pourrai pas
continuer mon histoire.
-- Je ne vais plus t’interrompre, va.
-- Il y avait une fois un oncle et un neveu. L’oncle était très riche, très
riche…
-- Combien qu’il avait d’argent?
-- Dix-sept cents milliards de rente, et puis des maisons, des voitures,
des campagnes…
-- Et des chevaux?
-- Parbleu! puisqu’il avait des voitures.
-- Des bateaux? Est-ce qu’il avait des bateaux?
-- Oui, quatorze.
-- À vapeur?
-- Il y en avait trois à vapeur, les autres étaient à voiles.
-- Et son neveu, est-ce qu’il allait sur les bateaux?
-- Fiche-moi la paix! Tu m’empêches de te raconter l’histoire.
-- Raconte-la, va, je ne vais plus t’empêcher.
-- Le neveu, lui, n’avait pas le sou, et ça l’embêtait énormément…
-- Pourquoi que son oncle lui en donnait pas?
-- Parce que son oncle était un vieil avare qui aimait garder tout son
argent pour lui. Seulement, comme le neveu était le seul héritier du
bonhomme…
-- Qu’est-ce que c’est héritier?
-- Ce sont les gens qui vous prennent votre argent, vos meubles, tout ce
que vous avez, quand vous êtes mort…
-- Alors, pourquoi qu’il ne tuait pas son oncle, le neveu?
-- Eh bien! tu es joli, toi! Il ne tuait pas son oncle parce qu’il ne faut pas
tuer son oncle, dans aucune circonstance, même pour en hériter.
-- Pourquoi qu’il ne faut pas tuer son oncle?
-- À cause des gendarmes.
-- Mais si les gendarmes le savent pas?
-- Les gendarmes le savent toujours, le concierge va les prévenir. Et
puis, du reste, tu vas voir que le neveu a été plus malin que ça. Il avait
remarqué que son oncle, après chaque repas, était rouge…
-- Peut-être qu’il était saoul.
-- Non, c’était son tempérament comme ça. Il était apoplectique…
-- Qu’est-ce que c’est apoplectique?
-- Apoplectique… Ce sont des gens qui ont le sang à la tête et qui
peuvent mourir d’une forte émotion…
-- Moi, je suis-t-y apoplectique?
-- Non, et tu ne le seras jamais. Tu n’as pas une nature à ça. Alors le
neveu avait remarqué que surtout les grandes rigolades rendaient son
oncle malade, et même une fois il avait failli mourir à la suite d’un
éclat de rire trop prolongé.
-- Ça fait donc mourir, de rire?
-- Oui, quand on est apoplectique… Un beau jour, voilà le neveu qui
arrive chez son oncle, juste au moment où il sortait de table. Jamais il
n’avait si bien dîné. Il était rouge comme un coq et soufflait comme un
phoque…
-- Comme les phoques du Jardin d’Acclimatation?
-- Ce ne sont pas des phoques, d’abord, ce sont des otaries. Le neveu se
dit: « Voilà le bon moment », et il se met à raconter une histoire drôle,
drôle…
-- Raconte-la-moi, dis?
-- Attends un instant, je vais te la dire à la fin… L’oncle écoutait
l’histoire, et il riait à se tordre, si bien qu’il était mort de rire avant que
l’histoire fût complètement terminée.
-- Quelle histoire donc qu’il lui a racontée?
-- Attends une minute… Alors, quand l’oncle a été mort, on l’a enterré,
et le neveu a hérité.
-- Il a pris aussi les bateaux?
-- Il a tout pris, puisqu’il était son seul héritier.
-- Mais quelle histoire qu’il lui avait racontée, à son oncle?
-- Eh bien! celle que je viens de te raconter.
-- Laquelle?
-- Celle de l’oncle et du neveu.
-- Fumiste, va!
-- Et toi, donc
COLLAGE
Le Dr Joris Abraham W. Snowdrop, de Pigtown (U.S.A.), était arrivé à
l’âge de cinquante-cinq ans, sans que personne de ses parents ou amis
eût pu l’amener à prendre femme.
L’année dernière, quelques jours avant Noël, il entra dans le grand
magasin du 37th Square (Objets artistiques en Banaloïd), pour y
acheter ses cadeaux de Christmas.
La personne qui servait le docteur était une grande jeune fille rousse, si
infiniment charmante qu’il en ressentit le premier trouble de toute sa
vie. À la caisse, il s’informa du nom de la jeune fille.
-- Miss Bertha.
Il demanda à miss Bertha si elle voulait l’épouser. Miss Bertha répondit
que, naturellement (of course), elle voulait bien.
Quinze jours après cet entretien, la séduisante miss Bertha devenait la
belle mistress Snowdrop.
En dépit de ses cinquante-cinq ans, le docteur était un mari absolument
présentable. De beaux cheveux d’argent encadraient sa jolie figure
toujours soigneusement rasée. Il était fou de sa jeune femme, aux petits
soins pour elle et d’une tendresse touchante.
Pourtant, le soir des noces, il lui avait dit avec une tranquillité terrible:
-- Bertha, si jamais vous me trompez, arrangez-vous de façon que je
l’ignore.
Et il avait ajouté:
-- Dans votre intérêt.
Le Dr Snowdrop, comme beaucoup de médecins américains, avait en
pension chez lui un élève qui assistait à
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.