A se tordre | Page 2

Alphonse Allais
qui ressemblait tellement �� un grand jeune homme norv��gien dont elle faisait le m��nage, que je n��eus pas une minute de doute. Celle-l��, c��est la Norv��gienne. Et puis, tous les ans, ?a a continu��. Non pas que ma femme soit plus d��vergond��e qu��une autre, mais elle a trop bon coeur. Des natures comme ?a, ?a ne sait pas refuser. Bref, j��ai sept enfants, et il n��y a que le dernier qui soit de moi.
-- Et celui-l��, vous l��appelez le Douanier, je suppose?
-- Non, je l��appelle le Cocu, c��est plus gentil.
L��hiver arrivait; je dus quitter Houlbec, non sans faire de touchants adieux �� mon ami Pascal et �� tous ses petits fonctionnaires. Je leur offris m��me de menus cadeaux qui les combl��rent de joie.
L��ann��e suivante, je revins �� Houlbec pour y passer l����t��.
Le jour m��me de mon arriv��e, je rencontrais la Norv��gienne, en train de faire des commissions.
Ce qu��elle ��tait devenue jolie, cette petite Norv��gienne!
Avec ses grands yeux verts de mer et ses cheveux d��or pale, elle semblait une de ces f��es blondes des l��gendes scandinaves. Elle me reconnut et courut �� moi.
Je l��embrassai:
-- Bonjour, Norv��gienne, comment vas-tu?
-- ?a va bien, monsieur, je vous remercie.
-- Et ton papa?
-- Il va bien, monsieur, je vous remercie.
-- Et ta maman, ta petite soeur, tes petits fr��res?
-- Tout le monde va bien, monsieur, je vous remercie. Le Cocu a eu la rougeole cet hiver, mais il est tout �� fait gu��ri maintenant�� et puis, la semaine derni��re, maman a accouch�� d��un petit Juge de paix.
FERDINAND
Les b��tes ont-elles une ame? Pourquoi n��en auraient-elles pas? J��ai rencontr��, dans la vie, une quantit�� consid��rable d��hommes, dont quelques femmes, b��tes comme des oies, et plusieurs animaux pas beaucoup plus idiots que bien des ��lecteurs.
Et m��me -- je ne dis pas que le cas soit tr��s fr��quent -- j��ai personnellement connu un canard qui avait du g��nie.
Ce canard, nomm�� Ferdinand, en l��honneur du grand Fran?ais, ��tait n�� dans la cour de mon parrain, le marquis de Belveau, pr��sident du comit�� d��organisation de la Soci��t�� g��n��rale d��affichage dans les tunnels.
C��est dans la propri��t�� de mon parrain que je passais toutes mes vacances, mes parents exer?ant une industrie insalubre dans un milieu confin��.
(Mes parents -- j��aime mieux le dire tout de suite, pour qu��on ne les accuse pas d��indiff��rence �� mon ��gard -- avaient ��tabli une raffinerie de phosphore dans un appartement du cinqui��me ��tage, rue des Blancs-Manteaux, compos�� d��une chambre, d��une cuisine et d��un petit cabinet de d��barras, servant de salon.)
Un v��ritable ��den, la propri��t�� de mon parrain! Mais c��est surtout la basse-cour o�� je me plaisais le mieux, probablement parce que c����tait l��endroit le plus sale du domaine.
Il y avait l��, vivant dans une touchante fraternit��, un cochon adulte, des lapins de tout age, des volailles polychromes et des canards �� se mettre �� genoux devant, tant leur ramage valait leur plumage.
L��, je connus Ferdinand, qui, �� cette ��poque, ��tait un jeune canard dans les deux ou trois mois. Ferdinand et moi, nous nous pl?mes rapidement.
D��s que j��arrivais, c����taient des coincoins de bon accueil, des fr��missements d��ailes, toute une bruyante manifestation d��amiti�� qui m��allait droit au coeur.
Aussi l��id��e de la fin prochaine de Ferdinand me gla?ait-elle le coeur de d��sespoir.
Ferdinand ��tait fix�� sur sa destin��e, conscius sui fati. Quand on lui apportait dans sa nourriture des ��pluchures de navets ou des cosses de petits pois, un rictus amer crispait les commissures de son bec, et comme un nuage de mort voilait d��avance ses petits yeux jaunes.
Heureusement que Ferdinand n����tait pas un canard �� se laisser mettre �� la broche comme un simple dindon: ? Puisque je ne suis pas le plus fort, se disait-il, je serai le plus malin ?, et il mit tout en oeuvre pour ne conna?tre jamais les hautes temp��ratures de la r?tissoire ou de la casserole.
Il avait remarqu�� le man��ge qu��ex��cutait la cuisini��re, chaque fois qu��elle avait besoin d��un sujet de la basse-cour. La cruelle fille saisissait l��animal, le soupesait, le palpait soigneusement, pelotage supr��me!
Ferdinand se jura de ne point engraisser et il se tint parole.
Il mangea fort peu, jamais de f��culents, ��vita de boire pendant ses repas, ainsi que le recommandent les meilleurs m��decins. Beaucoup d��exercice.
Ce traitement ne suffisant pas, Ferdinand, aid�� par son instinct et de rares aptitudes aux sciences naturelles, p��n��trait de nuit dans le jardin et absorbait les plantes les plus purgatives, les racines les plus drastiques.
Pendant quelque temps, ses efforts furent couronn��s de succ��s, mais son pauvre corps de canard s��habitua �� ces drogues, et mon infortun�� Ferdinand regagna vite le poids perdu.
Il essaya des plantes v��n��neuses �� petites doses, et su?a quelques feuilles d��un datura stramonium qui jouait dans les massifs de mon parrain un r?le ��pineux et d��coratif.
Ferdinand fut malade comme un fort cheval et faillit y passer.
L����lectricit�� s��offrit �� son ame ing��nieuse, et je le surpris souvent,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 47
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.