable romance de miss Ellen, et d’un solo de piston véritablement magistral.
Tout à coup, une voix monta de la cour.
-- Eh bien! George; êtes-vous prêt? Je vous attends.
-- Voilà, voilà, je brosse mon chapeau et je suis à vous.
Effectivement, la minute d’après, George sortait.
Je l’examinai par l’entrebaillement de ma porte.
C’était un grand gar?on, rasé de près, convenablement vêtu, un gentleman tout à fait.
Dans la chambre, tout s’était tu.
J’avais beau prêter l’oreille, je n’entendais rien.
Ils se sont rendormis, pensai-je.
Pourtant, ce diable de Sem semblait bien éveillé.
Quels dr?les de gens!
Il était neuf heures, à peu près. J’attendis.
Les minutes passèrent, et les quarts d’heure, et les heures. Toujours pas un mouvement.
Il allait être midi.
Ce silence devenait inquiétant.
Une idée me vint.
Je tirai un coup de revolver dans ma chambre, et j’écoutai. Pas un cri, pas un murmure, pas une réflexion de mes voisins. Alors j’eus sérieusement peur. J’allai frapper à leur porte
-- _Open the door, Sem! … Miss Ellen!… Doddy! Open the door…_
Rien ne bougeait! Plus de doute, ils étaient tous morts. Assassinés par George, peut-être, ou asphyxiés! Je voulus regarder par le trou de la serrure. La clef était sur la porte. Je n’osai pas entrer. Comme un fou, je me précipitai au bureau de l’h?tel.
-- Madame Stéphany, fis-je d’une voix que j’essayai de rendre indifférente, qui demeure à c?té de moi?
-- Au 81? C’est un Américain, M. George Huyotson.
-- Et que fait-il?
-- Il est ventriloque.
LE MEDECIN MONOLOGUE POUR CADET
Pour avoir du toupet, je ne connais personne comme les médecins. Un toupet infernal! Et un mépris de la vie humaine, donc!
Vous êtes malade, votre médecin arrive. Il vous palpe, vous ausculte, vous interroge, tout cela en pensant à autre chose. Son ordonnance faite, il vous dit: ? Je repasserai ?, et -- vous pouvez être tranquille -- il repassera, jusqu’à ce que vous soyez passé, vous, et trépassé.
Quand vous êtes trépassé, immédiatement un croque-mort vient lui apporter une petite prime des pompes funèbres.
Si vous résistez longtemps à la maladie et surtout aux médicaments, le bon docteur se frotte les mains, car ses petites visites et surtout la petite remise que lui fait le pharmacien font boule de neige et finissent par constituer une somme rondelette.
Une seule chose l’embête, le bon docteur: c’est si vous guérissez tout de suite. Alors il trouve encore moyen de faire son malin et de vous dire, avec un aplomb infernal:
-- Ah! ah! je vous ai tiré de là!
Mais de tous les médecins celui qui a le plus de toupet, c’est le mien, ou plut?t l’ex-mien, car je l’ai balancé, et je vous prie de croire que ?a n’a pas fait un pli.
à la suite d’un chaud et froid, ou d’un froid et chaud -- je ne me souviens pas bien -- j’étais devenu un peu indisposé. Comme je tiens à ma peau -- qu’est-ce que vous voulez, on n’en a qu’une! -- , je téléphonai à mon médecin, qui arriva sur l’heure.
Je n’allais déjà pas très bien, mais après la première ordonnance, je me portai tout à fait mal et je dus prendre le lit.
Nouvelle visite, nouvelle ordonnance, nouvelle aggravation.
Bref, au bout de quelques jours, j’avais maigri d’un tas de livres… et même de kilos.
Un matin que je ne me sentais pas du tout bien, mon médecin, après m’avoir ausculté plus soigneusement que de coutume, me demanda:
-- Vous êtes content de votre appartement?
-- Mais oui, assez.
-- Combien payez-vous?
-- Trois mille quatre.
-- Les concierges sont convenables?
-- Je n’ai jamais eu à m’en plaindre.
-- Et le propriétaire?
-- Le propriétaire est très gentil.
-- Les cheminées ne fument pas?
-- Pas trop.
Etc., etc.
Et je me demandais: ? Où veut-il en venir, cet animal-là? Que mon appartement soit humide ou non, ?a peut l’intéresser au point de vue de ma maladie, mais le chiffre de mes contributions, qu’est-ce que ?a peut bien lui faire? ? Et malgré mon état de faiblesse, je me hasardai à lui demander:
-- Mais, docteur, pourquoi toutes ces questions?
-- Je vais vous le dire, me répondit-il, je cherche un appartement, et le v?tre ferait bien mon affaire.
-- Mais… je n’ai point l’intention de déménager
-- Il faudra bien pourtant dans quelques jours.
-- Déménager?
-- Dame!
Et je compris
Mon médecin jugeait mon état désespéré, et il ne me l’envoyait pas dire.
Ce que cette brusque révélation me produisit, je ne saurais l’exprimer en aucune langue.
Un trac terrible, d’abord, une frayeur épouvantable!
Et puis, ensuite, une colère bleue! On ne se conduit pas comme ?a avec un malade, avec un client, un bon client, j’ose le dire.
Ah! tu veux mon appartement, mon vieux? Eh bien, tu peux te fouiller!
Quand vous serez malade, je vous recommande ce procédé-là: mettez- vous en colère. ?a vous
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